Son discours aux Pays-Bas a été interrompu
La guérilla anti-Macron, l'autre contestation de la réforme des retraites

Une poignée d'étudiants ont chahuté Emmanuel Macron à l'université Nexus de La Haye (PB), mardi 11 avril. Rien de grave. Mais au sein de la jeunesse étudiante, ces actions de guérilla politique sont très soutenues.
Publié: 12.04.2023 à 11:23 heures
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Dernière mise à jour: 12.04.2023 à 11:29 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Une banderole accusatrice qui tombe des sièges d’orchestre et du chahut pour interrompre l’entrée en scène d’Emmanuel Macron. Mardi 11 avril, le spectacle donné par une poignée d’étudiants à l’Institut Nexus de La Haye, lors du discours du président français sur la souveraineté européenne, a illustré ce qui risque de se passer si la réforme des retraites controversée devait être entérinée cette semaine: une guérilla politique menée notamment par des jeunes, au nom de la cause climatique et de l’égalité sociale, pour déstabiliser un chef de l’État dont l’un des atouts reste sa crédibilité internationale.

«Macron, president of violence and hypocrisy» (président de la violence et de l'hypocrisie) pouvait-on lire mardi sur la banderole déroulée au-dessus de la tête du locataire de l’Élysée. Lequel a réagi calmement, sollicitant la parole pour répondre à ces accusations logiques «en démocratie».

Une poignée d’étudiants responsables

L’interruption de la prise de parole européenne d’Emmanuel Macron n’est, en soi, pas un événement. Les responsables, dont une poignée d’étudiants français présents aux Pays-Bas, ont d’ailleurs été évacués sans violence et la visite d’État de l’intéressé se poursuit ce mercredi dans le royaume.

Emmanuel Macron a réaffirmé ses arguments en faveur d'une souveraineté européenne, mardi 11 avril à La Haye
Photo: AFP
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Sauf que la menace plane. Ce vendredi 14 avril, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur le projet de loi dont le président a réaffirmé mardi la nécessité, au nom de la compétitivité sans laquelle l’Europe ne pourra jamais assumer sa souveraineté économique et industrielle. Ce jeudi 13 avril, une douzième journée d’action et de grèves pour s’opposer au report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans (au lieu de 62 actuellement) va avoir lieu.

Peut-on croire que tout va se calmer ensuite, si les juges constitutionnels valident le texte législatif, alors que Laurent Berger, le patron du syndicat réformiste CFDT, estime que cela constituerait «une victoire à la Pyrrhus lourde de conséquences» et que la promulgation du texte ne ferait «que des perdants»? Et alors que, selon les sondages, 80% des moins de 35 ans sont opposés à cette réforme qui impactera tous les Français nés à partir de 1965?

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La réponse est probablement non. Difficile, voire impossible, d’imaginer, après le verdict constitutionnel, un pays apaisé. Surtout si le Conseil, saisi aussi d’une initiative référendaire présentée par la gauche, donne le feu vert à un futur Référendum d’initiative partagée sur les retraites, aux termes de l’article 11 de la Constitution.

Le quotidien de gauche «Libération» a pointé, en mars, le risque d’une révolte latente et durable d’une partie de la jeunesse, surtout du côté des étudiants mobilisés par la gauche radicale et les mouvements écologistes: «L’utilisation par le gouvernement du 49.3 a réveillé chez eux ce sentiment d’injustice démocratique, sujet toujours, et c’est heureux, très sensible pour cette génération. Second facteur qui contribue à mobiliser les jeunes: les violences policières. Ce qui s’est passé à Sainte-Soline (où ont eu lieu de graves affrontements entre la police et les opposants aux bassines agricoles) n’a pu que crisper davantage les choses et créer de l’amertume parmi les jeunes manifestants: à cet âge, la participation à un tel mouvement social relève parfois du rituel, en tout cas d’un apprentissage civique et démocratique. […] cette jeunesse-là préférera toujours le parti du désordre à celui de l’ordre.»

Giflé dans la Drôme

On se souvient que le 8 juin 2021, le président français avait été giflé dans la Drôme, lors d’un déplacement. L’auteur de cette gifle a d’ailleurs passé trois mois derrière les barreaux, après avoir été condamné dans la foulée à 18 mois de prison, dont quatre fermes. L’on sait aussi qu’une quinquagénaire, ancienne «Gilet Jaune», a été, le 29 mars dernier, interpellée chez elle dans le Pas-de-Calais pour avoir traité Macron «d’ordure» et qu’elle devrait comparaître en juin pour «injure au président de la République».

Ces actes ne concernent pas des jeunes, et encore moins des étudiants. Mais ils témoignent des colères qu’une partie de la jeunesse peut logiquement être tentée de répercuter, s’estimant en plus davantage protégée par son âge. L’UNEF, le principal syndicat étudiant français très marqué à gauche, avait donné le ton au moment de la campagne présidentielle de 2022: «Macron, c’est les jeunes qu’il a décidé d’emmerder. Tout son quinquennat est fait de mesures antisociales, qui déterminent notre avenir en fonction de notre porte-monnaie. Le programme de ce gouvernement, c’est augmenter la ségrégation sociale.» Une déclaration qui résonne, à deux semaines du premier anniversaire de la réélection d’Emmanuel Macron le 24 avril 2022.

Résultat: de vives tensions dans les universités, où les étudiants qui ne s’associent pas au mouvement de contestation sont pris à partie. Disparus les «Jeunes avec Macron» qui constituèrent un sérieux atout électoral en 2017? «Le désenchantement est très fort, en particulier du côté des jeunes écologistes depuis que Macron a pris fait et cause pour le nucléaire», estime le politologue Frédéric Dabi, de l’Institut IFOP, alors que le chef de l’État a longtemps «surperformé» chez les moins de 35 ans, par opposition à Marine Le Pen.

La mise en place d’aides massives pour lutter contre la précarité étudiante durant la pandémie n’est pas mise au crédit du président. À Sciences-Po Lille, le climat est tendu depuis plusieurs semaines. «Chasse aux droitos, tags: la brutalité d’un groupe 'd’extrême gauche' y est à l’œuvre», titrait «L’Express» après la dénonciation par le directeur de l’établissement, Pierre Mathiot, d’une «police de la pensée».

Son inquiétude? Voir les universités prises en otage par de jeunes «soldats perdus du gauchisme». À La Haye, mardi, certains avaient choisi de se faire entendre aux Pays-Bas.

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