Voici un cas d'école
Comment mieux isoler sa maison pour ne plus dépendre de Poutine

La guerre du gaz attise les craintes en matière d'approvisionnement. Alors que l'heure est à l'économie d'énergie, les rénovations de maisons sont en plein boom. Zoom sur un cas d'école à Hägglingen, en Argovie.
Publié: 18.04.2022 à 06:10 heures
Danny Schlumpf

À l'image de nombreux autres États européens, l'approvisionnement énergétique de la Suisse n'est plus garanti depuis l'invasion russe en Ukraine. Les prix des combustibles s'affolent.

Soudain, la dépendance au gaz russe est devenue un problème majeur. Un sondage Sotomo commandé par Blick montre que 62% des suisses sont en faveur d'un arrêt des importations d'énergie russe.

Or, les alternatives (en termes de ressources fossiles) sont rares. Le soleil et le vent promettent certes l'autarcie, mais la Suisse a raté le tournant énergétique. Et maintenant que la conjoncture l'exige, c'est un virage qu'il est difficile de prendre en quelques mois seulement.

Florent Murati est conscient du défi qui se pose à nous tous. Ce chef d'une entreprise de construction de cuisines a acheté, l'été dernier à Hägglingen (AG), une maison vieille de 50 ans pour sa famille de quatre personnes.
Photo: Siggi Bucher
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Isoler mieux

Bonne nouvelle: le secteur de la construction se prête particulièrement à l'économie d'énergie. Alors même qu'il absorbe 40% de l'énergie totale au niveau national. Les quelques 1,8 million de maisons bâties sur le sol Suisse ont en moyenne 45 ans. Plus de la moitié d'entre elles sont mal isolées, et chauffées au mazout ou au gaz. Jusqu'à présent, seuls 1% de ces logis sont rénovés chaque année.

«Pourtant, les rénovations et les nouveaux systèmes de chauffage sont le moyen le plus rapide et le plus efficace d'augmenter notre efficience énergétique», explique Bernhard Lanzendörfer, CEO de Saint-Gobain Weber suisse.

De plus en plus de Suisses sont de cet avis. L'entreprise de Bernhard Lanzendörfer est spécialisée dans les enveloppes de bâtiment - et ses carnets de commande sont actuellement pleins. «Les économies d'énergie ont massivement gagné en importance», explique le patron. «Car la guerre de Poutine menace notre approvisionnement. Nous devons nous attendre au pire».

Un assainissement radical

Florent Murati est conscient du défi qui se pose à nous tous. Ce chef d'une entreprise de construction de cuisines a acheté l'été dernier à Hägglingen une maison vieille de 50 ans pour sa famille de quatre personnes.

Aujourd'hui, il rénove radicalement le bâtiment: les façades sont soigneusement isolées, des fenêtres modernes protègent contre les pertes d'énergie. Une installation solaire fournit de l'électricité, alimentant également la prise pour voitures électriques installée dans le garage. La cave abrite un accumulateur d'énergie et une pompe à chaleur à air.

Une domotique complète met en réseau les installations techniques et gère des fonctionnalités telles que la musique, l'alarme et l'éclairage de manière à économiser l'énergie.

Des étiquettes énergétiques?

La maison, dans sa version antérieure, avait deux étages. Florent en a ajouté un troisième. Le nouvel étage n'occupe toutefois que 60% de la surface - à cause du bonus d'utilisation. «Il n'y a plus un mètre carré de libre», explique Florent Murati.

C'est précisément sur de tels projets que devrait miser la Confédération, explique Bernhard Lanzendörfer: «Les surélévations énergétiques servent aussi la densification. La politique devrait encourager cela avec un bonus d'utilisation du sol».

Le chef d'entreprise pose sur la table une autre proposition très concrète: «Nous avons besoin d'une étiquette énergétique pour chaque maison, comme celle que nous connaissons pour les réfrigérateurs et les aspirateurs. Ainsi, les acheteurs de maisons et les locataires pourraient prendre en compte l'efficience énergétique dans leur choix».

Une plus grande indépendance

Ce critère est de plus en plus mis en avant: «Notre décision d'assainir était la bonne», affirme Florent Murati. Notamment au regard de la guerre en Ukraine. «Nous économisons de l'argent. Et, dans le même temps, nous affranchissons de Poutine et d'autres gouvernements autoritaires en matière d'énergie.»

Florent Murati combine les éléments centraux de l'efficacité énergétique, explique Markus Flatt, de la société de conseil en énergie EVU Partners. «Les rénovations associées à une production d'électricité propre ne garantissent pas seulement une plus grande indépendance. Elles sont aussi rentables, surtout étant donné les prix actuels de l'énergie. Cela donne un puissant coup de pouce aux nouveaux systèmes de chauffage et aux rénovations».

Les communes en tête de train?

«Aujourd'hui, l'électricité coûte toujours le même prix, explique Markus Flatt. Une flexibilisation qui s'orienterait davantage vers la charge effective du réseau et les saisons serait une incitation importante à une utilisation plus intelligente de l'énergie».

Florent Murati a été récompensé de son tour de force via des subventions. Au total, la Confédération met quatre milliards de francs à disposition pour les rénovations. Mais c'est au niveau communal que la politique énergétique est la plus concrète.

Et les communes sont prêtes, affirme Katrin Bernath, conseillère municipale de Schaffhouse et présidente de l'association Cité de l'énergie. «Nous voulons aller de l'avant. Mais nous sommes freinés, car la Confédération et les cantons n'ont pas encore mis à jour les conditions-cadres, par exemple pour la loi sur le CO2». Les questions de mise en œuvre concrète dans les communes sont volontiers oubliées, regrette la politicienne.

Pourtant, comme le montre l'exemple de Florent à Hägglingen, une mise en œuvre simple et rapide est décisive.

(Adaptation par Daniella Gorbunova)

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