Sa conférence de presse décryptée
José Mourinho, maître de la communication

Le Special One excelle devant les médias et il en a apporté une nouvelle preuve mercredi au Stade de Genève. Décryptage de sa conférence de presse, point par point.
Publié: 30.11.2023 à 09:35 heures
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Dernière mise à jour: 30.11.2023 à 21:53 heures
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

«Dans cette salle de conférence de presse, c'est lui le chef. Ici, c'est lui le putain de bonhomme et je ne peux pas le concurrencer. Si Barcelone veut que je le concurrence sur ce plan-là, ils devraient chercher un autre entraîneur.»

Ces mots de Pep Guardiola, datant de 2011, nous sont revenus dans l'esprit dès le début du spectacle, il faut bien l'appeler ainsi, proposé par José Mourinho mercredi soir au Stade de Genève à la veille d'affronter Servette.

Oui, le Portugais est le roi des conférences de presse et sa couronne est encore bien solidement installée. Décryptage en cinq actes.

Le Special One est le roi des conférences de presse.
Photo: keystone-sda.ch
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Il influence son adversaire

Où José Mourinho est très fort, entre autres, c'est dans sa capacité à maîtriser l'environnement et même mieux, à l'influencer. Que ce soit dans l'avion qui l'amenait à Genève, sous sa douche le matin ou dans le van Mercedes qui l'amenait au stade, peu importe: le Portugais avait préparé sa conférence de presse et savait exactement où il voulait aller.

Son objectif était clair: démontrer à tout le monde que ce match n'était important que pour la Roma et que Servette devait le lâcher. Il n'a pas attendu une seule minute, ni même une seule seconde, pour aller dans ce sens, tant il sait, depuis des années qu'il pratique les journalistes, que la punchline doit arriver tout de suite et ne pas être noyée après trois ou quatre réponses. Droit au but, toujours.

Alors, littéralement dès son premier mot, il a expliqué (en français qui plus est) que Servette devait... lâcher le match de jeudi! «La meilleure chose pour Servette, c'est de jouer avec la deuxième équipe et de penser à son grand match de dimanche à Berne», ont ainsi été ses tout premiers mots.

La question qui lui était posée n'était pas celle-là? Pas grave. Avec José Mourinho, la question importe peu, seule compte la réponse et le message. Il l'avait préparé, il était prêt, et il l'a répété au micro du club, via la communication officielle du Servette FC, rendant incrédule tout le monde.

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Evidemment, le Portugais n'a pas agi ainsi seulement pour blaguer et faire le show. Il sait aussi que René Weiler n'alignera pas une «équipe B», comme il l'a demandé. Mais José Mourinho crée le débat et sème une graine, y compris parmi le public. Si la Roma mène 1-0 à vingt minutes de la fin et que les attaquants servettiens sont fatigués, faudra-t-il vraiment que Miroslav Stevanovic et Chris Bedia, par exemple, restent sur le terrain jusqu'à la dernière minute pour arracher un nul qui ne servirait à rien, sinon à remporter un peu de prestige, quitte à arriver cramés dimanche? José Mourinho, par ces mots, met déjà la pression sur René Weiler et tente déjà d'influencer son coaching.

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Il s'intéresse à son rival, quel qu'il soit

Autre chose, de tout aussi fort: en parlant ainsi, en connaissant le calendrier de Servette, José Mourinho montre qu'il est un grand connaisseur de football, un vrai passionné et un professionnel. Il a parlé du Sheriff Tiraspol aussi durant cette conférence de presse et cette facette-là de José Mourinho est fascinante et très appréciable: il s'intéresse à tout le monde et même s'il n'a entraîné que des grandes équipes durant sa carrière, il ne se montre jamais condescendant et arrogant envers les plus petits, sauf par stratégie ou s'ils l'ont provoqué.

Surtout, il maîtrise l'environnement dans lequel il arrive et la comparaison avec la conférence de presse récente de Murat Yakin à la veille d'affronter Israël fait encore plus mal. Ce jour-là à Felcsut, le sélectionneur national était apparu complètement déconnecté de la réalité de son adversaire, qu'il connaissait d'ailleurs sans doute à peine, et n'avait sorti que des banalités, expliquant qu'il était là pour jouer un match de football, en gros. Même chose en Roumanie, où il s'était montré incapable de citer un joueur adverse le jour avant la rencontre. Sur le plan de la communication, José Mourinho n'a pas d'égal et il en a compris toute l'importance.

«Pour Servette, ce match ne sert à rien. Pour nous, il est très important. Servette est sûr de jouer la Conference League et peut très bien la gagner», a-t-il même osé déclarer, faisant l'éloge de son adversaire, lequel a remporté sept victoires en Super League et battu le Sheriff Tiraspol en Europe depuis la claque 4-0 reçue à Rome. «Leur motivation est bonne, leur dynamique aussi et certainement que l'empathie avec les idées de l'entraîneur a grandi», a-t-il détaillé, prouvant ainsi qu'il était au courant du fait que le groupe grenat avait dû apprendre à connaître les méthodes de René Weiler et à les assimiler.

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Il fait passer des messages clairs à ses joueurs

José Mourinho a parlé à ses joueurs mercredi en marge de l'entraînement du matin. Les Romains sont arrivés en fin d'après-midi à Genève et n'ont effectué aucune séance collective au stade, comme ils en ont pourtant le droit, préférant rester à leur hôtel. Leur entraîneur avait décidé que la séance aurait lieu le matin avant de prendre l'avion et il a eu une conversation avec son groupe, lors de laquelle il a rappelé certaines choses importantes à ses yeux, comme la nécessité de gagner à Genève. La Roma reste en effet sur un match «horrible et inacceptable» à Prague, selon ses propres termes, et le Portugais ne veut pas revivre un cauchemar pareil à Genève.

