Viola Amherd sur la neutralité
«Tout le monde me demande quand nous allons acheter les F-35»

Dans une Europe en guerre, la neutralité suisse est-elle en train de changer? C'est l'avis du président du Centre, Gerhard Pfister. Sa collègue de parti, la conseillère fédérale chargée de la Défense, Viola Amherd, estime elle aussi qu'un large débat est nécessaire.
Publié: 12.05.2022 à 19:42 heures
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Dernière mise à jour: 12.05.2022 à 19:44 heures
Camilla Alabor

La guerre en Ukraine soulève des questions que l’on croyait ne plus se poser. Celle de la signification de la neutralité, par exemple. Le président du Centre, Gerhard Pfister, a récemment fait savoir qu’à ses yeux, l’interprétation stricte de la neutralité devait appartenir au passé. Il a demandé au Conseil fédéral d’autoriser l’Allemagne à exporter du matériel de guerre suisse vers l’Ukraine.

Gerhard Pfister a également abordé le sujet lors de l’assemblée des délégués du parti du Centre, qui s’est tenu ce week-end à Näfels, dans le canton de Glaris. «Pourquoi la Suisse livre-t-elle des armes à l’Arabie saoudite, mais pas à l’Ukraine?», a-t-il demandé rhétoriquement. «À partir de quand la neutralité devient-elle indécente?», a-t-il surenchéri devant les délégués centristes.

Parmi ces derniers, la conseillère fédérale Viola Amherd, qui s’est montrée plus réservée que la plupart de ses confrères de parti. Toutefois, elle aussi appelle à un débat sur la neutralité et défend la décision de son parti d’augmenter le budget de l’armée.

La guerre en Ukraine fait voler en éclats les vieilles certitudes. La Suisse doit mener un débat sur sa neutralité, estime la conseillère fédérale Viola Amherd.
Photo: keystone-sda.ch
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Madame la conseillère fédérale, l’aile bourgeoise du Parlement réclame davantage d’argent pour l’armée. Quels projets seraient prêts à être mis en œuvre dans la situation actuelle en Europe?
Viola Amherd: La situation de départ n’a en fait pas complètement changé. Les menaces actuelles avaient déjà été esquissées dans des rapports antérieurs, mais nous avons dû établir des priorités en fonction des moyens disponibles. Il est vrai qu’avec la situation actuelle, l’urgence est devenue plus forte. Mais il est important que nous puissions faire avancer certains projets qui étaient déjà prévus. Grâce à une augmentation progressive des moyens alloués à l’armée jusqu’en 2030, nous pouvons réaliser des chantiers qui sont urgents, utiles et prêts.

Avec la guerre en Ukraine, les haut-gradés de l’armée évoquent une soudaine considération pour eux de la part de la population. Est-ce pareil pour vous?
Je sens déjà que la sensibilité à l’égard de l’armée a beaucoup changé. Pratiquement, partout où je me rends, les gens s’approchent de moi et me disent: «Il est temps d’acheter cet avion, maintenant, nous ne pouvons plus attendre!»

Parlons-en, du F-35. Vous avez demandé aux opposants de l’achat de l’avion de combat de retirer leur initiative «Stop F-35». N’est-ce pas un réflexe un peu douteux, du point de vue démocratique?
Ce n’est pas exact. Je n’ai pas appelé à retirer l’initiative, mais j’ai dit qu’il serait bon que les initiateurs l’envisagent. Dans la situation actuelle, cette réflexion est légitime.

Tout de même, n’est-ce pas outrepasser vos compétences en tant que conseillère fédérale?
Non. Je n’exerce aucune influence sur les auteurs de l’initiative, qui sont libres de décider de leurs actions comme ils l’entendent. En même temps, j’ai le droit d’avoir un avis sur la question, même en tant que conseillère fédérale. La votation sur l’avion de combat a déjà eu lieu et je me permets de rappeler que la population a dit «oui».

La situation actuelle nécessite-t-elle une mise à jour de la politique de neutralité?
Le droit de la neutralité est clair: les exportations d’armes ne sont pas autorisées. Mais nous devons mener un large débat politique sur la politique de neutralité.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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