Commentaire de Richard Werly
Les casseroles anti-Macron ne font qu'aggraver les fractures françaises

Hué mercredi 19 avril lors d'un déplacement en Alsace, Emmanuel Macron s'est retrouvé confronté à un concert de casseroles. Bis repetita sans doute ce jeudi dans le sud du pays.
Publié: 20.04.2023 à 14:36 heures
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Dernière mise à jour: 20.04.2023 à 15:44 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Connaissez-vous Ganges, une localité de l’Hérault située sur les contreforts des Cévennes? Sinon, alors, regardez les images en provenance de ce joli bourg touristique français, après l'escale d'Emmanuel Macron ce jeudi 20 avril pour y visiter l’école, y parler d’éducation et y annoncer une augmentation de 100 à 230 euros mensuels pour les enseignants.

Des casseroles. Des cris. Des Français décidés à tout faire pour gâcher la visite présidentielle. Un «ramdam» bruyant, pour bien montrer aux caméras que les colères engendrées par la réforme des retraites dominent aujourd’hui le pays. Tout faire, surtout, pour donner l’impression que ce président réélu le 24 avril 2022 est déjà en fin de mandat et qu’il ne pourra plus diriger la France sans reculer, voire lâcher prise, durant les quatre années prochaines de son mandat.

Les casseroles alsaciennes anti-Macron:

Le président français a promis de continuer à sillonner le pays et à «aller au contact» de ses compatriotes. Mais comment peut-il être audible dans ces conditions?
Photo: keystone-sda.ch
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Une imagerie très symbolique

L’imagerie des casseroles sur lesquelles les militants anti-réforme des retraites vont bruyamment taper sous le soleil, comme d’autres l’ont fait mercredi en Alsace, est évidemment très parlante et très symbolique. La France, pour faire simple, est aujourd’hui la «casserole» que Macron traîne derrière lui comme un boulet sur le plan international. Qui dit casserole dit aussi préoccupations alimentaires, dans un pays où le pouvoir d’achat est miné comme ailleurs par l’inflation, et où les prix du panier de la ménagère ont fait un bond de 15% depuis un an.

Taper sur une casserole, enfin, est à la portée de tous. L’ustensile n’est plus là pour faire cuire quoi que ce soit. Il ne nourrit pas, alors que les émissions sur les chefs de cuisine crèvent tous les jours l’audimat! On le transforme en tambour républicain. Avec, en complément, ce qu’il faut d’invectives et de provocations pour pimenter le menu antiprésidentiel!

Ce folklore contestataire, toujours susceptible de déborder en bataille rangée, n’a malheureusement rien de réjouissant. D’abord parce qu’il accrédite à la télévision, sur les réseaux sociaux et dans les têtes, à force d’images et de sons, l’idée d’un chef de l’État illégitime, dont la France entière ne voudrait plus. Ensuite parce qu’il incarne cette fièvre révolutionnaire non encadrée, diffuse, radicalisée, que les syndicats ont désormais de plus en plus de mal à contrôler.

Rendez-vous le 1er mai

Le 1er mai prochain, jour de la Fête du travail, ceux-ci espèrent reprendre la main pour une mobilisation massive, prélude ou non à de futures négociations avec le président qui a ouvert la porte dans son allocution télévisée du 17 avril.

Mais l’heure n’est plus, on le voit bien, aux grèves programmées et aux marches bien organisées. La lassitude s’est installée. L’usure a fait son œuvre. Même Laurent Berger, le patron de la CFDT, vient d’annoncer qu’il tournera bientôt la page et cédera sa place en juin.

L’entêtement du locataire de l’Élysée, puis la promulgation de la loi sur les retraites en pleine nuit, à 3h48 du matin, ont creusé un fossé de plus en plus infranchissable. Les opposants aux 64 ans rêvent d’une insurrection anti-Macron. Les casseroles sont leur cri de ralliement.

Le «Top Chef» gouvernemental est un bide

Tout cela est très français. Soit. Mais tout cela est surtout très triste. Car ce tintamarre dit combien la cuisine hexagonale est vide d’ingrédients et de recettes. Le «Top Chef» gouvernemental est un bide. Les plats concoctés par l’Élysée ne font plus envie. La table n’est plus bien mise. Les assiettes sont cassées. Les serveurs ne font plus leur boulot. Voilà le drame.

Les casseroles sont la caisse de résonance d’une France où l’art de cuisiner ensemble est en train de disparaître. Logique. Emmanuel Macron est le président de la génération qui se fait livrer la nourriture à domicile. Son idée de la «fastpolitique» a dégoûté une partie du pays de ses rêves collectifs. Tandis que le «fastfood» l’emporte dans les estomacs d’une grande partie de ses compatriotes.

«C’est pas des casseroles qui feront avancer la France»:

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Le grand ratage de la présidence Macron est là. Avoir suscité de l’appétit dans une grande partie de l’électorat, puis avoir oublié au passage qu’un bon restaurant est tout, sauf l’affaire de recettes vite expédiées et placées au four à micro-ondes du pouvoir, du buzz et des médias. Les bruyantes casseroles disent aussi l’échec à les remplir, à faire mijoter le pays à feu doux, puis à servir au plus grand nombre des plats de qualité.

Macron n’est pas le responsable de tous les maux

Faire de ce président le responsable de tous les maux français est ridicule. Ignorer les contraintes économiques et internationales est stupide. Ne pas reconnaître la vertu des créations d’emplois et la nécessité d’une attractivité retrouvée pour réindustrialiser le pays vire à l’absurdité égalitaire. Les Français eux-mêmes, fiers de leurs contradictions et empêtrés dans leurs rêves d’un dirigeant providentiel, toxicomanes aux dépenses publiques, habitués depuis des décennies à un taux élevé de chômage, sont tout, sauf des modèles de vertu démocratique.

N’empêche: Emmanuel Macron avait su, en 2017, remplir leur cuisine politique d’ingrédients frais et prometteurs. Les casseroles chauffaient. Six ans après, une solide proportion de ses concitoyens ne voit plus dans ses placards que des conserves, des formules vagues et de plats préparés dont ils n’ont pas envie. Le président a raison d’affirmer que «les casseroles ne font pas avancer la France». Mais il a tort en niant que l’indigestion, dans une partie du pays, s’est aujourd’hui ajoutée au ras-le-bol. Or l’on sait, dans la vraie vie, comment ce genre de malaise peut finir.

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