Trend inutile ou réel danger?
Avaler du vinaigre de cidre est-il vraiment bon pour la santé?

Avaler une cuillère de vinaigre de pomme avec un peu d'eau chaude le matin à jeun ou avant chaque repas: cette nutri-tendance a déferlé dans nos feeds Instagram. Mais cette habitude a-t-elle de réels bienfaits? Nous avons fait le test.
Publié: 16.02.2024 à 16:56 heures
Nouhad Monpays

Perte de poids, réduction du risque de diabète et d’inflammation, diminution des pics de glucose… Les supposés bienfaits du vinaigre de pomme ingéré quotidiennement enflamment la toile et ce nouveau trend atteint des sommets inédits. Portée par des influenceurs aux millions d’abonnés comme la célèbre Glucose Goddess sur instagram, cette astuce «miracle» a créé une vague d’enthousiasme qui ne retombe pas. 

Et les avis sur la tendance divergent: selon une étude récente, parue dans l’International Food Research Journal, les bienfaits sur la santé existent, mais les consommateurs assidus doivent également être avertis de certains risques que présente cette substance acide. 

Alors, le vinaigre au quotidien est-il un vrai conseil santé ou une énième théorie fumeuse potentiellement dangereuse pour l’organisme? Nous avons demandé l'avis de Séverine Chédel, diététicienne ASDD, BSc HES-SO en nutrition et diététique, avant de tester l'expérience par nous-mêmes (avec parcimonie, bien sûr). 

«Il n’y a pas de nécessité de contrôler la glycémie d'un corps en bonne santé, précise la diététicienne Séverine Chédel. Et pour les diabétiques: ils ne soignent certainement pas avec du vinaigre!»
Photo: Shutterstock

Un trend qui part des réseaux

À l’origine de la tornade médiatique qui a fait s’envoler le vinaigre de pomme au sommet des wellness trends: Jessie Inchauspé, biochimiste, auteure et influenceuse à la tête de la page Instagram @glucosegoddess. Désormais suivie par 3,3 millions de personnes, elle recommande un régime alimentaire avec un ordre de consommation des aliments précis et l'ajout significatif de vinaigre dans notre quotidien.

Séverine Chédel connaît bien l’ouvrage de Jessie Inchauspé, intitulé «Faites votre glucose révolution». Et elle est loin d’être convaincue: «Cette dame assied son discours sur sa formation scientifique de biochimiste comme justificatif de l'efficacité de ses méthodes bien-être et santé: mais ça n'a aucun rapport». 

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Notre experte n'est pas la seule à émettre des réserves: le professeur François Jornayvaz, chef du Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition et éducation thérapeutique du patient des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), nous confiait son scepticisme sur les méthodes de Jessie Inchauspé, dans un article consacré au premier ouvrage de la déesse autoproclamée. En effet, le médecin conseillait plutôt d'adopter une alimentation saine à long terme: «Il suffit de choisir les aliments les moins transformés possibles, tels que les légumes, de boire de l'eau et non des boissons sucrées et de se limiter à 2 ou 3 fruits par jour: cela permet d'éviter de grandes quantités de sucres au quotidien.»

Concernant les fameux pics de glycémie que l’Influenceuse voudrait réguler: «En réalité, ces fameux pics, les non-diabétiques n’en ont pas beaucoup, précisait le Dr. Jornayvaz, au «Temps», cette fois. L’auteure parle de risques de problèmes psychologiques, de fatigue, de fringales, d’acné, de dérèglements hormonaux, d’Alzheimer et de cancer. Ce n’est basé sur rien du tout.». Il précise tout de même: «Par contre, contrôler l’index glycémique des aliments est une bonne chose. Cela fait partie des approches que les diététiciens ou les médecins nutritionnistes conseillent pour la perte de poids.»

