Une experte nous éclaire
Comment réagir quand mon enfant se met à dire des gros mots?

Quand les plus jeunes se mettent à employer des jurons dans leur langage quotidien, les adultes peuvent se sentir désemparés ou inquiets. Voici plusieurs conseils d'une professionnelle pour bien gérer cette situation courante.
Publié: 25.07.2024 à 17:28 heures
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Jonas Dreyfus

Nos enfants les ont forcément entendues, ces injures qu'on ne peut pas toujours s'empêcher de scander, quand la voiture devant nous n'avance pas ou qu'on prend soudainement connaissance d'une nouvelle très pénible... Et à chaque fois qu'ils vocifèrent ces mêmes ces jurons, tels de petits perroquets très loquaces, les parents sursautent et culpabilisent, se demandant ce qu'ils ont bien pu faire pour créer une telle situation. 

Est-ce par ma faute? Ai-je trop souvent perdu mon sang-froid? Mon enfant si pur et si innocent est-il entouré de personnes qui ne veillent pas au choix des mots qu'elles emploient? Pour mettre un terme à ce genre de spirale d'inquiétude et dédramatiser la situation, la conseillère en psychologie du développement Katja Stäheli propose quelques pistes de réflexion.

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Inventer un mot de remplacement

«Si les enfants répètent les gros mots et les insultes, ils les ont forcément entendus dans la bouche de quelqu'un», commente l'experte. Ainsi, il n'est pas utile de leur répéter que «cela ne se dit pas», puisqu'il s'agit d'un propos complètement contradictoire. «Les enfants doivent apprendre à réguler leurs sentiments et, pour qu'ils y parviennent, il faut discuter avec eux de leurs besoins et de leurs sentiments, sans essayer d'étouffer les comportements émotionnels.»

Mots de remplacement, discussions, «boîte à gros mos»... Une experte aide les parents désemparés à bien réagir.
Photo: Getty Images

Lorsqu'un enfant utilise toujours un certain juron ou une même insulte, on peut notamment essayer de remplacer ces termes vulgaires par un mot imaginaire, qu'on aura imaginé en collaboration avec l'enfant: «Celui-ci peut ainsi s'exprimer sans risquer de se heurter au contexte social», indique notre intervenante. 

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Réagir aussi calmement que possible

Selon Katja Stäheli, lorsque les enfants jurent par mécontentement ou traitent un parent d'idiot, par exemple, il ne faut en aucun cas le prendre personnellement: «Les enfants nous aiment toujours, même lorsqu'ils sont en colère», souligne-t-elle. Ainsi, plutôt que de réagir de manière offensée, on peut par exemple dire à l'enfant: «Je vois que tu as le visage un peu rouge, tu sembles en colère. Peux-tu m'expliquer pourquoi?» 

Dans le cas où les plus jeunes répètent simplement un juron qu'ils ont entendu, sans en comprendre le sens, l'experte conseille de répondre calmement, sans céder à la panique, en essayant de les distraire («regarde ce bel arbre!»). D'une manière générale, il est important de garder à l'esprit qu'ils ne saisissent pas encore vraiment la notion de moralité: «Ils ne considèrent pas les jurons comme quelque chose de négatif, mais d'un outil qui leur permet de déclencher une réaction chez les personnes qui les entourent. Moins cette réaction est forte, moins le juron leur paraîtra intéressant.» 

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Clarifier le sens des jurons utilisés

Pour les enfants plus âgés, il arrive un moment où les parents devront forcément expliquer ce que signifient certains gros mots: «Si je fais comprendre à un enfant en classe de primaire que l'expression qu'il utilise implique, par exemple, des relations sexuelles, il trouvera probablement cela choquant. Ainsi, une fois leur sens clarifié, ces phrases perdent de leur attrait.» 

Par ailleurs, lorsque des adolescents vocifèrent des propos offensants à leurs parents ou à propos de groupes de personnes qu'ils rencontrent dans l'espace public, Katja Stäheli conseille d'insister sur la manière par laquelle cela est perçu par le destinataire. On peut notamment utiliser une phrase comme «Je trouve que ce que tu es dit est vraiment insultant.» Dans les cas où la situation provoque de fortes émotions et qu'on ne se sent pas capable de réagir dans l'immédiat, l'experte rappelle qu'il vaut mieux en discuter plus tard, une fois que tout le monde sera plus calme. 

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Éviter les «boîtes à gros mots»

Certaines familles décident de placer dans le domicile un petit récipient, comme une boîte ou un bocal, dans lequel les enfants doivent déposer une petite somme de leur argent de poche à chaque fois qu'ils utilisent des gros mots. Or, Katja Stäheli ne recommande pas ce concept.

«Je ne pense pas que de tels systèmes de punition soient judicieux, estime-t-elle. À mon sens, ils ne contribuent pas à ce que les enfants comprennent pourquoi leur comportement est inapproprié.» Pour l'experte, dès qu'on utilise l'argent de la «boîte à gros mots» pour financer un repas ou une excursion en famille, le système de punition se transforme en système de récompense: «J'ai moi-même eu recours à ce type de stratégie avec mes enfants, mais j'ai vite remarqué qu'ils commençaient à jurer exprès pour que nous ayons rapidement assez d'argent dans la boîte pour une activité amusante.»

Plutôt que de mettre en place une telle stratégie, notre intervenante préconise la discussion, soulignant qu'il est plus important de parler lorsque quelque chose ne fonctionne pas, afin d'essayer de trouver une solution en famille. 

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Contextualiser les jurons des adultes

Le plus souvent, les enfants découvrent des gros mots via leurs parents. Si, en voiture par exemple, un mot injurieux nous échappe, Katja Stäheli propose d'expliquer que ce mot nous a échappé, qu'on ne l'a pas fait exprès, qu'on n'aurait pas dû le dire, mais que cela peut arriver, par accident. 

Cependant, si une personne de votre entourage utilise fréquemment un langage vulgaire, il convient d'en discuter avec l'enfant: «Tu as remarqué? Il dit souvent ce gros mot, n'est-ce pas?» Pour notre experte, cela peut donner lieu à une discussion au cours de laquelle on peut tenter d'identifier les raisons pour lesquelles cette personne parle ainsi. Trouve-t-il simplement que beaucoup de choses sont «stupides» ou est-il en colère à cause d'un élément précis? «Je pense qu'on peut aussi en parler frontalement avec la personne et lui rappeler qu'il y a 'des oreilles d'enfants ici', estime Katja Stäheli. Il est normal d'exiger que notre entourage fasse preuve d'un minimum de sensibilité et de respect, en présence des plus jeunes.» 

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