Un millier de décès par an
Comment reconnaître les idées suicidaires chez un proche?

Le 10 septembre est la journée mondiale de prévention du suicide. Un sujet encore largement tabou, ce qui rend la prévention difficile. Une experte nous explique comment reconnaître les signes avant-coureurs et prendre soin d’un proche qui va mal.
Publié: 10.09.2024 à 10:14 heures
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Margaux BaralonJournaliste Blick

C’est un chiffre à la baisse, mais toujours effarant. Chaque année, en Suisse, environ un millier de personnes se suicident. Cela reste même la première cause de mortalité chez les 15-29 ans, selon l’association STOP SUICIDE, qui a pour mission de sensibiliser sur ce thème.

L’organisme est d’ailleurs né à il y a 24 ans, à la suite d’une marche silencieuse d’étudiants touchés par le suicide d’un camarade. En ce mardi 10 septembre, journée mondiale de prévention, et alors que l’association sort une nouvelle campagne, sa directrice Sophia Perez nous explique comment reconnaître un proche susceptible d’être sujet aux pensées suicidaires.

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Repérer les changements

Si les signaux d’alerte ne sont pas les mêmes pour tous, il est important de rester attentifs aux «changements de comportement généraux», explique Sophia Perez. «Que ce soit au niveau de l’humeur ou les changements physiques, qu’ils soient verbalisés ou non, ces changements peuvent indiquer que quelque chose ne va pas.» Ainsi, une personne naturellement réservée et solitaire qui reste à l’écart peut préférer ce mode de fonctionnement. Mais quelqu’un qui était très entouré et préfère soudainement rester seul, cela doit interpeller.

Les signaux ne sont pas identiques chez tous les individus, mais certains changements de comportement peuvent alerter les proches.
Photo: Shutterstock
Les ressources à votre disposition

Si vous ou un de vos proches êtes confrontés à de la souffrance psychique, voici des ressources susceptibles de vous aider:

Si vous ou un de vos proches êtes confrontés à de la souffrance psychique, voici des ressources susceptibles de vous aider:

Avec l’isolement vient aussi la perte d’intérêt. Un passionné de course à pied ne sort plus de chez lui ? Cela peut être un signe. «Il est très difficile de mettre un seuil au-delà duquel s’inquiéter», reconnaît Sophia Perez. «Mais la base, ce sont les changements.»

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Surveiller le sommeil et l’alimentation

Autre signe qui peut traduire un mal-être: le sommeil. «On a tendance à l’oublier car il est assez courant de dire qu’on a mal dormi la nuit dernière. Mais il est important de se demander si c’est relié à un stress ponctuel, comme des examens, ou si c’est quelque chose qui perdure», souligne la directrice de STOP SUICIDE.

L’experte rappelle aussi qu’à l’autre extrémité du spectre, l’hypersomnie peut également être liée à la dépression. «Un état d’aphasie, le fait de ne pas avoir d’énergie et de dormir beaucoup», sont des signaux à prendre en compte autant que les insomnies. De la même manière, les grandes pertes ou prises de poids sont à surveiller, tout comme la prise excessive de substance telles que la drogue ou l’alcool.

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Surveiller les facteurs de risque

Le décès d’un proche, un divorce, un déménagement…nombre d’étapes de vie sont susceptibles de perturber quelqu’un. Ces événements douloureux peuvent provoquer un mal-être, voire une dépression, et engendrer des pensées suicidaires. STOP SUICIDE recommande d’être particulièrement attentif aux proches ayant récemment connu une séparation, évoluant dans un cadre familial complexe ou subissant des discriminations ou une situation de harcèlement.

Cependant, Sophia Perez rappelle que les signaux sont parfois difficiles à capter. «On peut interpréter chacun la même situation avec une paire de lunettes différentes. Une personne ayant des pensées suicidaires peut envoyer des signaux qui ne seront pas vus de cette manière par ses proches.» La directrice de STOP SUICIDE appelle dont à «déculpabiliser»…mais surtout à communiquer.

