Il joue son avenir à la tête de la Nati
Quel héritage laissera Murat Yakin?

L'Euro débute samedi pour la Nati, à Cologne contre la Hongrie (15h). Un homme se trouve en ligne de mire: Murat Yakin. Le sélectionneur joue son avenir, mais aussi l'héritage qu'il laissera au football suisse.
Publié: 13.06.2024 à 08:35 heures
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Christian Finkbeiner

Murat Yakin mènera-t-il la Nati au succès lors de l'Euro, comme son prédécesseur Vladimir Petkovic l'avait fait en 2021 contre la France? Ou l'aventure prendra-t-elle fin dès le premier tour? Pour le sélectionneur suisse, l'enjeu est de taille puisque son contrat avec l'ASF arrive à échéance. Même si la faîtière assure que continuer avec lui est le «plan A», il est clair que si la Suisse échoue, tout sera terminé.

Qui est cet homme qui, en raison de son charisme et de sa sérénité, arrive à séduire son interlocuteur et à prendre les bonnes décisions au bon moment? Et qui est vraiment cet homme sur lequel tous les fans de football du pays ont une opinion? Que pense-t-il de son avenir et des derniers mois. Pour Blick, Murat Yakin parle...

... de son avenir

Le 23 juin, le mandat de Murat Yakin à l'ASF pourrait prendre fin. Il a refusé l'offre de prolongation de l'ASF avant l'Euro - et a ainsi changé la donne, après avoir dépendu de la bonne volonté de l'ASF en automne. Mais il assure pouvoir s'imaginer un avenir en tant qu'entraîneur de l'équipe nationale. «J'ai toujours dit que ce travail me remplissait de fierté. Mais pour se lancer dans un mariage, il faut être deux, heureux et d'accord». En septembre, il aura 50 ans, un chiffre qui déclenche une réflexion existentielle chez beaucoup de monde. Ce n'est pas son cas. «Ce chiffre ne m'irrite pas. Sauf qu'après une partie de padel, il me faut quelques jours de plus pour récupérer».

Murat Yakin restera-t-il entraîneur de la Nati après l'Euro?
Photo: TOTO MARTI
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... sur son mandat à la tête de la Nati

Malgré la qualification pour la Coupe du monde, les huitièmes de finale, le maintien en groupe A de la Ligue des Nations et la qualification pour l'Euro, le bilan de Murat Yakin est mitigé. Après un départ brillant et une qualification pour la Coupe du monde en finissant devant l'Italie, le premier gros revers survient au Qatar: la défaite 6-1 contre le Portugal. Pour la première fois, l'opinion publique émet des doutes sur l'entraîneur de la Nati. Et après un départ en fanfare lors de la qualification pour l'Euro, la Suisse a glissé dans la crise à l'automne dernier. Une des raisons, selon Murat Yakin: la restructuration de l'équipe. «J'aurais pu me faciliter la tâche et continuer à ne miser que sur des joueurs confirmés. Mais quel signe cela aurait-il donné aux jeunes?»

... sur l'automne difficile

Début novembre, la mère de Murat Yakin, Emine, décède à l'âge de 89 ans. Quelques jours plus tard, les trois derniers matches de la Nati en qualification pour l'Euro sont prévus. Murat Yakin assume sa responsabilité envers l'équipe et renonce à participer aux funérailles. «Ma mère aurait voulu qu'il en soit ainsi.» La Nati ne gagne aucun des trois matches et se qualifie sans gloire pour l'Euro. Murat Yakin est critiqué par le public, mais aussi au sein de la fédération. «L'estime et la gratitude n'existent pas dans le sport, tu dois toujours faire tes preuves». Rétrospectivement, Murat Yakin se montre toutefois aussi autocritique: «Nous n'avons pas fonctionné partout de manière idéale. Nous nous sommes ainsi rendus vulnérables».

... sur sa défunte mère

Emine Yakin était la mère la plus célèbre du football suisse. «Elle a toujours été derrière moi, surtout quand les choses allaient mal. Elle était comme un roc dans la tempête. Elle me manque tous les jours.» Après avoir immigré en Suisse au début des années 70, elle a élevé seule huit enfants, Murat et Hakan étant les deux plus jeunes. «Elle devait tout faire: travailler, laver, nettoyer, cuisiner - et pourtant, elle était très attentionnée». Qu'a-t-elle essentiellement transmis à ses enfants? «Le respect des autres».

... sur le business du football

Le football est aussi un grand business. «Ce qu'il y a de plus beau en tant que jeune footballeur, c'est d'être insouciant et de jouer avec tes copains, souffle Murat Yakin. L'idée du business et la pression ne viennent que plus tard.» C'est le cas en tant que joueur, mais surtout en tant qu'entraîneur, dirigeant ou propriétaire de club. «Tu es responsable de ta famille, de ton équipe, de ton club. Tu dois fournir des résultats.» Dans certains pays, l'importance accordée au football prend des allures extrêmes. «Si tu perds en Suisse, beaucoup de gens pensent: ça arrive. Mais à l'étranger, tu es responsable de savoir si les supporters qui donnent leu chemise pour acheter un billet passent une bonne semaine ou pas».

... sur son idée de jeu

Murat Yakin n'a jamais été un entraîneur spectaculaire. Mais il y a tout de même eu des victoires mémorables au cours de ses presque trois ans de mandat, le 4-0 contre la Bulgarie en route pour la Coupe du monde, le succès en Ligue des Nations en Espagne. Ou encore le 3-2 à Doha contre la Serbie. «Un entraîneur part toujours de la stabilité, de l'organisation défensive. Ce qui est possible offensivement dépend toujours de l'adversaire et de la qualité individuelle de l'attaque.» La vision de Murat Yakin est le jeu de transition rapide. Lors du match 1-1 à Rome en automne 2021, la Nati réussit pendant une heure un match presque parfait. Puis, lors des qualifications pour l'Euro, c'est le contraire: mais elle a du mal à pratiquer un football de possession contre des équipes plus faibles. «À l'Euro, nous visons le mélange idéal.»

... sur l'Euro

Atteindre les huitièmes de finale est l'objectif premier de la Nati. «Tout le monde parle du fait que nous avons un groupe faisable. Mais nous nous méfiions de chaque adversaire», déclare Murat Yakin. Il accorde une grande importance au match d'ouverture contre la Hongrie. «Je suis convaincu que nous jouerons avec beaucoup de plaisir, de détermination et de concentration.» Mais que la manière soit bonne ou mauvaise, ce sont les résultats qui décideront à la fin si Murat Yakin continuera ou non. «Et ceux-ci ne sont pas calculables à l'avance», dit Murat Yakin.

Top ou flop. Champagne ou eau plate. Victoire ou défaite. En Allemagne, Murat Yakin joue aussi son héritage en tant que sélectionneur de l'équipe nationale et la place qu'il occupera un jour dans l'histoire du football suisse. La scène est désormais à lui, le parieur qui, même en tant qu'entraîneur, suit souvent son intuition. Ce sont ses jours de vérité. 

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