Murat Yakin se confie à Blick
«On vivait à dix dans un trois pièces et demi»

L'entraîneur de la Nati, Murat Yakin, s'est livré à Blick. Il raconte comment sa famille a dû vivre de l'aide sociale, pourquoi il a fui dans un refuge pour femmes avec sa mère et a grandi sans père. Confidences.
Publié: 15.08.2021 à 10:05 heures
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Dernière mise à jour: 15.08.2021 à 10:51 heures
Andreas Böni (interview), Sven Thomann (photos) et Matthias Davet (adaptation)

Murat Yakin, toute la Suisse pense vous connaître. Comment vous décririez-vous?
Murat Yakin :
Ça commence bien... C'est vraiment difficile, donnez-moi un peu de temps pour y réfléchir.

Ok. Nous pensions que le mot «à l'aise» était évident...
(Rires) Vous changez en permanence en tant qu'être humain et j'ai 46 ans maintenant. Oui, en tant que joueur j'ai pu vivre grâce à beaucoup de talent et d'ambition. Peut-être que j'étais assez à l'aise dans ce rôle. Mais en tant qu'entraîneur? Non, je suis loin de ça. Je suis du genre attentionné, qui prend soin de tout et des autres.

Est-ce que cela a quelque chose à voir avec le fait que vous avez dû vous débrouiller sans père à un âge précoce?
Je ne sais pas, ce n'est pas quelque chose que l'on choisit. Mon père et ma mère se sont séparés quand j'étais adolescent. Ma mère s'est retrouvée seule avec huit enfants, faisait le ménage et toutes les tâches ménagères. À un moment donné, notre père a cessé de payer les pensions alimentaires et nous avons vécu grâce à l'aide sociale. Comme ma mère ne parlait pas bien allemand, c'est moi qui suis allé voir les autorités et remplir les formulaires. J'ai épluché avec elle les offres d'emploi dans les journaux et fait le tour des entreprises de nettoyage pour lui trouver un emploi. J'ai aussi assisté aux réunions de parents d'Hakan à l'école.

Votre mère a vécu une expérience incroyable, comme on l'apprend dans votre biographie «Les Yakins». Ce livre raconte également l'histoire tragique de la noyade du premier mari d'Emine, votre maman, dans le lac Léman.

Je ne connais cette histoire que par des écrits: je n'étais pas encore né. On n'en parlait jamais vraiment à la maison. Mais nous voyions bien qu'il y avait des problèmes d'argent. Nous étions huit enfants, six du premier mariage, plus Hakan et moi. Tout le monde faisait des petits boulots pour aider.

Votre mère a dû fuir dans un refuge pour femmes.
Oui, nous étions dix à vivre dans un appartement de 3½ pièces. Nous vivions à cinq dans la même pièce, donc il y avait de la tension. C'est le moment où «Haki» est né. Après des frictions, nous avons déménagé.

Etiez-vous toujours en contact avec votre père?
Oui, nous passions toutes nos vacances avec lui en Valais. C'est grâce à ça que je sais skier. Il travaillait chez Lonza comme soudeur.

Il est décédé en 2005.
Je me souviens que nous n'avons pas eu de vrai contact avec lui pendant un certain temps: il s'était brouillé avec ma mère. En 2005, Hakan et moi étions au camp de l'équipe nationale lorsque nous avons reçu un appel de l'hôpital. Köbi Kuhn nous a laissé partir, nous sommes allés directement à l'hôpital. C'était agréable de pouvoir lui dire au revoir. Nous avons seulement appris à ce moment-là qu'il avait toujours été l'un de nos plus grands supporters et qu'il avait un abonnement au FC Bâle. Il regardait toujours nos matchs sans que nous le sachions.

Comment va votre mère aujourd'hui?
Elle a 88 ans et elle se porte bien, même si elle ne fait plus de vélo. La pandémie a été difficile pour elle car elle a l'habitude de se rendre en Turquie plusieurs fois par an, ce qui n'a pas été possible l'an dernier. Mais je lui ai acheté des billets d'avion: elle pourra y retourner.

L'«Aargauer Zeitung» a écrit que vous n'aviez pas assez d'argent pour prendre l'avion. Vous auriez passé deux jours et demi dans le train de Bâle à Istanbul - avec 25 sacs Aldi remplis.
Et des sacs Migros (rires). C'est exact, je crois, avec une escale à Belgrade.

