Victime de conflit d'intérêts
De CEO d'Implenia à président des CFF: André Wyss crée la polémique

André Wyss, actuel CEO d'Implenia, deviendra président des CFF dès 2026. Le couac? Ce dernier a reçu des commandes de leur part pour un montant de 550 millions de francs, il détient également des parts de plusieurs millions dans l'entreprise de construction.
Publié: 25.08.2024 à 16:56 heures
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Thomas Schlittler

Il était à prévoir que Monika Ribar quitterait son poste de présidente des CFF dans deux ans: son mandat touche à sa fin. Qui lui succédera donc? Présenté par le Conseil fédéral, André Wyss, CEO du géant de la construction et de l'immobilier Implenia a créé la surprise. 

André Wyss quittera son poste de directeur d'Implenia fin mars 2025. Le mois suivant, la Confédération le nommera au conseil d'administration des CFF. L'année suivante, il devrait en prendre la présidence.

Passer du plus grand groupe de construction suisse à la tête des Chemins de fer fédéraux n'est pas sans poser de problèmes. En effet, les deux entreprises travaillent en étroite collaboration depuis des années et rares sont ceux qui attribuent autant de marchés publics de construction que les chemins de fer. La collaboration inclut d'une part l'entretien et le développement de l'infrastructure ferroviaire, d'autre part d'énormes projets immobiliers à proximité des gares.

Monika Ribar devra quitter son poste de présidente des CFF en 2026.
Photo: Keystone
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550 millions de francs de commandes publiques pour Implenia

Implenia profitera également de ce changement. Depuis qu'André Wyss a pris le poste de CEO de l'entreprise en octobre 2018, le groupe a reçu des CFF des commandes publiques pour un montant de 550 millions de francs. C'est ce qui ressort de la plateforme d'approvisionnement Intelliprocure de la Haute école spécialisée bernoise.

Que les commandes diminuent à l'avenir ne serait pas du tout dans l'intérêt du futur président des CFF. En effet, même après son départ, André Wyss profitera de chaque commande obtenue par Implenia. Fin 2023, il était en possession de 123'919 actions Implenia, ce qui, au cours actuel de lʼaction, correspond à une contre-valeur dʼenviron 4 millions de francs.

André Wyss nʼa pas lʼintention de vendre ces parts dans un avenir proche. «En tant que personne privée, il restera actionnaire d'Implenia», écrit le service de presse du groupe de construction à la demande de Blick.

Se récuser en cas de conflit d'intérêts

Une porte-parole souligne toutefois qu'André Wyss est «conscient de la thématique des conflits d'intérêts» et qu'il se sent «personnellement engagé» dans une bonne gouvernance d'entreprise.

Mais le manager de pointe ne s'attend apparemment pas à de gros problèmes. Tout d'abord parce que les décisions d'achat aux CFF relèvent, comme on le dit, de la compétence de la direction du groupe, mais également parce que les projets de construction de l'infrastructure sont soumis au droit des marchés publics et que le processus d'appel d'offres est donc clairement réglementé.

«Si des conflits d'intérêts devaient néanmoins survenir au sein du conseil d'administration, André Wyss se récuserait», précise la porte-parole. D'autant plus que la reprise de la présidence des CFF n'est prévue qu'en 2026, ce qui laisse suffisamment de temps pour «une séparation claire» de son rôle actuel chez Implenia.

Les CFF minimisent les affaires avec Implenia

Les CFF avancent des arguments similaires. Une porte-parole déclare: «La désignation d'André Wyss comme futur président du conseil d'administration n'a aucune influence sur les relations commerciales des CFF avec Implenia.»

Il existe aux CFF des règles de conformité strictes qui ont été renforcées ces dernières années. «Celles-ci s'appliquent bien entendu aussi à André Wyss», poursuit la porte-parole.

Par ailleurs, l'entreprise publique minimise les relations commerciales avec Implenia. Celles-ci représentent «un pourcentage à un chiffre» du volume total de construction des CFF.

Une expertise dans les projets d'infrastructure et d'immobilier

La nomination d'André Wyss soulève également une autre question: d'où le chef d'un groupe de construction tire-t-il son savoir-faire dans les domaines du rail, de la logistique et des transports?

Contrairement à Monika Ribar, qui a pu acquérir des années d'expérience en tant que manager logistique avant de travailler pour les CFF, le CEO d'Implenia est totalement étranger à ce secteur. Avant son engagement dans l'entreprise, il a travaillé pendant 34 ans pour le groupe pharmaceutique Novartis.

Les CFF ne considèrent pas cela comme un problème. La porte-parole met en avant l'expertise d'André Wyss dans les grands projets d'infrastructure et immobiliers: «Il apporte une expérience qui est centrale pour les affaires ferroviaires.»

Il se familiarisera pendant un an avec des domaines qu'il ne connaît pas encore, en collaboration avec l'actuelle présidente du conseil d'administration et apprendra à connaître les CFF et leurs collaborateurs.

Enfin, le futur président des CFF souhaite prendre davantage le train. Jusqu'à présent, André Wyss n'utilisait pas les transports publics entre son domicile situé à Bottmingen à Bâle-Campagne et le siège d'Implenia à Opfikon dans le canton de Zurich. Il se déplace néanmoins régulièrement en train «surtout pendant son temps libre et occasionnellement aussi pour des raisons professionnelles». À l'avenir, il le fera plus souvent, fait-il savoir par l'intermédiaire d'une porte-parole.

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