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Oser poser la question

Cela passe par des questions pour comprendre les changements. Le passionné de course à pied a raccroché ses baskets? On peut lui demander pourquoi, s’il s’est blessé ou trouvé une autre activité. Votre ami vous parle de ses insomnies? Tentez de savoir si elles ont une cause identifiée. «Les gens connaissent mieux leurs proches que les professionnels qui vont donner des conseils», poursuit Sophia Perez. «Il n’y a pas de baguette magique par rapport à la santé mentale et pour prendre soin des autres. En revanche, la bienveillance active, la communication, l’ouverture, c’est ça qui peut faire la différence.»

Plus généralement, la directrice de STOP SUICIDE appelle à se montrer «intéressé par l’autre et ne pas juste s’enfermer dans une vie qui va très vite où tout le monde est très occupé».

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Parler frontalement du suicide

Et communiquer, cela peut, voire doit, se faire franchement. «Il vaut mieux poser des questions alors que la personne en face n’a pas eu de pensées suicidaires plutôt que de ne pas les poser du tout», tranche Sophia Perez. Qui précise également que l’idée selon laquelle parler de suicide à quelqu’un qui n’y a jamais pensé pourrait le pousser à le faire est un mythe. «C’est totalement faux. À l’inverse, en parler a un gros effet de prévention.»

Besoin d’aide? Ne restez pas seuls!

Si vous vous inquiétez pour vous ou un-e de vos proches, contactez de manière confidentielle 24h/7j

147: La ligne d’aide pour les jeunes (147.ch)
143: La main tendue, ligne d’aide adultes (143.ch)
144: Les urgences médicales

Si vous vous inquiétez pour vous ou un-e de vos proches, contactez de manière confidentielle 24h/7j

147: La ligne d’aide pour les jeunes (147.ch)
143: La main tendue, ligne d’aide adultes (143.ch)
144: Les urgences médicales

Oubliez donc les périphrases et les euphémismes. Abandonnez les «idées noires» pour préférer la réalité: les pensées suicidaires. «Le processus suicidaire est très ambivalent. D’un coup, on peut avoir des pensées suicidaires. Puis, ne plus en avoir», décrit Sophia Perez. «Cela peut s’accompagner d’une forme de honte, ce qui fait qu’on n’en parle pas, qu’on s’isole et qu’on entre dans un cercle vicieux dont il est difficile de sortir. Oser dire ‘je ressens que ça ne va pas, je m’inquiète pour toi et me demande si tu as des pensées suicidaires’, c’est tendre une perche. Montrer que ce n’est pas tabou et qu’on ne va pas juger.»

Car aujourd’hui encore, le tabou est toujours très fort. «On parle beaucoup plus de santé mentale mais pas toujours de suicide. Le mot lui-même fait peur», note la directrice de STOP SUICIDE. L’employer, «cela ouvre la première porte pour casser le cercle vicieux». En face, la personne qui a des pensées suicidaires «se dit qu’elle ne sera prise ni pour une folle, ni pour une lâche, ni pour une égoïste».

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Reconnaître ses limites et orienter

Que faire ensuite si le dialogue est ouvert? Si un proche reconnaît avoir des pensées suicidaires, il est important de la rediriger vers les ressources appropriées. Trois numéros sont à connaître: le 147, qui est une ligne d’aide à destination des jeunes, tenue par des conseillers 24h/24 et 7j/7 ; le 143, son équivalent pour les adultes, et le 144, qui correspond aux urgences médicales. «Les proches peuvent aussi appeler le 147 et le 143 pour avoir des conseils», complète Sophia Perez. Ces derniers, qui ne sont parfois pas assez outillés pour porter assistance à la personne sujette à des idées suicidaires, doivent respecter leurs propres limites.

La directrice de STOP SUICIDE recommande de prendre soin de sa santé mentale comme on le ferait de sa santé physique. «Si on se blesse, on va voir des spécialistes». En l’occurrence, des psychologues, psychothérapeutes ou psychiatres, en fonction des besoins. «Il peut arriver que cela ne fonctionne pas, dans ce cas il ne faut pas hésiter à changer de thérapeute», rappelle Sophia Perez.

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