«Servette est une bonne équipe, qui démarre toujours très fort durant les 20 à 30 premières minutes. Ce sera difficile pour nous, les conditions ne seront pas simples, la pelouse sera compliquée vu que les jardiniers du stade sont visiblement en vacances depuis deux ou trois semaines...», a-t-il persiflé

À la question de savoir s'il allait pratiquer un peu de turnover, le Portugais a répondu en mettant habilement la pression sur ses joueurs. «J'ai eu trop d'expériences lorsque je changeais des joueurs et que ceux-ci ne m'ont pas bien répondu sur le terrain... Oui, certainement qu'il y aura de nouveaux joueurs demain sur le terrain et j'espère qu'ils réagiront bien. J'attends une réponse positive de leur part, et j'attends de ceux qui iront sur le banc en début de match et qui n'en ont pas l'habitude qu'ils trouvent la motivation et la bonne attitude s'ils sont amenés à entrer en cours de match», a-t-il prévenu, leur mettant déjà la pression publiquement. Là aussi, le coup est bien joué.

Si un Romelu Lukaku, par exemple, devait faire la gueule de manière ostensible s'il était amené à être remplaçant, José Mourinho aurait déjà préparé le terrain médiatiquement pour lui rentrer dedans. Et les journalistes auraient déjà de quoi écrire avant même qu'il s'en charge... vu qu'il l'a déjà dit!

Romelu Lukaku devra-t-il débuter sur le banc jeudi? Si oui, il devra avoir la bonne attitude au moment d'entrer en jeu.
Photo: IMAGO/eu-images
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Il anticipe déjà l'avenir

Un coup d'avance, José Mourinho, toujours. «Un match nul ne me sert à rien jeudi. On doit gagner pour avoir une chance de jouer la première place du groupe à domicile face au Sheriff. Là, on sera chez nous, avec un stade plein, un adversaire qui sera sans doute déjà éliminé et on devra marquer le maximum de buts possible», a déclaré le Portugais, qui déplace l'enjeu européen à la réception du Sheriff Tiraspol dans deux semaines. Il le sait, ce n'est pas tout à fait vrai: la Roma, aujourd'hui, n'est pas encore qualifiée et si Servette gagnait jeudi, les Genevois pourraient même être deuxièmes devant les Romains en allant gagner à Prague et que la Roma s'incline contre les Transnistriens à la maison. Personne ne croit à ce scénario et José Mourinho non plus. «Si nous ne sommes pas qualifiés jeudi, nous le serons dans deux semaines. Je le redis, ce match n'a aucun enjeu pour Servette», a-t-il insisté, préparant déjà le terrain pour la réception des Moldaves.

«Si on gagne à Genève et le Slavia aussi, cela se jouera à la différence de buts dans deux semaines, a-t-il prédit. L'important, c'est de gagner demain. Nous devons tout risquer.» Aucun doute: il le pense. A 0-0 ou 1-1 à la 70e, la Roma jouera la gagne à coup sûr, à moins que dans le même temps, les nouvelles de Tiraspol ne soient bonnes et que le Sheriff accroche le Slavia, ce qui n'est pas un scénario complètement à exclure non plus. Bref, José Mourinho anticipe et pose déjà les bases, ce qui dénote clairement une vision allant au-delà de la simple rencontre.

Jouera ou jouera pas, Paulo Dybala? Mystère pour l'instant.
Photo: IMAGO/sportphoto24
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Un charisme exceptionnel

Le temps d'attente avant José Mourinho, c'est déjà du José Mourinho. La conférence de presse du Portugais était prévue à 18h45, mais l'avion de la délégation romaine étant arrivé en retard, il n'est pas entré avant 19h10 dans la salle de presse. Qu'importe: tous les journalistes et les représentants des médias étaient déjà là bien avant 18h30 et l'attendaient, en ne parlant quasiment que de lui.

L'expression «Quand quelqu'un entre dans une pièce, tous les regards se tournent vers lui» a rarement été aussi bien mise en pratique que ce mercredi, la simple présence du Special One faisant se figer et se taire tout le monde, y compris les journalistes romains qui le pratiquent chaque semaine. José Mourinho le sait et s'en amuse, multipliant les jeux de regard, jouant avec les photographes et décidant lui-même du timing de la conférence de presse.

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Ses réponses sont longues, détaillées, intéressantes et précises, mais évidemment il ne lâche que ce qu'il veut bien lâcher. Un journaliste romain évoque avec lui les cas de Renato Sanches, Lorenzo Pellegrini et Paulo Dybala, lui demandant qui va jouer jeudi parmi ces trois joueurs. Habitués aux réponses lénifiantes des entraîneurs suisses («Tous les joueurs sont importants, je déciderai après l'entraînement»), les journalistes romands avaient déjà refermé leur calepin, mais le Portugais a détaillé les cas de chacun de ses joueurs, indiquant qu'il était impossible que les trois débutent en même temps. Sans donner d'indications précises à René Weiler, il a joué le jeu de la transparence autant qu'il le pouvait, bien conscient que sa position d'entraîneur l'autorise, et même l'oblige, à donner un peu «à manger» aux journalistes.

Sans éluder aucune question, il répond de manière détaillée, mais ne se met jamais en difficulté. Un numéro d'équilibriste là aussi parfaitement maîtrisé. Et à la fin, c'est lui qui décide, comme toujours. Après cinq questions, il tape sur la table, il se lève et s'en va, s'évaporant en trois secondes. En conférence de presse, un exercice qu'il maîtrise à la perfection, José Mourinho décide de tout, jusqu'au bout.

José Mourinho entre dans une pièce, le temps s'arrête.
Photo: keystone-sda.ch
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AS Rome
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