Qu'est-ce que vous aviez là-dedans?
Nos vêtements. Nous n'avions pas de valises.

Détendu, Murat Yakin s'est confié à Blick.
Photo: Sven Thomann

Votre mère vit-elle toujours à Münchenstein? Il y avait un panneau devant son appartement qui disait: «Même la star du FC Bâle, Muri Yakin, ne devrait pas garer sa voiture devant l'immeuble et dans la rue. Le concierge.»
Je devais ramener de la nourriture pour neuf personnes, c'était un transport lourd (rires). Non, aujourd'hui elle est dans un plus grand appartement avec un jardin. Mais je ne peux plus y aller en véhicule, elle vit dans une zone interdite aux voitures à Muttenz.

La famille élargie des Yakin se réunit-elle encore aujourd'hui?
Nous essayons toujours de nous rencontrer autour de l'anniversaire de maman, à la mi-décembre. C'est rare que nous arrivions à faire venir tout le monde.

Combien y a-t-il de personnes à réunir?
Je devrais les compter, mais je dirais 52. Avant-hier, un autre est né (rires).

Reprenons quelques phrases que votre femme Anja a écrites sur vous dans le «Schweizer Illustrierte». Pour commencer: «Muri est un flemmard. Totalement désordonné. Quand il rentre à la maison, il jette ses vêtements dans un coin. Il y a des vêtements partout. Mais aussi sur le bureau: il y a des piles de dossiers, de papiers, de documents. Ce que je trouve intéressant, c'est qu'il a une clarté totale dans son cheni. S'il a besoin de quelque chose, il ne doit jamais le chercher.»
(Rires.) Quand cette déclaration a-t-elle été faite?

Muri pense à Stocker!

Murat Yakin sur ...
... sa nomination comme entraîneur de la Nati: «Oui, j'ai été surpris. Pierluigi Tami m'a appelé le 1er août, un jour férié. Nous nous sommes ensuite rencontrés à Berne et sommes parvenus à un accord relativement rapidement au cours des jours suivants.»

... le capitaine Granit Xhaka: «Il n'y a aucun doute qu'il restera capitaine. Ce qu'il a fait avec cette équipe à l'Euro est tout simplement fantastique.»

... Valentin Stocker, avec qui il a également connu des moments difficiles à Bâle: «J'étais à Bâle jeudi pour le match d'Europa League. Vali m'a immédiatement sauté dessus avec un sourire sur le visage. C'est un excellent footballeur qui tient toujours ses promesses. Maintenant nous jouons deux fois à Bâle contre la Grèce et l'Italie, Embolo et Seferovic sont blessés - Vali pourrait être une possibilité en attaque.»

... sa tactique: «Le jeu offensif reste. Défensivement, nous avons dû trop compter sur Yann Sommer à quelques reprises. Je vais certainement serrer quelque peu la vis là-dessus.»

... le rendez-vous au tribunal avec Christian Constantin: «C'est une situation de droit du travail qui s'est présentée à l'époque. C'est tout ce que je veux dire à ce sujet.»

Murat Yakin sur ...
... sa nomination comme entraîneur de la Nati: «Oui, j'ai été surpris. Pierluigi Tami m'a appelé le 1er août, un jour férié. Nous nous sommes ensuite rencontrés à Berne et sommes parvenus à un accord relativement rapidement au cours des jours suivants.»

... le capitaine Granit Xhaka: «Il n'y a aucun doute qu'il restera capitaine. Ce qu'il a fait avec cette équipe à l'Euro est tout simplement fantastique.»

... Valentin Stocker, avec qui il a également connu des moments difficiles à Bâle: «J'étais à Bâle jeudi pour le match d'Europa League. Vali m'a immédiatement sauté dessus avec un sourire sur le visage. C'est un excellent footballeur qui tient toujours ses promesses. Maintenant nous jouons deux fois à Bâle contre la Grèce et l'Italie, Embolo et Seferovic sont blessés - Vali pourrait être une possibilité en attaque.»

... sa tactique: «Le jeu offensif reste. Défensivement, nous avons dû trop compter sur Yann Sommer à quelques reprises. Je vais certainement serrer quelque peu la vis là-dessus.»

