Des jumelles en route
«Après trois fécondations in vitro, je suis à nouveau enceinte à 47 ans»

Sophie Menk a toujours rêvé d'une grande famille. Après trois enfants, une séparation et de multiples essais, elle tombe enceinte. Blick a voulu savoir ce qui l'a poussée dans ce choix et ce que ça fait de redevenir maman à 47 ans. Témoignage à la première personne.
Publié: 29.04.2022 à 16:32 heures
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Dernière mise à jour: 01.05.2022 à 09:32 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

«Ça va sans doute vous paraître un peu fou ou alors pas très raisonnable mais voilà, j’ai tout juste 47 ans et je m’apprête à accoucher de mes quatrième et cinquième enfants. Ce sont des jumelles et c’est prévu pour mi-juin.

Cette grossesse est en fait un mélange de plein de choses. D’envie, d’amour et puis j’imagine que c’est aussi un peu le destin… Je suis sage-femme depuis maintenant 21 ans et j’ai suivi beaucoup de 'jeunes mamans âgées'…

Le sentiment d’être incomplète

Il faut dire que depuis toute petite, j’ai toujours voulu avoir une famille nombreuse. Et puis, la vie a suivi son cours. Je me suis mise en couple et j’ai eu trois enfants qui ont aujourd’hui entre 12 et 15 ans.

L'accouchement de Sophie est prévue pour mi-juin.
Photo: DR

Après nos deux premiers enfants, mon conjoint était content mais ne désirait pas en avoir davantage. Ma petite dernière est donc arrivée comme une surprise et, au final, nous étions très heureux, même si ce n’était pas prévu. Pourtant, au fil du temps et au fond de moi, je ne me sentais pas tout à fait complète. Je savais pertinemment que j’avais envie d’un petit quatrième. Si toutes mes amies étaient heureuses indépendamment du nombre d’enfants qu’elles avaient, moi, je ressentais un manque inexplicable. On dit que le cœur a parfois ses raisons que la raison ignore…

Au bout de 17 ans de relation, nous avons rompu avec le père de mes enfants. Nous partageons aujourd’hui leur garde. Après cette séparation, je me suis dit: 'Pourquoi ne pas aller au bout de mes rêves?' Certes, j’étais seule. Mais justement, plus rien ni personne ne pouvait me freiner dans mon désir d’enfanter. J’ai donc pris LA décision: j’allais tout faire pour devenir à nouveau maman.

Future maman recherche papa

Comme la séparation avec mon ex-conjoint avait été plutôt difficile, je n’avais surtout pas envie de me relancer dans une relation affective. En fait, je voulais trouver une figure paternelle, un point important à mes yeux, sans pour autant être amoureuse. J’en ai discuté avec une copine et elle m’a expliqué qu’on appelait ça la 'coparentalité'.

J’ai tapé le terme sur la barre de recherches de Ecosia et je me suis inscrite dans divers groupes Facebook qui abordaient la question. J’ai cherché des gens intéressés parmi mes proches et j’avais même un couple d’amis gay qui y pensaient eux aussi. Même si nos discussions sont allées très loin et que nous avons parlé des détails les plus décalés, ça ne s’est pas fait finalement…

Romance à la grecque

Il y a environ quatre ans, entre deux nuits de travail à l’hôpital, j’ai écrit une sorte d’annonce sur un groupe Facebook qui rassemblait des gens de la communauté grecque. Ah oui, j’ai oublié de vous dire que j’adore la Grèce, c’est le pays de mes songes. D’ailleurs, cet amour pour ce pays méditerranéen a son importance dans mon histoire, mais nous y reviendrons.

Sur ce groupe, j’ai donc écrit: 'Recherche Grec au cœur libre qui a envie de rencontrer une Suisse folle de la Grèce'. Après une myriade de réponses, des plus pornographiques aux messages de femmes qui me souhaitaient bonne chance, j’ai fini par tomber sur un homme un peu plus jeune que moi, 42 ans.

Avec lui, je pouvais vivre ma vie de femme et puis, lorsque je devais m’occuper de mes enfants, il s’éclipsait pour me laisser vivre ma vie de mère. Toutefois, mon projet d’enfanter ne s’était pas dissipé. Il fallait que je lui en parle et assez tôt. Parce que bon, tomber enceinte d’un autre sans le mettre au courant, ça aurait été bizarre.

Plutôt faire les choses à l’envers

Au bout de deux mois, je lui ai fait part de mon envie d’avoir un autre enfant. Il m’a répondu qu’il rêvait lui aussi d’avoir un bébé. Il était donc prêt à se lancer. Alors oui, c’est super beau de savoir que l’homme qu’on fréquente a envie d’avoir un bébé avec vous. Sauf que moi, je n’avais pas envie d’enfanter parce que j’étais en couple. Et surtout, notre histoire était encore toute fraîche.

