Deuil périnatal, mère absente, infertilité…
Comment gérer la fête des Mères si elle vous rend triste?

Généralement évoquée avec joie et tendresse, la fête des Mères peut représenter un véritable défi pour de nombreuses personnes, confrontées à un deuil périnatal, la perte de leur Maman ou des problèmes de fertilité. Des expertes proposent des mots de soutien.
Publié: 11.05.2024 à 18:30 heures
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Derrière les colliers de pâtes, les fleurs, les cartes colorées et les bricolages adorablement décousus, il existe tout un autre monde. Un monde de cœurs qui se serrent, de larmes brûlantes, de sanglots ravalés, de douleur et de colère. C’est le monde des personnes qui, en ce 12 mai 2024, jour de la fête des Mères, n’auront d’autre choix que de sentir leurs pires blessures ou leurs grandes angoisses se raviver. 

Car ce jour n’est pas une partie de plaisir pour tout le monde, selon les épreuves vécues: «Ce genre de fête exacerbe la douleur des drames familiaux, comme les décès, des parents malades ou séparés de leurs enfants», résume Sandrine Limat Nobile, psychologue et collaboratrice à l’association Adessia, qui propose du soutien dans le cadre de pertes de grossesse ou de deuils périnataux. «On ne peut pas dire que ce genre d’événement fait ‘remonter’ ces émotions à la surface, car les personnes concernées y pensent forcément tous les jours. Dans le cas du deuil périnatal, bien que la douleur s’apaise et devienne gérable avec le temps, les piqûres de rappel comme la fête des Mères évoquent une cicatrice qu’on ressent plus ou moins fortement, au fil des jours, mais qui ne nous quitte jamais.»

Une date aussi symbolique, forcément évoquée dans les conversations, peut donc s’apparenter à une véritable épreuve. Si vous redoutez la fête des Mères et les émotions qu’elle peut susciter chez vous, voici plusieurs conseils reliés à trois types de situations différentes, qui pourraient, on l’espère, vous apporter un peu de soutien:

«Ce genre de fête exacerbe la douleur des drames familiaux, comme les deuils périnataux, les décès, des parents malades ou séparés de leurs enfants, résume Sandrine Limat Nobile, psychologue et collaboratrice à l’association Adessia.
Photo: Shutterstock

Quand Maman n’est plus là

Ainsi que le rappelle Brigitte Favre, psychologue et psychothérapeute FSP, tous les événements qui nous rappellent la personne qui nous manque peuvent s'avérer douloureux, en particulier durant la première année après le décès: «C’est toutes les premières fois sans l’être cher: le premier Noël, le premier anniversaire, les premières vacances...» 

Pour l’experte, le deuil d’une mère, d’un père ou d’une figure parentale peut susciter des émotions particulièrement vives, car on perd alors une personne qui a pris soin de l’enfant que nous étions, l’a nourri, chéri, et joue ainsi un rôle prépondérant dans notre sentiment de sécurité intérieur. «Lors du décès d’une mère ou d’un père, nous subissons non seulement le manque de ce parent, mais aussi la perte de notre histoire, de nos racines. Ce parent qui détient des informations sur notre enfance, notre vécu, notre développement, n’est plus. C’est fondamentalement bouleversant et déstabilisant.» Brigitte Favre souligne en outre que, même si la personne décédée n’a pas été un bon parent à nos yeux, sa perte n’en est pas moins douloureuse: «La disparition signe alors la fin de l’espoir que ce parent pourrait s’améliorer, nous aimer comme nous l’attendions.» 

Comment gérer la situation? 

Alors, comment navigue-t-on dans cette tristesse, lors d’une date telle que la fête des Mères? Pour Sandie Ackermann, psychologue et psychothérapeute FSP, une piste possible est d’honorer la personne perdue d’une quelconque façon, de la fêter même si elle n’est pas là et d'oser parler d’elle autant qu'on le souhaite: «Tout comme pour celles et ceux qui ont perdu un bébé, rien n'est plus important que de rendre la personne présente dans nos vies, constate-t-elle. Pouvoir les remercier, leur dire à quel point elles ont été importantes par exemple, ou même leur dire des choses plus difficiles.» L’experte souligne toutefois que cela n’est pas une nécessité pour tout le monde: il est tout à fait possible que vous n’en ressentiez pas le besoin et, dans ce cas, il est essentiel de vous écouter. 

