Erich Gysling, expert en sécurité, après l'attaque de l'Iran
«Israël a clairement provoqué les représailles»

C'est du jamais vu: l'Iran a mené une attaque militaire directe contre Israël. Netanyahu va-t-il répliquer? Le cas échéant, comment va-t-il s'y prendre? Des observateurs craignent que le conflit ne dérape, à l'instar de l'expert en sécurité Erich Gysling.
Publié: 15.04.2024 à 11:00 heures
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Dernière mise à jour: 15.04.2024 à 11:03 heures
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Myrte Müller

Qu'il s'agisse de tirs en provenance de Gaza, du Liban, de Syrie ou du Yémen, lorsque les sirènes retentissent, les citoyens israéliens font le plein de bouteilles d'eau et de denrées alimentaires non périssables. Ils se réfugient dans leurs bunkers avec leurs enfants et écoutent les détonations venant du ciel. Jusqu'à ce que la menace se dissipe.

Mais ce qui a tiré du lit la population israélienne ce dimanche à 01h54 heure locale ne s'était encore jamais produit sous cette forme. L'Iran a décidé d'attaquer Israël directement et avec force – pour la première fois en 45 ans d'histoire d'une féroce rivalité. La République islamique a franchi un palier en envoyant une pluie d'armes aériennes de haut technologie: 170 drones, 120 missiles balistiques et 30 missiles de croisière ont envahi le ciel israélien. Une stratégie qui n'est pas sans rappeler celle que la Russie emploie actuellement contre l'Ukraine.

Le Proche-Orient sera-t-il bientôt à feu et à sang?

«On entendait sans cesse des explosions lointaines, on voyait des lumières s'allumer et des bandes blanches fuser dans l'espace aérien», rapporte Nick Robertson depuis Jérusalem. Ce journaliste de CNN s'exprime en direct de Jérusalem, dans le cadre d'une émission spéciale consacrée à l'attaque. Le journaliste est catégorique: rien de tel ne s'était encore produit en Israël. Nombreux sont ceux qui se demandent si la conflagration tant redoutée est en train de se produire. Le Proche-Orient est-il sur le point de s'embraser pour de bon?

Les chasseurs israéliens F35 ont intercepté de nombreux missiles et drones iraniens dans la nuit de samedi à dimanche. Les intercepteurs américains, britanniques, français et jordaniens ont été tout aussi efficaces.
Photo: keystone-sda.ch
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Joe Biden s'est entretenu la nuit même au téléphone avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour lui faire part de son soutien, tout en refusant une riposte directe. Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni le soir même à New York. La présidente du G7 Giorgia Meloni a quant à elle réuni les sept plus grandes puissances économiques du monde pour une vidéoconférence en fin d'après-midi – une séance qui a débouché à un appel collectif à la «retenue». Tous craignent une escalade du conflit. Mais la réunion la plus importante a eu lieu à Tel Aviv à la mi-journée. Avec une question angoissante à l'ordre du jour: comment Israël compte réagir à l'attaque iranienne? L'Iran a certes sorti les griffes, mais il n'est pas parvenu à les planter dans sa proie comme il le souhaitait.

Car la riposte historique de l'Iran a échoué. 99% des missiles et des drones iraniens ont été soit interceptés par le Dôme de fer, le nom donné au super système de défense antimissile d'Israël, soit détruits par les intercepteurs israéliens, américains, britanniques, français et jordaniens avant même d'avoir pu franchir les limites territoriales du pays. Bilan de l'attaque: des débris ont blessé deux fillettes (7 et 10 ans) en Israël et la base israélienne de Nevatim a subi de légers dommages, selon Tsahal.

Représailles après l'attaque contre le consulat iranien en Syrie

Selon le chef d'état-major iranien Mohammad Bagheri, l'opération a été menée en réaction à l'attaque de Damas. Pour rappel, le 1er avril 2024, le consulat iranien dans la capitale syrienne avait été visé et deux généraux de brigade ainsi que cinq autres membres des Gardiens de la révolution iranienne avaient été tués. Pour l'Iran, le commanditaire était Israël. Pour le général Bagheri le centre des services secrets israéliens et la base de Nevatim ont d'ailleurs été ciblés pour une raison précise: l'attaque contre le bâtiment du consulat iranien aurait été planifiée dans le premier des deux endroits, et les avions de combat F-35 qui ayant bombardé le consulat à Damas seraient partis du second.

Mohammad Bagheri appelle désormais au calme, tout en proférant de nouvelles menaces. Selon lui, l'Iran n'a aucunement l'intention de poursuivre l'opération, «mais si le régime sioniste devait entreprendre une nouvelle action contre la République islamique d'Iran, notre prochaine intervention serait certainement plus forte que celle-ci», assure-t-il.

«La frappe de représailles a clairement été provoquée par Israël»

La balle est maintenant dans le camp d'Israël. Dimanche encore, l'armée israélienne a attaqué des cibles à l'est du Liban. Netanyahu et son cabinet de guerre vont-ils participer activement à l'escalade des tensions? D'aucun n'hésitent déjà pas à sortir les griffes «Si l'Iran attaque Israël, nous attaquerons en Iran. C'est toujours valable», a déclaré le ministre des Affaires étrangères Israël Katz à la chaîne de télévision de l'armée israélienne. Le ministre de la Sécurité d'ultra-droite Itamar Ben-Gvir a, lui, demandé sur la plate-forme en ligne X «une frappe destructrice contre l'Iran». Selon le ministre de la Défense Yoav Galant, il existe déjà des plans. Parmi eux figurerait notamment une attaque contre une installation nucléaire iranienne, rapporte Elaph News.

Pour l'expert suisse Erich Gysling, il n'est pas exclu que la situation dérape. «Après l'attaque contre le consulat, le chef de l'Etat iranien Ali Khamenei ne pouvait pas être considéré comme un perdant. Israël a clairement provoqué cette attaque de représailles», assure ce journaliste de longue date, spécialiste du Proche-Orient. Et d'ajouter: «Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête de Netanyahu.» Un incendie généralisé ne profiterait à personne. Ni à l'Occident, ni à la Chine, ni au monde arabe. «L'Arabie saoudite veut construire de nouvelles villes, les Emirats veulent développer le tourisme, la Chine veut développer sa route de la soie. Les Etats-Unis sont en pleine campagne électorale et n'ont pas besoin d'une nouvelle intervention militaire à l'étranger», explique Erich Gysling. «Même la Russie n'a aucun intérêt à une guerre au Proche-Orient», conclut-il. Est-ce qu'Israël et l'Iran trouveraient des soutiens en cas de conflit? Rien n'est moins sûr. 

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