Des pâtes sciences tomate
Comment cuire vos pâtes (grâce à la science)

À première vue, cuire ses pâtes est un jeu d'enfant. Oui, sauf que les erreurs en cuisines sont encore trop fréquentes et ce, pour le plus grand malheur de toute l'Italie. Voici donc quelques savoirs basiques afin de faire les choses dans les règles de l'art.
Publié: 28.08.2022 à 18:25 heures
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Dernière mise à jour: 29.08.2022 à 10:00 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Ah le plat de pâtes, un mets en apparence simple, mais qui en fait, demande un certain savoir-faire. Parce que je les vois, celles et ceux qui blasphèment la gastronomie italienne. Il y en a même qui jettent un pauvre petit spaghetto sur le mur pour voir s'il est cuit. Non mais franchement, vous vous êtes vus?

Les pâtes, c'est la vie. Tout le monde en cuisine, tout le monde se les approprie, c'est magnifique, sauf quand cela dégénère en insulte culinaire. Vous vous souvenez de cet article épique de Slate qui s'était attaqué au massacre de la carbonara par les Français, qui parfois foutaient des cornichons, des olives voire des quenelles dedans? On est passé à deux doigts d'un incident diplomatique!

Sans aller jusque là, j'ai observé que pour faire quelque chose d'aussi simple et agréable que de faire cuire des pâtes, c'était du grand n'importe quoi. Bon, en même temps, c'est logique. Les pâtes, c'est un peu le plat d'étudiant par excellence ou le premier truc qu'on apprend à cuisiner en pensant que si c'est pas cher et rapide, forcément c'est facile. Balivernes!

Cuisiner ses pâtes correctement, c'est tout un art.
Photo: Shutterstock
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Je vais donc vous faire une proposition que vous ne pourrez pas refuser: À l'aide du livre «En cuisine, toute les vérités sont bonnes à dire!» d'Arthur Le Caisne (Éd. Marabout) et d'autres sources rigoureuses, on va scientifiquement examiner ensemble les mythes sur les pâtes, les trucs complètement pétés que vous faites sans raison, et on vous donnera ensuite quelques astuces rationnelles pour cuisiner vos pâtes comme un maestro.

De l'huile: per che cosa?

Commençons donc par le commencement: les pâtes, ça cuit dans l'eau. Ça parait simple mais déjà, le grand n'importe quoi arrive. Parlons d'abord de l'huile, parce que j'en vois qui en versent dans l'eau de cuisson (en général de l'huile d'olive, sûrement en marmonnant une ineptie du style mamma mia, ça fait vachement Italien). Pourquoi? Pour «éviter que ça colle».

N'importe quoi. Contrairement à ce mythe tenace, ajouter de l'huile n'a aucun effet sur les pâtes collantes: tout au plus va-t-elle rendre les pâtes glissantes et empêcher une délicieuse sauce d'adhérer dessus! Vous pouvez d'ailleurs le vérifier simplement sur le site de Barilla, et à peu près sur tous les paquets: c'est écrit de plonger les pâtes «dans de l'eau salée», pas «huilée». Ça alors, toute l'info nécessaire est sous notre nez depuis le début, c'est fou non?!

Si vous voulez éviter les pâtes collantes, il y a moins stupide, plus simple et plus efficace: les mélanger avec ses petites mimines (enfin à l'aide d'une fourchette, on va pas se brûler non plus). Les pâtes collent lorsque leur amidon en surface se «gélatinise» au contact de l'eau chaude, un processus qui survient en début de cuisson. Concrètement, les grains d'amidon gonflent, et ils collent. Mais en continuant de les chauffer (quand les pâtes dépassent les 60°C, soit environ après deux minutes dans l'eau), les grains éclatent, et l'amidon se dissout dans l'eau.

Alors pour obtenir des pâtes qui ne collent jamais, c'est très simple: il suffit de les mélanger durant les deux premières minutes de cuisson, afin d'éviter qu'elles ne se touchent trop les unes et les autres. Donc on ne va part pas regarder un épisode de Koh Lanta: on reste devant sa casserole, on touille, on s'occupe de ses pâtes, on les respecte, elles le méritent.

Et pour en revenir à votre huile d'olive, si vous insistez, vous pouvez en verser un petit filet après cuisson (non, pas de l'huile d'avocat, d'arachide, ou de colza, bande de grands malades). Là, ça évitera de vous retrouver avec un gros bloc de pâtes sèches et collantes, tout en donnant une bonne saveur d'olive.

Le sel, per favore!

De l'eau et du sel, ça suffit, donc. Revenons justement sur le sel. C'est le seul ingrédient qui doit arriver dans votre casserole (oui alors, je ne vais même pas gaspiller un paragraphe pour les voyous qui osent mettre ce genre de mélange d'épices infâme dans leur eau, que la honte vous ronge sur 7281 générations).

Le sel, donc, c'est crucial. Évacuons une première légende urbaine: le sel ne fait pas bouillir l'eau plus ou moins vite. Avec 10 grammes de sel par litre d'eau, le point d'ébullition n'est abaissé que de 0,2%, alors bonne chance pour constater une différence, même avec un bon chronomètre.

Traditionnellement, on met du gros sel. Mais nous n'avons pas trouvé de preuve formelle que cela apporte un quelconque avantage par rapport à du sel fin, alors utilisez du sel, point.
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Et à quoi ça sert, ce sel? Et bien en pénétrant dans les pâtes, il va relever leur saveur, tout simplement, en jouant son rôle d'exhausteur de goût. Autre point relevé dans le livre d'Arthur Le Caisne: le sel limite la gélatinisation de l'amidon: donc vos pâtes auront moins tendance à coller, c'est tout bénéf'.