Si vous avez besoin d'un soutien immédiat, n'hésitez pas à demander de l'aide auprès de plateformes dédiées, telles que la Fondation Astrame, la Main Tendue ou encore l'Association Vivre son deuil. 

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Quand on a perdu un bébé

«Dans le cas du deuil périnatal, certaines dates ont un fort impact, souligne Sandrine Limat Nobile. Je pense notamment au jour de l’annonce du décès du bébé, à la date annoncée du terme… Et puis il y a les dates communes à tout le monde, comme la fête des Mères, qui peuvent également être très mal vécues.» En effet, à cette date, on pense surtout aux mamans qui pourront célébrer ce jour avec leurs enfants vivants, mais on n’évoque pas suffisamment les mères d'enfants qui ne sont plus là.

«Même les proches ne savent pas forcément que dire et s'efforcent de marcher sur des œufs, ce qui n’aide pas vraiment», déplore notre intervenante. «Lorsqu’on ne trouve pas les mots, je conseille de poser des questions, de demander simplement ‘comment ça va, aujourd’hui spécialement?’, de montrer qu’on pense à la personne qui a perdu un bébé et de l’écouter si elle souhaite partager ses émotions.» 

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Dans de nombreux cas, Sandrine Limat Nobile s’aperçoit que les femmes ayant perdu un bébé peuvent se sentir mal à l’aise avec le rôle de Maman: «Certaines attendent de tenir un bébé vivant dans leurs bras pour se sentir mères, d’autres se sentent profondément Mamans, car elles ont vécu un lien très intense, bien que trop court, avec leur bébé. C’est douloureux de réaliser que la société ne nous reconnaît pas comme Maman, alors que c’est ce que l’on ressent profondément. Cela peut effectivement susciter des discours intérieurs dévalorisants de type ‘Pourquoi je n’y arrive pas alors que cela semble si facile pour les autres?’, ‘Cela veut-il dire que je ne suis pas faite pour être mère?’ Bien qu'on ait conscience qu’elles ne sont pas raisonnables, ce genre de pensées s’invitent toutes seules.»

Comment gérer la situation? 

Face à cet enchevêtrement d’émotions complexes et pesantes, la psychologue recommande de ne pas agir comme si de rien n’était, ni d'essayer de cacher ce mal-être: «Le fait de prendre un moment dans la journée, à sa façon, pour se célébrer en tant que Maman et honorer son bébé, peut être très bénéfique. Il ne s’agit pas forcément d’en faire une cérémonie, mais d’avoir une pensée, de réaliser un geste symbolique, d’allumer une bougie, de regarder le ciel ou de prier, selon ses croyances personnelles.» 

Quand on rencontre des problèmes pour procréer

Dans d’autres cas, la fête des Mères peut s’avérer éprouvante parce que le rêve de devenir Maman paraît lointain et s'avère difficile à réaliser: «Puisque cet événement met à l’honneur les mères, une femme qui désire ardemment un enfant et souffre d’infertilité peut avoir du mal à relativiser ou à se dire qu’elle peut trouver d’autres manières de se réaliser», affirme Brigitte Favre. 

Comment gérer la situation? 

Afin de traverser cette journée avec autant de résilience et de positivité que possible, l’experte conseille à nouveau de ne pas tenter d’ignorer ou de nier la signification de la date: «C’est l’occasion de se célébrer autrement, propose-t-elle. Célébrer la belle personne que nous sommes, nos qualités, nos accomplissements... On peut aussi faire quelque chose qui nous fait vraiment plaisir et partager ce moment avec d'autres, car être mère, c’est être en lien avec autrui. Et ça, nous en avons tous la capacité.»

Se focaliser sur les bons souvenirs

Pour toutes les situations ou émotions différentes qui pourraient mener à redouter la fête des Mères, nos expertes recommandent de prêter attention, autant que possible, aux beaux moments qu’on a pu vivre dans le passé: «Cette date peut aussi nous rappeler les bons souvenirs avec notre Maman, les moments de bonheur partagé, ce qu’elle nous a transmis, ajoute Brigitte Favre. Dans le cas d’un deuil périnatal, c’est également l’occasion de remercier cette petite personne qui n’a pas pu venir à terme, lui dire nos regrets et lui envoyer toute l’affection qu’on n’a pas pu lui témoigner. Quand on perd un être, l’amour qu’on lui porte, lui, ne meurt pas.» 

En conclusion, la spécialiste rappelle que, pour beaucoup de personnes endeuillées, le manque finit par diminuer avec le temps: «Il est alors remplacé par des souvenirs plus paisibles et heureux.»

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