Tomber amoureuse, avoir des enfants puis se séparer, je ne souhaitais pas revivre ça. Ça avait été si difficile avec mon ex… Au contraire, je préférais commencer par la paperasse, avoir des enfants et puis tomber amoureuse, peut-être. Dans ma tête, faire les choses à l’envers me permettait d’éviter des complications pas forcément nécessaires. Mon plan tombait donc un peu à l’eau. Je cherchais un coparent mais j’avais trouvé un conjoint…

Après la double vie, la triple vie

Nous avons tout de même décidé de nous lancer ensemble. Nous allions avoir un bébé. Ah, mais j’oubliais un petit détail… À 35 ans, soit après mon troisième enfant, j’avais décidé de me faire ligaturer les trompes… Oui, je sais, ça semble un peu dingue (rires).

Moi qui avais une secrète envie d’avoir d’autres enfants, la décision de me faire ligaturer les trompes peut paraître insensée. Mais sur le moment, la raison m’a rattrapée: j’avais eu trois superbes enfants et j’étais contente. En fait, opter pour une ligature des trompes était une manière de ne plus céder à la tentation de faire un énième bébé, même si tout au fond, ce n’était pas tout à fait ce que je voulais…

Il faut savoir que même s’il s’agit d’une opération qui empêche la fécondation en 'bouchant' les trompes de Fallope, cela n’empêche pas le système reproducteur de fonctionner. J’avais encore mes règles et mon corps fabriquait toujours des ovocytes. Nous avons donc décidé d’opter pour la procréation médicale assistée, soit la fécondation in vitro. Oui sauf qu’en Suisse, cette option n’est possible que pour les couples mariés ou en concubinage depuis cinq ans. Et moi, je n’avais pas envie d’attendre d’avoir 50 ans pour m’y mettre.

J’ai donc activé mon réseau professionnel pour trouver une personne qui pouvait m’aiguiller. Il se trouve que ma gynécologue avait une petite sœur qui était biologiste et qui travaillait dans une clinique de procréation médicalement assistée à Thessalonique, en Grèce. Après ma double vie: celle d’amante et de mère, j’allais en commencer une troisième qui consistait à me rendre régulièrement à l’étranger pour tenter de tomber enceinte.

Aventures en temps de Covid

Vu mon âge, je n’avais plus beaucoup d’ovocytes de bonne qualité et il y avait un risque trop grand de complications. On a donc pris la décision de faire appel à une donneuse. Un jour, on a reçu un téléphone. C’était l’hôpital à Thessalonique qui nous disait avoir trouvé une personne et qu’il fallait venir tout de suite. Sauf que c’était un peu compliqué de prendre congé rapidement et de se rendre sur place. Ça impliquait beaucoup d’organisation, mais aussi des explications que nous n’avions pas forcément envie de donner à n’importe qui. Sans oublier que le Covid venait de débarquer en Europe et que la Grèce connaissait une flambée de cas. Encore une fois, ça n’a pas fonctionné. C’était beaucoup trop compliqué d’y aller.

En novembre 2020, nous avons trouvé une autre donneuse. Sauf que la pandémie faisait encore des siennes et que la Grèce avait dû imposer un second confinement. Ni les avions, ni les voitures ne pouvaient circuler. Les rues étaient désertes et il n’y avait personne dehors. Vous imaginez à quel point ça a été compliqué de voyager à ce moment-là. On a dû se procurer des documents attestant que nous suivions une procédure médicale qui ne pouvait se faire qu’en Grèce. Nous avons loué une voiture et avons traversé le pays en une nuit pour arriver au bon moment à la clinique. En présentant nos papiers aux péages, mon compagnon et moi avions l’impression d’être des gens ultra-importants ou alors des criminels… C’était vraiment une aventure folle. Une fois sur place, on m’a implanté deux ovules fécondés dans l’utérus. Quelques semaines plus tard, la bonne nouvelle est tombée: j’étais enfin enceinte. L’un des deux embryons avait pris. Le bonheur n’a hélas duré que quatre mois puisque en février 2021, j’ai perdu mon bébé… c’était une petite fille, elle s’appelait Néphélie.

Après deux échecs, l’ultime essai

Ce triste événement a d’ailleurs beaucoup marqué mon fils de 14 ans. Il en avait même parlé à l’école en disant au prof que sa petite sœur était morte. Je crois qu’il a pris peur. Me voir prendre des médicaments pour augmenter mes chances de tomber enceinte et ce décès l’a beaucoup travaillé. Malgré tout, j’ai décidé d’essayer une ultime fois. Je suis repartie en Grèce et durant mon séjour, mon fils m’a envoyé un message dans lequel il disait: 'Bonjour maman, j’espère que tu passes un bon moment en Grèce mais je souhaite que ton projet n’aboutisse pas'.

Alors oui, c’est dur de recevoir ce genre de remarque. Mais j’avais envie de réagir avec sagesse. Je l’ai remercié pour sa franchise et je lui ai expliqué que si j’avais envie d’un autre enfant, ce n’était pas parce qu’il ne me suffisait pas. Bien au contraire, l’amour d’une mère est exponentiel et il n’a pas de limite. Ça, seule une maman peut le comprendre. Mon fils a fini par accepter mon choix.

Cette bénédiction a presque sonné comme un coup du destin puisque je suis tombée enceinte en octobre de l’année dernière. Les deux embryons qu’on m’avait implantés s’étaient bien accrochés. J’allais avoir des jumeaux! À l’époque, je ne savais pas encore que c’était des filles.

