Si vous craigniez qu'ils se sentent seuls
Comment aider mon enfant à se faire des amis à l'école?

En cette période de rentrée scolaire, on tend à projeter nos pires craintes sur nos enfants, qu'on ne voudrait jamais voir esseulés dans la cour de l'école ou manquer d'amis. Une psychologue nous rassure.
Publié: 20.08.2024 à 16:15 heures
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Dernière mise à jour: 20.08.2024 à 16:38 heures
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

On les regarde s'éloigner, le cartable dodelinant sur leurs petites épaules, et on se demande quel genre de journée les attend, dans cette grande école si intimidante... Les autres enfants seront-ils gentils, accueillants? Les enseignants sauront-ils comprendre les sensibilités et tempéraments de chacun? Nos poussins sauront-ils tisser les liens qui adoucissent tant les années d'école? Et s'ils se retrouvaient tout seuls, dans la cour, un peu perdus? L'idée suffit à serrer le cœur des parents inquiets. 

En effet, la rentrée scolaire est l'excuse parfaite pour se poser un milliard de questions, en angoissant secrètement derrière un grand sourire crispé. Alors que 40% de la population suisse souffre de solitude, on craint évidemment que nos petits écoliers fraîchement arrivés en classe soient malheureux ou isolés. En d'autres termes, on s'invente des piles de scénarios catastrophe, surtout dans les contextes de déménagements ou de changements d'école, qui invitent une épaisse couche de stress supplémentaire. 

Si vous craigniez que vos enfants peinent à se faire des amis lors de leur entrée dans une nouvelle classe, voici quelques clés pour les soutenir sans exacerber leur stress: 

«Souvent, la crainte de ne pas réussir à tisser des liens amicaux peut venir d’une projection des parents, plus que des enfants eux-mêmes», prévient Laurence Bagnoud-Roth, psychologue et psychothérapeute.
Photo: Shutterstock
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Posez-leur des questions

«Souvent, la crainte de ne pas réussir à tisser des liens amicaux peut venir d’une projection des parents, plus que des enfants eux-mêmes, prévient Laurence Bagnoud-Roth, psychologue et psychothérapeute, co-fondatrice du centre de consultations Therapea. Avant de transmettre votre propre inquiétude en risquant d'implanter des angoisses dans leur esprit, interrogez-les, vérifiez s’ils ont vraiment peur de cela ou si ce ressenti vient uniquement de vous.»

L'experte rappelle en outre que les enfants n'ont pas forcément le même référentiel, les mêmes besoins ou le même caractère que nous: «Ils peuvent vivre ce genre de situation beaucoup plus sereinement qu’on l’imagine», rassure-t-elle. Ainsi, si certains sont très sociaux et préfèreront s'entourer d'une flopée de camarades, d'autres se sentent parfaitement comblés en passant la pause avec deux amis très proches. 

Si l'enfant exprime quand même une angoisse par rapport à ses nouveaux camarades, il convient de reconnaître ses émotions et de les valider, sans les minimiser: «On peut ensuite passer à des propos positifs et encourageants, lui dire qu’on a confiance en lui, qu’il va y arriver, même si cela demandera clairement un effort», conseille Laurence Bagnoud-Roth. 

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Clôturez le chapitre précédent

Pour les familles qui viennent d'emballer leur vie entière dans des cartons pour lever l'ancre, ou les enfants qui découvrent les couloirs mystérieux d'une toute nouvelle école, notre intervenante souligne l'importance de plusieurs étapes préliminaires:

«Dans les contextes de déménagements ou de changements d’école, certains rituels sont essentiels, afin de faciliter la transition, explique-t-elle. Il est par exemple important de dire au revoir aux amis, de noter les numéros de téléphone et d’assurer qu’on pourra se revoir. Même si, dans quelques mois, l’enfant sera probablement passé à autre chose et aura rencontré de nouvelles personnes, il est très bénéfique de laisser cette porte ouverte.» 

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Facilitez les premiers liens

Toujours dans les situations de déménagements, Laurence Bagnoud-Roth propose d'inscrire l'enfant à des activités organisées dans le quartier ou de se rendre dans les parcs de jeux du coin, pour faciliter de nouvelles rencontres: «Cela peut lui permettre d’identifier des points d’ancrage, des visages familiers et de se projeter dans son nouveau quotidien», pointe-t-elle. 

En ce qui concerne les rencontres en classe, il s'agit de conseiller à l'enfant de se tourner vers les camarades qui, eux aussi, ont l’air de ne pas connaître tout le monde, ou qui semblent accueillants et souriants: «Le fait d’imaginer cela un peu à l’avance permet de se projeter dans la situation, d’imaginer comment on va aller vers les autres, ce qui peut diminuer le stress, estime la psychologue. Si l’enfant s’inquiète, il peut être utile de sensibiliser l’enseignant à la situation, de souligner que l’élève ne connaît personne.» De cette manière, le maître ou la maîtresse pourra initier les rencontres ou se charger de faire les présentations, ce qui peut constituer une aide précieuse et rassurer les parents. 

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Parlez aux autres parents

À défaut de passer la journée collés à nos enfants, pour s'assurer que tout se déroule pour le mieux, notre simple présence au début et à la fin des cours peut déjà s'avérer efficace: une brève conversation avec d'autres parents d'élèves contribue à ouvrir des perspectives et donner le bon exemple. C'est également ainsi qu'on peut prévoir des activités entre les élèves qui s'entendent bien: 

«Dès que possible, on peut essayer d’inviter les nouveaux amis à la maison pour le goûter, propose Laurence Bagnoud-Roth. Cela nécessite un peu de proactivité de la part des adultes, de repérer d’autres parents devant l’école. On n’a pas toujours le temps de l’accompagner dans le processus, mais notre présence durant les premiers jours, si le travail le permet, peut être très bénéfique.»

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Gardez un mindset positif

Bien que le processus puisse sembler long, émotionnel et complexe, notre experte rappelle que les choses évoluent assez rapidement, en général. En d'autres termes, la difficulté actuelle est temporaire! «On peut rappeler cela à l'enfant, lui promettre que tout ira mieux dans quelques semaines, même si c’est encore difficile à imaginer pour l’instant.» 

Quelques mois plus tard, lorsque la situation se sera apaisée et que l'enfant aura fait de nouvelles rencontres, il est important d'applaudir le chemin parcouru depuis ce redoutable premier jour: «On peut lui rappeler les progrès qu’il a faits, afin de souligner qu’il est capable de gérer ce type de changement et le féliciter de s'être si bien adapté», recommande Laurence Bagnoud-Roth. 

Sans oublier qu'il est impossible de protéger nos enfants de tout... pas même de la solitude! «On ne pourra pas éviter qu’ils vivent des émotions négatives, estime la spécialiste. D’ailleurs, il est utile de les expérimenter, on en a besoin! Elles nous permettent de faire des apprentissages, de grandir et de savoir qu’on sait gérer ce type de situation.»

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