«Je n'ai plus de larmes»
À Pékin, on critique le froid, la nourriture et la dureté de l'isolement

Pour les athlètes, les Jeux olympiques représentent un point culminant dans leur carrière. Ceux de Pékin viennent à peine de commencer, mais les plaintes contre les organisateurs chinois s'accumulent déjà.
Publié: 07.02.2022 à 15:27 heures
Daniel Kestenholz

La Chine avait promis les meilleurs Jeux d’hiver. Deux jours après leur lancement, de nombreux athlètes et entraîneurs se plaignent de la nourriture, du temps glacial et des lieux d’isolement inhumains, où des drames semblent se dérouler derrière des portes fermées.

Les Suédois ont ainsi souligné que les conditions dans les montagnes sont d’un froid mordant. Une patineuse polonaise affirme avoir vécu dans la peur dans un centre d’isolement à Pékin et avoir «pleuré jusqu’à n’avoir plus de larmes».

Les Finlandais affirment qu’un joueur de hockey sur glace est détenu sans raison dans un hôtel de quarantaine. Et les Allemands sont frustrés qu’il n’y ait pas de repas chaud lors des compétitions de ski.

Les conditions d'isolement sont pointées du doigt par de nombreux participants aux Jeux d'hiver de Pékin.
Photo: Getty Images

Des snacks froids au lieu de vrais repas

Christian Schwaiger, entraîneur des Allemands, s’énerve: «La restauration est extrêmement douteuse, car en fait, ce n’est pas de la restauration, a-t-il déclaré au «Guardian». Je m’attendais à ce que le Comité olympique soit en mesure de proposer des repas chauds. Mais il n’y en a pas! Il y a des chips, quelques noix, du chocolat et rien d’autre. Cela montre qu’on ne se concentre pas sur le sport de haut niveau.»

Le transport dans les «hôtels d'isolement».
Photo: Getty Images

Christian Schwaiger avait déjà demandé il y a quelques jours une amélioration de la restauration. Rien n’a encore changé. En revanche, la nourriture servie au village des athlètes est excellente, tempère l’entraîneur allemand.

D’autres délégations ont été un peu plus prévoyantes que les Allemands en matière de restauration. Les Américains ont ainsi apporté avec eux de la nourriture de camping préemballée, comme des pâtes.

Un froid épouvantable

Un autre point négatif que le comité d’organisation peut moins contrôler est la météo. À Pékin, le froid est tellement glacial que même les Scandinaves s’en sont plaints. Le patron suédois du ski de fond, Anders Bystroem, ne fait pas confiance aux mesures officielles de température. La limite de froid pour ne pas organiser une compétition est de -20 degrés. A-t-on également mesuré le froid dû au vent? «Si la direction de la course dit qu’il fait -17 degrés et qu’il y a du vent, et qu’on remarque qu’il fait en fait -35 degrés, que fait-on?», demande le Suédois.

L’épreuve de ski de fond féminin aurait commencé à 16h par un froid mordant. Les Suédois aimeraient que les compétitions démarrent plus tôt. La fondeuse Frida Karlsson a été «complètement détruite par le froid», selon Anders Bystroem. Sa compatriote tremblait violemment après la course et semblait proche du malaise.

Il y a aussi les Russes et les Finlandais. Ils se plaignent des conditions de quarantaine imposées aux athlètes testés positifs au Covid et immédiatement isolés. Des chiffres circulent selon lesquels plus de 360 participants aux Jeux, dont des athlètes, des entraîneurs et des accompagnateurs, sont restés bloqués en isolement à leur arrivée à Pékin.

Frida Karlsson s'écroule de froid.
Photo: imago images/Bildbyran

Les athlètes testés positifs mais ne présentant pas de symptômes sont logés dans un hôtel spécial. Ceux qui présentent des symptômes sont immédiatement hospitalisés. Ils peuvent participer à des compétitions s’ils sont testés négatifs deux jours d’affilée.

«Je lui couperais la langue»

La biathlète russe Valeria Vasnetsova se plaint de sa quarantaine sur Instagram: «Mon estomac me fait mal, je suis très pâle et j’ai de grands cernes autour des yeux. Je veux que tout cela s’arrête. Je pleure tous les jours.» Elle se dit «complètement épuisée», car la nourriture n’est pas non plus de qualité.

Les repas à Pékin, vu par Valeria Vasnetsova.
Photo: Instagram

Avec ses mots, Valeria Vasnetsova a provoqué des remous au sein de sa propre fédération. Le quadruple champion olympique Alexandre Tikhonov s'est montré très sévère. «Pour de telles complaintes, je couperais la langue à Vasnetsova. Aux Jeux olympiques de 1980, nous vivions en Amérique comme dans une prison, et personne ne s’est plaint!»

Samedi, la patineuse de vitesse polonaise Natalia Maliszewska a manqué l’épreuve du 500m sur piste courte. Contrôlée positive, elle a souffert dans une unité d’isolement à Pékin: «Depuis une semaine, je vis dans l’angoisse et j'ai des sautes d’humeur, se plaint-elle. Je pleure jusqu’à ne plus avoir de larmes et je ne fais pas seulement peur aux gens autour de moi, mais aussi à moi-même.»

Le CIO est au courant des dysfonctionnements

Jukka Jalonen, l’entraîneur des hockeyeurs finlandais, accuse la Chine de ne pas respecter les droits de l’homme d’un de ses joueurs. Marko Anttila, ancien capitaine des Finlandais, aurait été testé négatif à plusieurs reprises avant son départ. Mais il est en isolement à Pékin. «Nous savons qu’il est en parfaite santé et prêt à jouer, précise le sélectionneur. C’est pour cela que nous pensons que la Chine, pour une raison ou une autre, ne respecte pas les droits de l’homme. Ce n’est pas une bonne chose.»

Le Comité international olympique promet d’améliorer les choses: «Nous sommes conscients des plaintes de certains athlètes. Notamment en ce qui concerne la température, la variété et la taille des portions des repas.»

«Les protocoles visent à garantir des Jeux olympiques sûrs pour tous», explique le CIO, par rapport aux isolements. Tous les cas seraient traités strictement selon les règles et les protocoles en vigueur. À l'évidence, de nombreux participants à ces Jeux d'hiver ne sont pas du même avis.

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