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Séverine Chédel renchérit: «Pour vous et moi qui ne sommes pas diabétiques, notre corps s’autorégule. Il n’y a pas de nécessité de contrôler la glycémie d'un corps en bonne santé. Et pour les diabétiques: ils ne soignent certainement pas avec du vinaigre!»

Mon expérience avec le vinaigre de pomme

Soit. Je décide de tenter l’expérience moi-même pour en avoir le cœur net. Je me limite à une session d'un mois avant de stopper et de reprendre un mois après. Premier constat: cette consommation à jeun a surtout un effet coupe-faim, idem quand j’en prends avant les repas. Pour le reste, je ne saurais le dire, je ne souffre d'aucune maladie métabolique et je ne vais pas jusqu’à faire une prise de sang avant/après. Je ne ressens pas d’effet délétère non plus.

L’experte réagit à ma petite expérience: «En fait, boire un verre d’eau avant chaque repas vous remplirait tout autant et aurait déjà cet effet coupe-faim, mais c’est tout de suite moins ‘glamour’. Je pense qu’il y a cette attente de l’ingrédient ‘miracle’, mais si c’était le cas, ça se saurait. La prescription de ces méthodes reste problématique, dans le sens où cela laisse croire que mincir est une chose facile ou qu’il y aurait des solutions miracle.» 

Un effet placebo?

Pour Séverine Chédel, ce n’est pas le vinaigre qui est en cause dans les améliorations de santé (ou la perte de poids) mais, bien les changements alimentaires induits par la prise de ce liquide: «C’est surtout lié au côté remplissage et au goût infâme du vinaigre! Je suspecte les gens de croire que quand un aliment est mauvais, il a un impact sur la santé, au même titre que certains médicaments par exemple.»

L’une de ses patientes suit même ce régime, «se baladant avec son vinaigre dans son sac à main». La spécialiste ne diabolise pas ce comportement pour autant: «En fait, si cela peut l’aider à se focaliser sur son objectif, pourquoi pas, tant que cela ne lui fait pas de mal et que cela n'engendre pas de frustration. Parfois les gens ont besoin d’un cadre qui les aide. Mais à mes yeux, c’est surtout une tendance qui relève de la croyance, dont les soi-disant bienfaits sont liés à un effet placebo. Dans son cas, il n’y pas de contre-indication à consommer du vinaigre, elle n'a pas de pathologie, ça n'empire en tout cas pas les choses.»

Pourquoi le vinaigre de pomme?

Séverine Chédel reste perplexe quant aux choix du vinaigre utilisé: «Je ne saurais dire pourquoi cette tendance se base sur le vinaigre de pomme précisément, il n’y a pas d’études médicales à ce sujet. Une chose est sûre: dans le vinaigre de pomme ou de cidre, il ne reste plus grand-chose de la pomme: rappelons tout de même que le vinaigre est composé à 95% d’eau.»

L'étude susmentionnée met quant à elle en exergue un facteur de proximité relativement simple pour le choix de ce vinaigre en particulier: il s'agit de l'option la plus largement produite dans le monde occidental et très largement consommée en Europe, alors que les Asiatiques consomment du vinaigre de coco, par exemple. Sa production implique la fermentation alcoolique et acétique du jus de pomme, convertissant les sucres du jus de pomme en alcool (cidre), puis en acide acétique. La microflore utilisée dans la production de vinaigre de cidre de pomme comprend des levures. Traditionnellement, le vinaigre de cidre de pomme est utilisé comme agent aromatisant (vinaigrettes, marinades et chutneys) et conservateur.

Dans tous les cas, si le vinaigre offre des avantages potentiels pour la santé, il ne doit pas être considéré comme un remède miracle qui remplace un mode de vie sain et une alimentation saine: ces dernières restent évidemment indispensables à une bonne santé. Il est de plus toujours recommandé de consulter des professionnels de la santé avant d'apporter des changements à votre régime alimentaire, en particulier en cas de problèmes de santé.

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