Le criminologue Dirk Baier explique notre fascination pour le macabre
Voilà pourquoi l'horreur nous fascine

Qu'il s'agisse d'un accident, d'une inondation ou d'un incendie, chaque fois qu'un événement terrible se produit, il y a toujours des spectateurs. Le criminologue Dirk Baier nous explique pourquoi.
Publié: 24.07.2021 à 16:47 heures
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Dernière mise à jour: 24.07.2021 à 16:48 heures
Jennifer Bürgin, Daniella Gorbunova (adaptation)

Après les inondations catastrophiques en Allemagne, les travaux de nettoyage ont battu leur plein. Mais au lieu d'aider, beaucoup de personnes sont juste venues pour constater l'ampleur des dégâts. Elles apportent du café et des gâteaux, gênent les services d'urgence et tentent parfois même d'accéder par la force à la zone bouclée.

En Suisse aussi, de nombreuses personnes ont filmé les inondations. Encore et toujours, les badauds se rassemblent aussi sur les lieux d'un accident de voiture ou observent d'autres situations dangereuses du genre. Mais pourquoi faisons-nous cela?

Selon le criminologue Dirk Baier, cette fascination pour le morbide est due à une émotion profondément humaine: la curiosité. «Ce sont précisément les événements sensationnels qui l'attisent le plus.»

Il n'y a rien de fondamentalement négatif à cela: l'être humain apprend en observant. S'il voit quelqu'un faire quelque chose de dangereux, il apprend à ne pas faire la même erreur. En sciences humaines, on appelle cela «l'apprentissage par procuration» ou le mimétisme. Et c'est un instinct que nous pouvons difficilement réprimer.

Les regards peuvent mettre en danger la vie humaine

Mais les personnes qui s'attardent sur les scènes d'accident ou qui filment des catastrophes vont parfois trop loin. Car la curiosité mal placée peut gêner les sauveteurs - et donc mettre en danger des vies humaines.

De fait, de nombreux voyeurs savent qu'ils se comportent mal. Mais à cause de l'effet de groupe, ils se sentent invisibles et protégés. Des études démontrent en effet que le sentiment de culpabilité diminue lorsque l'individu est entouré par une foule qui se comporte de la même manière. Dirk Baier fait appel au courage moral de ceux qui sont témoins d'une catastrophe: «par exemple, si vous ne pouvez pas aider lors d'un accident de la route, vous devez quitter les lieux rapidement et demander aux autres voyeurs de faire de même.»

Ce comportement n'est pas seulement problématique parce que les gens se trouvent divertis par la souffrance des autres, selon Dirk Baier. Beaucoup filment les victimes et publient ensuite les vidéos sur Internet. «Ils violent ainsi les droits de la personne», se plaint le criminologue.

Les accros à l'adrénaline adorent les accidents

Le 17 juin 1939, la foule se presse devant la prison Saint-Pierre, à Versailles. La guillotine est dressée pour Eugène Weidmann, qui sera le dernier condamné à mort exécuté en public en France.
Photo: STF -AFP

La curiosité mal placée n'est pas un phénomène nouveau. Il y a cent ans, il y avait encore plus de voyeurisme macabre qu'aujourd'hui, explique Roland Portmann, responsable de la communication de Schutz & Rettung 2018 dans la «NZZ». En effet, la dernière exécution publique en France (à la guillotine) remonte à 1939. Jusque-là, les mises à mort sur la place publique étaient monnaie courante - et attiraient de nombreux spectateurs subjugués autant que dégoutés.

Le psychologue Michael Thiel explique au magazine scientifique allemand «Quartz» que certaines personnes s'ennuient si vite qu'elles ont besoin de montées d'adrénaline constantes. «Un véritable accident où des personnes ont été blessées est une came très puissante pour un accro à l'adrénaline», explique le psychologue. Alors que dans ce genre de situations, se rappeler d'une autre émotion, tout aussi humaine, qu'est la compassion, serait sans doute plus adéquat.

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