... le rendez-vous au tribunal avec Christian Constantin: «C'est une situation de droit du travail qui s'est présentée à l'époque. C'est tout ce que je veux dire à ce sujet.»

plus

En 2007.
Donc ce n'est pas si grave. Peut-être qu'elle avait un autre mari à l'époque et qu'elle se souvient du mauvais (rires).

Deuxième déclaration: «Parfois, il est vraiment têtu. S'il affirme que le ciel est vert, alors vous devez le laisser tranquille avec son opinion. Prétendre le contraire - même si le ciel est bleu - n'a aucun sens.»
Que puis-je répondre à cela? Je suis toujours avec elle, je l'aime toujours (rires).

Troisième citation: «On peut dire qu'il est macho. La cuisine est mon territoire, il le dit toujours.»
Ce conseil pour la vie me vient de ma mère. Elle m'a dit: «Cuisine - dehors».

Quatrièmement: «Muri aime le chocolat. Pas de marque ou de couleur en particulier. L'essentiel, c'est le chocolat. Après le dîner, il se faufile jusqu'au frigo et prend une rangée de chocolat. Puis il s'assoit devant la télévision. Il se lève, retourne au réfrigérateur et continue à grignoter. Et ça continue comme ça toute la soirée.»
Je ne le conteste pas. Il y avait toujours quelque chose sur la table chez nous. S'il y avait un match de football et que nous étions devant, ma mère apportait toujours un bol avec des fruits, des noix ou du chocolat. Avant de dire quelque chose de stupide, je préfère grignoter.

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Christian Gross était tout sauf ravi lorsque vous aviez posé pour Blick dans un hamac, avec des oursons en gélatine.
La première photo était sans ours en gélatine. Votre photographe m'en a ensuite donnés. Je vais être honnête: à l'époque, en tant que joueur, je faisais du mal à mon corps avec du sucre. Je pense, rétrospectivement, que c'est aussi la raison pour laquelle j'ai été blessé si souvent. Mais c'était drôle: quand j'ai dit que j'aimais les sucreries, le lendemain, j'ai reçu x paquets envoyés par des entreprises. Biscuits, ours en gélatine, chocolat. De tout. Cependant, j'ai été émerveillé par notre joueur japonais Koji Nakata.

Comment ça?
Il a joué avec nous à Bâle, et sa femme était une actrice célèbre. Je recevais des colis, il recevait des colis. Nous nous asseyions l'un à côté de l'autre et on ouvrait tout ensemble. J'avais le droit à des ours en gélatine et d'autres sucreries, lui à des téléphones et à des ordinateurs portables. Les bonbons étaient placés dans notre car - et le responsable de l'équipement m'en donnait quelques-uns après chaque séance d'entraînement. Christian Gross n'était pas très enthousiaste - mais nous avons fini par nous en sortir.

Vous êtes maintenant l'entraîneur de l'équipe nationale suisse. Pourtant, en 1991, des gens étaient contre votre naturalisation.
La procédure était complexe, et certaines personnes étaient effectivement contre ma naturalisation.

Roy Hodgson, l'entraîneur de la Nati de l'époque, a écrit une lettre à l'Office fédéral de la police disant que vous devriez être naturalisé le plus rapidement possible.
C'est ça. Mais ça a quand même pris trois ans.

Roy Hodgson vous a laissé à la maison pour la Coupe du monde 1994. Il a dit que c'était parce que vous aviez traîné au bar trop longtemps.
Je n'étais pas le seul! En tant que jeune joueur, j'étais au bar de l'hôtel avec Thomas Bickel, Alain Sutter et Ciriaco Sforza. Un quart d'heure de trop. Quelqu'un m'a dénoncé à Roy et j'ai manqué la Coupe du Monde aux USA. Le monde s'est effondré pour moi. Mais Roy s'est excusé quinze ans plus tard et a dit qu'il ne le referait plus de la même façon.

Dernière question: de nombreux fans aiment débattre de l'hymne national. Quelle est votre opinion à ce sujet?
Lorsque je jouais avec l'équipe nationale, nous avions l'une ou l'autre répétition de chant. C'est important pour moi. En ce moment, les questions sportives et tactiques sont naturellement au premier plan. Mais je vais certainement chercher à discuter avec l'équipe et à obtenir l'avis des joueurs. Nous ne forcerons personne, mais ce serait bien si nous pouvions tous trouver une solution ensemble à un moment donné.

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