Va-t-il retrouver le monde pro?
Martin François, l'homme qui illumine le jeu des SR Delémont

Que fait encore Martin François en Promotion League, lui qui rayonne dans l'entre-jeu des SR Delémont et se met à chaque fois au niveau de l'adversaire de Super League en Coupe de Suisse? La réponse n'est pas si simple à donner.
Publié: 24.08.2024 à 10:56 heures
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Dernière mise à jour: 24.08.2024 à 13:33 heures
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Parmi les plus de 4000 spectateurs ayant assisté à la qualification du FC Sion samedi à La Blancherie face à des vaillants SR Delémont, nombreux étaient ceux à déjà bien connaître Martin François, le numéro 10 des Jurassiens. Les supporters valaisans, eux, l’ont sans doute découvert et ont été étonnés par la qualité de ses transversales et de son jeu court, tant l’élégant milieu de terrain a une fois de plus fait forte impression. Un homme qui n’a pas été surpris s’appelle Didier Tholot.

«On l’avait identifié comme une menace avant le match, on avait vu avec quelle facilité il pouvait changer le jeu», a déclaré, juste après le match, l’entraîneur du FC Sion. Il ne s’est évidemment pas trompé: en première période, le Français de 27 ans s’est amusé avec les milieux de terrain sédunois et Didier Tholot a carrément dû changer de tactique, en passant à trois joueurs dans l’entre-jeu avec l’entrée d’Ali Kabacalman, pour limiter l’influence du meneur de jeu des SRD.

Mieux cadré par le milieu valaisan après la pause, Martin François a continué à se montrer bien présent, mais ses coups de pattes ont été moins dévastateurs pour le FC Sion, qui a alors repris le contrôle du jeu. Il n’empêche: comme toujours depuis son arrivée à Delémont, le numéro 10 a marqué les esprits. Il l'avait fait déjà en Coupe de Suisse l'année dernière, étant l'un des grands acteurs des éliminations de Saint-Gall et de Lucerne.

A 27 ans, Martin François a toujours pour ambition de retrouver le monde professionnel.
Photo: keystone-sda.ch

Une belle qualité de frappe

Un homme qui le connaît bien s’appelle Jérémy Manière, actuellement responsable à l’ASF de la Promotion League et de la 1re ligue Classic. Et c’est peu dire qu’il a déjà souvent entendu son nom. «Je le connaissais déjà un petit peu quand il jouait à Sochaux, mais c’est vrai que depuis qu’il est à Delémont, on ne peut pas le louper. Déjà parce que le lundi, on doit monter les actions pour le top buts et qu’il est souvent dedans! Il a une telle qualité de frappe qu’il met souvent des buts spectaculaires. Ses passes sont impressionnantes aussi, son niveau technique également. Il a été élu meilleur joueur du groupe 2 de 1re ligue Classic l’année où Delémont est monté et il a confirmé en Promotion League.»

Formé au FC Sochaux-Montbéliard, de l’autre côté de la frontière, Martin François y a joué cinq matches officiels en Ligue 2 et en Coupe de France, avec des coéquipiers comme Marcus Thuram ou Karl Toko Ekambi. Il y a même gagné la prestigieuse Coupe Gambardella en 2015, la référence ultime chez les juniors en France. Mais il n’a jamais passé le cap du football professionnel. Pourquoi? La réponse vient du principal intéressé. «Il m’a manqué un petit quelque chose. La chance joue un rôle, mais c’est vrai que je ne suis pas passé… C’est dur, il y a de la concurrence.»

Didier Tholot, qui vient d’entraîner le Pau FC en Ligue 2, connaît bien le sujet lui aussi. S’il a été impressionné par le talent de Martin François, l’entraîneur du FC Sion sait que les qualités techniques seules ne suffisent pas. «Si tu veux t’imposer en professionnel en France, tu dois être bon avec le ballon, mais aussi avoir un mental à toute épreuve, être constant, être fort dans la tête. Si tu n’as pas tout ça, tu ne passes pas. Les qualités techniques, il les a, c'est indéniable, elles sautent aux yeux. Pour le reste, je n'en sais rien, je ne le connais pas», répond-il.

Il fait les trajets chaque jour depuis Montbéliard

Après quelques aventures un cran plus bas que la Ligue 2, à Villefranche et Belfort notamment, Martin François a pris la direction du Jura suisse et ne le regrette pas. «Je suis très bien ici à Delémont, il y a un beau projet, un super coach avec Anthony Sirufo. Je ne me vois pas ailleurs qu'avec cet entraîneur et cette équipe», explique celui qui habite toujours à Monbéliard et effectue quotidiennement les 45 minutes de trajet pour venir à l’entraînement. S’il n’a pas passé le cap en France, pourquoi et comment n’a-t-il pas été repéré par un club de Challenge League ou de Super League? Jérémy Manière, qui a joué à ce niveau et est donc l’interlocuteur privilégié pour tirer un parallèle entre ces deux mondes, a une idée.

Martin François la saison dernière en Coupe face à Servette.
Photo: keystone-sda.ch

«Ce que je peux dire, c’est que dans ma carrière, j’ai joué en Challenge League avec des milieux de terrain qui étaient moins doués que lui, c’est une certitude. En Suisse, mais pas uniquement, les clubs sont souvent frileux d’aller chercher un joueur plus bas. Martin a 27 ans aujourd’hui, sûrement qu’un club de Challenge League se dira que, quitte à aller regarder en dessous, c’est mieux d’aller chercher un joueur plus jeune. Ce n’est pas forcément juste, car Thoune, par exemple, a souvent eu de bonnes idées en allant voir en Promotion League ou en 1re ligue Classic, mais c'est ainsi», explique l'ancien défenseur du LS.

Martin François, lui, ne lâche pas. Et ce monde pro qui s'est refusé à lui, il veut l'atteindre en Suisse, à Delémont. «Il y a un projet ici, on essaie de monter. Même si je ne suis pas passé professionnel en France, j'ai toujours eu l'envie de vivre de ma passion, ce qui est toujours mon cas. J'ai rebondi après Sochaux, je suis là, et j'ai toujours l'espoir.» Son talent, il le montre chaque samedi et chaque dimanche sur les pelouses de Promotion League. Et aussi parfois en Coupe de Suisse où, quelques fois par années, son pied gauche et sa vision du jeu permettent aux SRD de se hisser au niveau de leur adversaire de Super League du jour, en tout cas techniquement.

François Marque et Anthony Baron ont montré la voie

Et si le voyage de Martin François n'était pas terminé? On rappellera ici, par exemple, l'histoire de François Marque, entre autres, un joueur arrivé des divisions inférieures françaises et qui a fini par jouer la Champions League grâce au football suisse. Plus récemment, celle d'Anthony Baron est également intéressante, lui qui a découvert la Suisse via Nyon et la Promotion League, en n'ayant jamais percé en France, et a disputé des rencontres européennes avec Servette. La trajectoire du numéro 10 des SRD ne le mènera probablement pas jusqu'aux étoiles, mais la Challenge League est un horizon accessible et, osons-le dire, serait plus conforme à ce qu'il montre chaque semaine sur le terrain.

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