La sauce star de l'été
Le pesto est-il meilleur au robot ou au pilon?

Tout l'été, Blick Food tente de répondre aux grandes interrogations scientifico-culinaires qui nous empêchent de dormir. Cette semaine, le point sur la terrible controverse à propos de la préparation du pesto.
Publié: 17.07.2022 à 12:54 heures
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Dernière mise à jour: 26.08.2022 à 11:41 heures
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Fabien GoubetJournaliste Blick

Il n'y a pas que le salage des steaks qui déchire le web: l'humble pesto aussi. Certains le préparent à la main, en pilonnant le basilic dans un mortier, tandis que pour d'autres c'est au robot, yolo. Et attention, le pesto, c'est du sérieux. Ce qui serait l'une des sauces les plus vendues au monde (quelle idée d'en acheter, me direz-vous) a même sa coupe du monde, organisée à Gênes en Italie. Gênes, forcément, car le fameux pesto alla genovese dans sa forme moderne y serait apparu en 1863 dans un livre de Giovanni Battista Ratto, La Cuciniera Genovese, un ouvrage considéré comme le premier livre sur la gastronomie de la Ligurie.

L'auteur y décrit la marche à suivre: «Prenez une gousse d'ail, du basilic ou à défaut de la marjolaine et du persil, du fromage hollandais et du parmesan râpés et mélangés avec des pignons et pilez le tout dans un mortier avec un peu de beurre jusqu'à ce qu'il soit réduit en pâte. Dissoudre ensuite avec beaucoup d'huile fine.»

D'après le père du pesto, les choses sont donc claires: c'est au pilon et puis c'est tout (et avec des pignons de pin, pendant qu'on y est). Mais puisque tout n'était pas forcément mieux avant, voilà que des séparatistes proclament qu'en plus d'être ô combien plus rapide à préparer, le pesto serait meilleur lorsque les feuilles de basilic sont hachées au robot…et ce quand bien même le mot pesto vient de l'italien pestare, qui signifie écraser. Alors?

Photo: Fabien Goubet

Pas les mêmes couleurs

En fait, personne n'a raison. Hachées ou écrasées, les feuilles de basilic donnent des résultats différents, chacune avec leurs avantages selon ce qu'on veut en faire.

Lors d'un entretien réalisé avec le physico-chimiste spécialiste du goût, le Français Hervé This, celui-ci m'a raconté une expérience qu'il avait réalisée à ce sujet au salon de l'agriculture il y a quelques années. Il avait préparé deux pestos, l'un au pilon et l'autre au mixeur. «La première différence qui sautait aux yeux, c'était la couleur, se souvient-il. Au mixeur, on obtient un vert printemps, tandis qu'au mortier on est plutôt sur un vert sapin.» Effectivement, dans un article consacré à ce sujet, le site Serious Eats a comparé les deux méthodes: au pilon, le vert du pesto est effectivement plus sombre.

En bouche, ce n'est pas non plus la même consistance, relève l'auteur de ce texte: «Le pesto au mortier et pilon avait des morceaux de basilic très fondants et de différentes tailles, à la texture douce, tendre et moelleuse. Quant au pesto au robot, il présentait beaucoup de morceaux uniformes, qu'on sentait cependant en bouche - ils étaient presque granuleux comparés à ceux obtenus au pilon.» Bref, le pesto au pilon est plus épais, tandis que l'autre s'avère plus liquide.

Hervé This complète par une différence fondamentale entre les deux recettes: «Il y a une attaque immédiate des saveurs de basilic avec le pesto préparé au mixeur, tandis qu'au mortier, c'est la longueur en bouche qui prime». Scientifiquement, ceci peut s'expliquer par le fait que les feuilles finement hachées par la lame du robot libèrent davantage de composés aromatiques. Quant au pilon, il écraserait efficacement les feuilles de basilic, ce qui aurait pour effet de «détruire complètement les membranes cellulaires, et de libérer un maximum de molécules tensioactives, qui aident à émulsionner la sauce», un peu comme prend une mayonnaise, peut-on lire sur le site spécialisé Je pense donc je cuis. Autrement dit, ce pesto est émulsionné et nécessite un peu plus de mâche, ce qui expliquerait la longueur en bouche.

Résumons. À ma droite, le pesto au pilon. Il est vert sapin, a une consistance épaisse, et une belle longueur en bouche. À ma gauche, le pesto au robot, vert plus clair, plus liquide et avec une attaque foudroyante de basilic. Plutôt que de lancer le combat, et si on signait l'armistice? Vous faites des pâtes? Privilégiez donc le pesto épais fait au pilon, qui accrochera bien vos spaghettis. Vous faites une salade caprese? Faites-le au robot pour obtenir une huile au basilic qui assaisonnera bien tomates et mozzarella. Et si vous ne pouvez pas vous décider, voici un conseil: «En mélangeant les deux, on obtient un pesto avec une belle couleur assez fraîche, une attaque franche et une longueur en bouche», m'a assuré Hervé This. Le meilleur des deux mondes.

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