Une affaire réglée en catimini à Genève
Un policier aurait agressé une prostituée avant d'échapper à la justice

Un agent genevois en congé a été impliqué dans une affaire de mœurs, il y a cinq ans, révèle la RTS. Cependant, aucune enquête n'a jamais été ouverte. Explications.
Publié: 21.08.2023 à 12:06 heures
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Dernière mise à jour: 21.08.2023 à 14:16 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

C’est une petite bombe que lâche le pôle enquête de la RTS, en faisant remonter à la surface ce dimanche une histoire vieille de cinq ans. À cette époque, une prostituée accuse un policier genevois en congé de l’avoir agressée et séquestrée. «Or, cet épisode n’a jamais fait l’objet d’une enquête», révèlent nos confrères.

Les faits remontent à la nuit du 2 au 3 avril 2018. Un chauffeur de taxi aperçoit une silhouette dans la pénombre, vers 23h30, dans le quartier de Champel (GE). Il s’agit d’une femme en pleurs qui appelle à l’aide.

«Elle avait peur», glisse le taximan que la RTS a retrouvé. «Je l’ai tout de suite mise sous ma protection, dans la voiture. J’ai fait un virage et j’ai appelé la police. Je l’ai ensuite déposée près d’un restaurant, une fois que les forces de l’ordre sont arrivées.»

Un policier aurait agressé une prostituée il y a cinq ans. Fait troublant: le procureur de service n'a pas été alerté le soir des faits, révèle la RTS.
Photo: Keystone

«Elle m’a parlé d’un viol»

L’homme enchaîne: «Elle m’a raconté avoir été agressée. Elle m’a parlé d’un viol. En quarante ans de vie professionnelle, c’est la première fois que j’assiste à ça.» Une fois arrivées sur place, les forces de l’ordre écoutent la jeune femme. C’est une Roumaine qui ne parle pas bien français. Elle raconte aux agents qu’elle fait le plus vieux métier du monde et qu’elle aurait pris en charge un client qui l’aurait agressée dans sa voiture. L’homme «voulait du sexe brutal, plus physique».

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Paniquée, elle aurait quitté le véhicule sans même que la prestation ne lui soit payée. Dans la foulée, la police vérifie les plaques du véhicule en question. Stupeur: le client n’est autre qu’un policier en congé. «Pour cette raison, un commissaire s’est rendu sur place et l’IGS (ndlr: police des polices) a été informée de la situation», assure aujourd’hui la police du bout du Léman contactée par la RTS.

Presque au même moment, l’agent en question se présente spontanément auprès de la patrouille. «Manifestement aviné, il appelle les agents au téléphone et reconnaît être l’utilisateur du véhicule recherché, relatent nos confrères. Mais il aurait tenté de minimiser les faits et dénigré la travailleuse du sexe.»

Le procureur pas alerté

La prostituée, encore sous le choc, est emmenée au vieil Hôtel de police, normalement fermé la nuit. Elle y est rejointe par le commissaire, un membre de l’IGS, ainsi que le policier en congé, auteur présumé de l’agression, qui a fait le déplacement en pleine nuit. «Une querelle demeurant entre cette travailleuse du sexe et son client, ils ont tous deux pu s’expliquer et régler leur différend, sous la surveillance du commissaire de service et de l’IGS, qui ont pu vérifier qu’aucune des parties ne profitait de l’autre», affirme la police genevoise.

Cette affaire soulève de nombreuses questions. Voici sans doute la plus intrigante posée par le service public: pourquoi le procureur de permanence a-t-il été laissé dans l’ignorance ce soir-là? La procédure l’aurait pourtant exigé, appuie Me Lorella Bertani. «S’il y a un événement grave ou sérieux qui est, à Genève, définit par une directive du Ministère public, il doit être immédiatement informé», souligne l’avocate.

Or, un événement sérieux est défini comme un événement «important» dans lequel est entre autres impliqué «un fonctionnaire titulaire de la force publique, notamment un policier ou un gardien de prison», selon la directive du procureur général. Une directive qui n’aurait pas été respectée, au vu de ces informations.

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