Le regard des autres

J’entame aujourd’hui mon septième mois de grossesse et tout se déroule très bien. Mon fils se montre curieux mais toujours un peu gêné à l’idée de toucher mon ventre, par exemple. Quant à mon aînée qui a 15 ans, elle est aux anges. Elle a même demandé à son père si elle pouvait rester quelques semaines d’affilées chez moi pour s’occuper des bébés. De son côté, la petite dernière, qui à 12 ans, est plus détachée. Je crois que ça ne lui fait ni chaud, ni froid tout compte fait. Mais je sais qu’une fois que les petites seront là, elle sera adorable avec elles.

Les autres membres de ma famille ont été plutôt réticents au début. Ma sœur qui n’a pas d’enfant par choix, ne comprenait pas vraiment pourquoi je voulais avoir un autre bébé alors que j’en avais déjà eu trois. Aujourd’hui, elle est super contente. Elle va même être la marraine de l’une des deux petites. Ma maman, elle, a mis plus de temps pour se réjouir après le décès précoce de Néphélie.

De manière générale, on me dit que je suis très courageuse d’oser réitérer l’expérience d’avoir un bébé. Vous savez, les couches, les nuits… c’est tout sauf reposant.

Être maman: un geste éco-égoiste?

La seule réaction négative qui m’a marquée, c’était cette connaissance qui m’a dit que j’étais une éco-égoiste. Il avait vu un reportage sur les gens qui ne voulaient pas faire d’enfant pour préserver la planète. Il s’était forgé une opinion assez stricte sur la question. J’ai fini par regarder ce documentaire et franchement, je comprends la démarche. Sauf que dans la vie, rien n’est noir ou blanc.

L’avenir de la planète me préoccupe beaucoup. Ce sont des thèmes que j’aborde avec mes enfants. J’ai moi-même un mode de vie plutôt écolo: je me déplace essentiellement à vélo ou en transports publics car j’ai fait le choix de ne pas posséder de voiture. Oh, et je m’apprête à emménager dans un éco-quartier.

Comme sur un petit nuage

Alors oui, parfois j’ai peur. Peur de craquer, d’être fatiguée ou perdue quand les bébés seront là. Parce qu’au fond, avec l’âge, on supporte moins bien certaines choses. Avant, je n’avais strictement aucun problème à sortir en boîte et faire des nuits blanches. Je récupérais sans souci. Aujourd’hui, j’ai 47 ans et je m’épuise plus vite. Prendre soin de deux bébés en même temps ne va pas être un travail facile. Je le sais puisque j’ai moi-même pu l’observer dans mon travail de sage-femme.

Mais ce sentiment ne prend de loin pas toute la place dans mon cœur. Pour le moment, ma grossesse, je la vis comme sur un petit nuage. Je sais que même si les choses peuvent paraître difficiles, rien n’est insurmontable. Vous savez, je fais confiance à la nature. Je sais, c’est un peu bizarre de dire ça alors que j’ai eu des enfants d’une manière pas naturelle du tout. Pourtant, je suis convaincue que la force de la nature, justement, sera de mon côté au moment d’accoucher et même après. Et puis, j’ai un chouette réseau autour de moi et je vais m’inscrire sur le site des «SuperMamans», une communauté qui consiste à s’entraider entre mamans et futures mamans. Sans oublier que je me prépare à suivre les conseils avisés du guide appelé «La Tribu». Il s’agit d’un concept imaginé par Ingrid Bayot, une sage-femme belge que j’admire pour ses visions et explications du phénomène de la grossesse et du postpartum. En fait, elle voit la grossesse et les trois premiers mois après l’accouchement comme un continuum. Elle explique d’ailleurs très bien tout cela dans son livre «Le quatrième trimestre de la grossesse».

C’est bien joli tout ça, mais vous devez vous dire que lorsque mes filles auront 15 ans, la nature aura fait de moi une vieille dame [rires]. Vous savez, il y a des gens qui sont très en forme à 60 ans et d’autres qui sont totalement fatigués à 20. L’âge n’est qu’un chiffre finalement. Et qui sait, commencer sa retraite au moment où son enfant arrive dans l’adolescence, ce n’est peut-être pas si mal. Ça nous permettra de passer du temps ensemble.

C’est vrai que des fois je me demande comment les autres parents me verront quand j’emmènerai mes filles à l’école. Est-ce qu’on pensera que je suis la grand-tante? La grand-mère? Est-ce que les gens trouveront ça étrange? Peut-être. Enfin de toute façon, avec le temps, les standards en termes de famille changent. Aujourd’hui il y a des enfants qui sont issus d’un amour hors mariage, il y a des pères et des mères célibataires, des papas et des mamans séparés ou divorcés, des enfants qui vivent dans deux foyers, qui ont des parents du même sexe…

J’ose espérer que mon cas ne sera pas montré du doigt. De toute façon, les autres font aussi des choix que je ne comprends pas. Je ne m’attends donc pas à ce que tout le monde comprenne les miens.»


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