Pour récolter tous les bénéfices du sel, dix grammes par litre d'eau suffisent, et autant le mettre une fois l'ébullition atteinte: dans l'eau froide, les grains se déposeront au fond de la casserole et peuvent entrainer des traces et des «piqûres de corrosion», surtout si celle-ci est en inox.

La quantité d'acqua

On n'a pas encore parlé de la quantité d'eau à utiliser. Non, il n’y a pas besoin de mettre 4000 litres d’eau dans sa casserole pour faire cuire ses pâtes. N'en déplaise à la rédactrice du fameux article Slate cité plus haut, ça ne sert à rien et ce n'est pas hyper écolo. Je m'explique.

Tout d'abord, ce qui est super lorsqu’on fait un plat de pâtes, c’est qu’il y a toujours un moment où on marie l’eau de la cuisson à la sauce. Que voulez-vous, la gastronomie italienne, c’est avant tout: beaucoup d’amore! La raison pour laquelle on fait ce joyeux mélange: donner un peu de liant grâce à l’amidon qui s’est échappé des pâtes, comme on vous l'a expliqué.

Du coup, si vous avez mis beaucoup d’eau dans son récipient, l’amidon sera moins concentré. Résultat: vous aurez une sauce qui adhère moins et qui a perdu de son goût puisque vous l'avez diluée… Alors autant utiliser moins d'eau pour obtenir une solution amidonnée bien concentrée, parfaite pour lier la sauce.

En parlant d’amidon, par pitié, ne rincez jamais, JAMAIS, vos pâtes une fois cuites! Après les avoir égouttées, on les plonge dans la sauce, e basta! Elles refroidiront une fois dans l’assiette et c’est très bien comme ça. Non mais oh!

Éviter de mettre des litres d'eau dans sa casserole permet également de mieux contrôler la situation au moment de la cuisson. On a tous vécu ce moment de stress où l'eau débordait de partout parce qu'on avait été trop généreux. Alors, pour éviter d'avoir un geyser dans sa cuisine et de salir ses plaques, on opte pour la retenue. Une quantité suffisante pour recouvrir vos pâtes suffit amplement, comme on peut le lire sur «Serious Eats», qui a mené quelques expériences.

Si vous n'êtes toujours pas convaincus, pensez à la planète. Une casserole plus petite et moins remplie va chauffer plus vite, et revenir plus rapidement à température après y avoir plongé les pâtes. On utilise ainsi moins d'eau et moins d'électricité ou de gaz. Et ça mes amis, c'est super! Greta Thunberg serait fière de vous!

Évidemment, si vous choisissez des pâtes longues, vous devrez vous en tenir aux méthodes traditionnelles, soit travailler dans une grande casserole qui peut s'adapter à leur longueur.

Cuire ses spaghetti come un sole

Autre astuce de pro: le dépôt. Si la façon de jeter ses pâtes courtes dans l’eau n’a pas vraiment d’importance (tant que vous mélangez), il convient de faire bien attention en ce qui concerne les pâtes longues comme les spaghettis. Eh oui, le jeter de spaghetti dans l’eau, c’est tout un art qu’il faut absolument maîtriser. Voici la marche-à-suivre: tenir les spaghettis d’une main en leur centre, verticalement. Puis les déposer au fond en faisant une mini rotation du poignet de façon à imprimer une torsion au fagot de spaghettis, puis lâchez: les pâtes prennent une forme de soleil, c'est magnifique. Elles vont doucement s'enfoncer dans l'eau.

Voici à quoi doit ressembler votre casserole de spaghetti.
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De cette façon, les spaghetti se croisent, mais ne s'empilent pas, laissant alors l’eau passer entre eux. Si vous vous contentez de les mettre en bloc dans l’eau, les pâtes seront compactées et auront plus de chances de coller. Erk!

Quant aux impertinents qui partent du principe qu’il faut casser les spaghetti avant de les mettre dans la casserole, sachez qu'à chaque fois que vous faites ça, une mamma italienne pleure quelque part. Optez donc pour des pâtes courtes, bon sang!

La clé de la réussite: il tempo di cottura

Le saviez-vous, 80% du temps que les pâtes passent dans l’eau ne sert pas à la cuisson, mais à leur réhydratation (dans le cas de pâtes sèches, bien entendu). En fait, les pâtes mettent seulement une ou deux minutes à cuire une fois hydratées. C’est à la suite de cette constatation et après des myriades de tests que les fabricants de pâtes arrivent à un timing bien précis inscrit sur leurs emballages.

Les pappardelle de la marque De Cecco nécessitent 6 minutes de cuisson et les rigatoni 14.
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Une fois qu’on plonge ses pâtes dans l’eau bouillante salée, on enclenche son chrono et on respecte ce qui est noté sur la boîte. On peut à la rigueur les enlever une minute avant la fin du timing pour finir la cuisson dans la sauce.

Ce qu’on vise, c’est une pâte al dente, un peu plus ferme à l’intérieur. Je dis bien plus ferme et pas moins cuite. En effet, contrairement à l’idée reçue, les pâtes al dente ne sont pas moins cuites mais simplement moins hydratées.

C'est quand même plus malin que de salir vos murs en jetant vos pâtes dessus, non?

Allez, buon appetito!

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