68% sont pour des bilatérales
Les Suisses ne se sont jamais sentis aussi proche de l'Europe

Malgré toutes les critiques de la gauche et de la droite, la population soutient de manière claire le mandat de négociation avec Bruxelles. Mais ce n'est pas pour autant que la bataille est gagnée.
Publié: 18.12.2023 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 18.12.2023 à 09:08 heures
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Sermîn Faki et Daniel Ballmer

Les négociations avec Bruxelles entrent dans une nouvelle phase. Le Conseil fédéral a présenté vendredi le nouveau mandat de négociation. Et les positions historiques des partis sont souvent reprises. Pourtant, selon un sondage de gfs.bern, la majorité de la population est favorable aux Bilatérales.

À gauche, on s'inquiète par exemple de la protection des salaires. Le patron des syndicats et conseiller aux États socialiste Pierre-Yves Maillard demande déjà des améliorations dans une interview accordée à Blick.

La droite se fait également entendre sur le sujet. L'UDC déplore un «cadeau de Noël empoisonné». Et le groupe Kompass/Europa du milliardaire Alfred Gantner travaille déjà sur une initiative populaire. Leur demande de référendum veut empêcher non seulement les juges étrangers mais aussi une reprise dynamique du droit.

Monika Rühl, directrice d'Economiesuisse, est confiante quant à l'issue des négociations avec Bruxelles.
Photo: keystone-sda.ch
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La voie bilatérale a le vent en poupe

Il s'avère que cela faisait longtemps que le climat politique européen n'avait pas été aussi bon. À la demande de différentes associations économiques, l'institut de sondage gfs.bern a réalisé une enquête d'opinion sur un échantillon représentatif. Et les résultats sont étonnants.

68% de la population voient exclusivement ou plutôt des avantages à la voie bilatérale. C'est 10% de plus qu'au printemps dernier et même un record depuis 2015. 

Pour Urs Bieri, le responsable de l'étude, ce bon résultat s'explique car «il règne vraiment une atmosphère de renouveau». Face aux défis internationaux, les Suisses souhaitent aussi retrouver plus de sécurité et cherchent à se rapprocher des valeurs que l'Europe incarne. «En outre, la situation économique mondiale tendue rappelle que la coopération avec l'Union européenne a favorisé la prospérité de la Suisse» ajoute Urs Bieri.

La moitié des partisans l'UDC est favorable aux négociations

Ce contexte conduit à une vision favorable au développement de la voie bilatérale. C'est pourquoi 68% des 1000 participants interrogés souhaitent que le Conseil fédéral mène des négociations sur un nouveau paquet d'accords, tel que le gouvernement l'a présenté vendredi.

Fait étonnant, 49% des partisans de l'UDC soutiennent les négociations sur les fameuses Bilatérales III, alors que le parti s'oppose depuis des années à une nouvelle «soumission» à Bruxelles. Il semble alors que l'UDC est quelque peu déconnectée des souhaits de la population, comme le montre le sondage réalisé au cours de la première moitié du mois de novembre.

Les «juges étrangers» sont également approuvés: 66% des interrogées sont d'accord avec le fait qu'un tribunal arbitral doit régler les questions litigieuses et que la Cour de justice européenne doit interpréter le droit européen.

La moitié des personnes interrogées sont favorables à ce que la Suisse facilite partiellement l'accès aux prestations sociales pour les citoyens de l'Union européenne.

Prospérité et immigration

Les Suissesses et les Suisses sont parfaitement conscients que la Confédération doit donner quelque chose en retour à l'UE. Les syndicats doivent aussi le savoir. 83% des participants se prononcent en faveur d'une adaptation des mesures d'accompagnement, tant que les salaires suisses ne sont pas mis sous pression.

Les 1000 participants au sondage font surtout valoir des raisons économiques pour justifier leur position. Pour 85% d'entre eux, il est décisif de garantir l'accès aux principaux marchés d'exportation de la Suisse. 78% pensent que la participation (actuellement gelée) aux programmes de recherche de l'UE contribue à ce que la Suisse fasse partie des pays les plus innovants. Et pas moins de 83% sont d'avis que cela permet à la Suisse d'obtenir de la main-d'œuvre spécialisée dont elle a un besoin urgent.

Il y a quand même une ombre au tableau. L'immigration qui va de pair avec la libre circulation des personnes fait partie des arguments les plus dissuasifs contre les Bilatérales. La population est notamment sceptique en ce qui concerne la charge des assurances sociales (assurance chômage, aide sociale et AVS) et la hausse des prix de l'immobilier et des loyers. Le fait que la Suisse n'ait plus de contrôle sur l'immigration en raison de la libre circulation des personnes dérange 52% des personnes interrogées.

Une économie soulagée

Les associations économiques se réjouissent néanmoins des résultats. Par exemple Stefan Brupbacher, directeur de l'association Swissmem déclare: «Nous l'avons maintenant noir sur blanc: les Bilatérales III bénéficient d'un grand soutien.» Monika Rühl, présidente de la direction d'Economiesuisse, se réjouit particulièrement du fait qu'il existe une majorité dans tous les camps politiques en faveur d'un nouveau paquet. «Cela permet d'être confiant sur l'avenir.»

Le responsable de l'étude Urs Bieri met toutefois en garde contre des attentes exagérées. Selon lui, le débat sur la politique européenne va s'intensifier au cours des prochains mois. «Et les points faibles de la voie bilatérale reviennent ainsi au premier plan: les mesures d'accompagnement, l'immigration, la Cour de justice européenne et, surtout, le sentiment que l'UE est trop puissante et exige trop de compromis de la part de la Suisse.»

Mais cela ne change rien à la bienveillance fondamentale que la population accorde aux Bilatérales III, selon lui. «Les gens savent que la prospérité de la Suisse est menacée si on laisse les accords bilatéraux s'éroder. En fin de compte, tout dépendra de ce que l'on pourra opposer aux points faibles lors d'un nouveau rapprochement.»


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