La réforme des retraites n'a pas été rejetée
Pour se réconcilier avec les Français, Macron n'a pas de plan

Le Conseil constitutionnel n'a pas rejeté le projet de réforme des retraites du gouvernement français. Il en a censuré six dispositions. Il a dit non, en revanche, au projet de référendum.
Publié: 14.04.2023 à 19:45 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Victoire aux points pour Emmanuel Macron et pour le gouvernement d’Élisabeth Borne. Pourquoi aux points? Parce que la réforme des retraites avalisée ce vendredi 14 avril par le Conseil constitutionnel restera comme une blessure législative.

Six dispositions ont été rejetées par les neuf juges du Conseil. La plus importante, à savoir le report de l’âge légal de départ de 26 ans à 64 ans d’ici à 2030, est en revanche entérinée. La procédure d’urgence parlementaire utilisée pour faire adopter ce projet de loi en 50 jours a aussi été avalisée. À l’inverse, la proposition d’organiser sur ce sujet des retraites un référendum d’initiative partagée (RIP) est rejetée.

Le président français a donc eu raison de rester droit dans ses bottes. Cette réforme, qu’il estime indispensable pour éviter un accroissement du déficit budgétaire et obliger ses compatriotes à travailler plus longtemps, va pouvoir entrer en vigueur d’ici à l’été. Les Français nés en 1963 seront les premiers touchés par ces nouvelles dispositions.

Dans Paris ce vendredi 14 avril, des manifestants anti-réforme ont attendu toute la journée la décision du Conseil constitutionnel
Photo: DUKAS
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Vue de l’étranger, la bataille sociale française et les images du jour, montrant à Paris des policiers barrant l’accès du Conseil constitutionnel, semblent ahurissantes. Quatre mois presque entièrement consacrés à cette question des retraites, pour parvenir à un âge de 64 ans inférieur à celui en vigueur dans tous les pays voisins de la France. Quatre mois durant lesquels toute une partie de la population a refusé d’entendre les arguments économiques et démographiques en faveur de la réforme. Quatre mois de face-à-face entre les syndicats unis et Emmanuel Macron, qui a proposé de recevoir leurs représentants dès ce mardi 18 avril.

Macron l’a emporté

Oui, Emmanuel Macron l’a emporté. Il n’a pas tordu le bras à la Constitution. Il a démontré, avec son lot de casse urbaine, que le pays peut être réformé. Mais le bilan de ces semaines de grèves, de manifestations et de colères ne va malheureusement pas être effacé par la décision des juges constitutionnels. Le pays est plus fracturé qu’il y a un an, lorsque l’actuel président était réélu pour un second mandat avec 58,5%.

Les Français viennent de se voir refuser à nouveau un référendum, alors qu’ils étaient 74% prêts à signer l’initiative pour soumettre les 64 ans au verdict des urnes. Les syndicats, pourtant peu représentatifs en France, ont retrouvé une légitimité. Le risque d’embuscade sociale dans les raffineries, les gares, bref, partout où cela peut bloquer, est loin d’avoir disparu. Le gouvernement n’a toujours pas de majorité solide à l’Assemblée nationale. La Première ministre est très affaiblie. La radicalité a progressé, à droite comme à gauche. Difficile pour ce pays, dans ces conditions, de ne pas rester coincé dans l’interminable tunnel des colères et des ressentiments.

Un homme toujours plus seul

Le président français vient surtout d’être renvoyé par les neuf juges constitutionnels à ce qu’il est: un homme toujours seul. De plus en plus seul. Son diagnostic économique et productif de la France a beau être assez juste, sa capacité à emporter l’adhésion est nulle. Chacune de ses initiatives, y compris sur le plan diplomatique comme récemment à propos de l’autonomie stratégique européenne, allume de nouveaux incendies qu’il faut ensuite éteindre.

Plus grave: tout indique que pour calmer le jeu social, Emmanuel Macron devra à nouveau faire des chèques, par exemple pour augmenter les salaires. Les finances publiques, dans une France endettée à hauteur de 3000 milliards d’euros, ne sont donc pas du tout sécurisées.

Le débat autour des retraites en France doit être bien analysé. Les Français disaient, depuis le début de cette crise, que la réforme serait adoptée, même si deux tiers étaient contre. Telle est la morale de cette bataille sociale. Emmanuel Macron a du courage politique. Il ne lâche pas. Il prend son risque. Il dispose des instruments constitutionnels pour imposer d’ultimes changements. Il ne cède pas devant les violences urbaines que l'on risque à nouveau de voir à l'œuvre ce week-end. Mais il est isolé, caricaturé, vilipendé. Il a découragé ses éventuels alliés. Il n’a pas de plan, ni d’envie de réconcilier les Français. Il brutalise le centre et alimente les extrêmes, de gauche et de droite. Il regarde déjà au-delà de son second quinquennat, préparant sans doute son avenir personnel.

Le problème d’un mandat à peine commencé

Grave? Oui. Car il y a un problème: son second mandat, entamé le 24 avril 2022, ne fait que commencer. Croire qu’un pays aussi inflammable (et peut-être ingouvernable) que la France peut avancer «à marche forcée» pendant quatre ans sans retrouver un minimum de consensus revient à discréditer la pratique du pouvoir politique. Et donc à en ruiner le respect et l’efficacité.

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