Un sociologue se penche sur la question
A quel point l'héritage est-il important pour les Suisses?

A quel point l'héritage est-il important pour les Suisses? Un sociologue et spécialiste de la recherche sur les générations explique pourquoi nous pensons différemment dans notre pays que de nombreux Britanniques.
Publié: 24.03.2024 à 10:07 heures
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Dernière mise à jour: 24.03.2024 à 10:21 heures
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Sandra Meier

Un Britannique de 34 ans craint que ses «boomers de parents» ne dilapident tout son héritage en voyages de luxe. Et il n'est pas le seul. Selon un sondage réalisé en Grande-Bretagne, 40% des 35-50 ans interrogés attendent un héritage de leurs parents. Le sujet a fait des vagues parmi les lecteurs de Blick, et il en ressort une image uniforme: les Suisses semblent indignés lorsque des jeunes revendiquent l'héritage de leurs parents. A la question «Est-ce que tu t'inquiètes du fait que tes parents pourraient dilapider ton héritage?», 97% ont répondu par «Non, c'est leur propre argent après tout».

Selon le sociologue François Höpflinger, spécialiste de la recherche sur les générations, il y a plusieurs raisons possibles pour lesquelles les attentes en matière d'héritage sont plus faibles dans notre pays.

Règles en matière d'héritage

En Suisse, contrairement à la Grande-Bretagne, il existe une part obligatoire d'héritage pour les membres de la famille proche. Grâce à cette loi, on est mieux protégé dans notre pays, quelle que soit la relation avec les parents, explique le sociologue à Blick. La manière dont on hérite et à qui va l'argent est davantage réglementée en Suisse.

En Suisse, les attentes en matière d'héritage ne sont pas les mêmes qu'en Grande-Bretagne.
Photo: imago/photothek
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«En Angleterre ou aux Etats-Unis, les personnes peuvent faire ce qu'elles veulent de leur héritage», explique François Höpflinger. Il est par exemple possible de léguer tout son argent à un animal domestique, comme une perruche. En Suisse, les animaux n'ont pas droit à l'héritage. Ce système d'héritage plus équitable réduit également les conflits possibles. Selon le sociologue, les disputes ne surviennent que dans 15% des cas environ. Dans la plupart des cas, les disputes se déroulent entre frères et sœurs.

Culture historique de l'héritage

«Autrefois, dans la classe supérieure anglaise, on attendait de chaque génération qu'elle transmette le château et les terres», explique François Höpflinger. Pour ne pas morceler les terres, elles étaient généralement léguées au premier fils. Les autres frères et sœurs ne recevaient rien. En Suisse, les héritages étaient répartis plus équitablement. «De plus, la littérature britannique a régulièrement abordé des cas où les parents avaient dilapidé tout l'héritage dans des jeux», ajoute-t-il.

Situation économique

En Suisse, la qualité de vie n'est pas seulement plus élevée qu'en Grande-Bretagne grâce à l'interaction entre un système économique libéral et un Etat social bien développé. Les différentes possibilités de formation permettent également aux jeunes d'avoir de meilleures chances de promotion. Le sociologue François Höpflinger cite l'apprentissage ou la maturité professionnelle comme exemples. «Lorsque les parents investissent dans l'avenir de leurs enfants, c'est-à-dire par le biais d'une bonne formation scolaire, cela a un effet important.» La jeune génération a ainsi la possibilité de suivre sa propre voie. Le fait que l'on hérite relativement tard dans notre pays contribue également à une faible attente. La plupart du temps, peu avant ou après la retraite. Et les sommes sont intéressantes: en 2022, environ 88 milliards de francs ont changé de propriétaire par héritage.

Le fossé entre les générations se creuse

Pourtant, en Suisse aussi, le fossé entre les générations s'est creusé ces dernières années. Le dernier baromètre des générations de 2023 a montré une évolution surprenante: plus de la moitié de la génération Z, c'est-à-dire des 18-25 ans, est plus pessimiste quant à l'avenir et perçoit un fossé plus important entre jeunes et vieux.

Selon François Höpflinger, un bilan générationnel négatif prévaut en Europe et en Suisse: les générations plus âgées profitent davantage – au détriment des jeunes. Le sociologue cite l'exemple de la 13e rente AVS, qui doit être financée par les personnes actives. Mais il voit un défi encore plus grand pour les jeunes générations dans la pénurie de logements: beaucoup de personnes âgées occupent de grands appartements et de jeunes familles, à l'inverse, ne trouvent pas de logements abordables. Selon François Höpflinger, il existe toutefois des projets qui permettent de remédier à cette situation. Les coopératives, par exemple, tentent d'introduire des règles plus strictes. Par exemple, les parents peuvent occuper un appartement plus petit au sein de la coopérative dès que les enfants ont quitté la maison.

Mais dans l'ensemble, les relations au niveau familial se seraient plutôt améliorées par rapport au passé: «Les adolescents ont une meilleure vision de leurs parents aujourd'hui qu'il y a 20 ans.»

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