La prostitution condamnée
La Suisse est un «État proxénète», dénonce une représentante de l'ONU

La rapporteuse spéciale de l'ONU sur la violence contre les femmes condamne officiellement la prostitution. Elle critique les pays qui la réglementent de manière souple, dont la Suisse, les qualifiant d'«États proxénètes».
Publié: 21.06.2024 à 18:00 heures
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Rebecca Wyss

La prostitution suscite de nombreux débats. Alors que certains veulent l'abolir et la criminaliser, d'autres mettent en garde contre cette idée. Ce vendredi, Reem Alsalem, la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la violence à l'égard des femmes et des filles, prend pour la première fois position. Elle présente à Genève son rapport annuel au Conseil des droits de l'homme de l'ONU et se montre très claire: «La prostitution entraîne (...) de multiples formes de violence à l'égard des femmes et des filles», écrit-elle. 

Elle critique en particulier l'approche adoptée par la Suisse, l'Allemagne et l'Autriche. Chez nous, la prostitution est légale. Elle est considérée comme un travail comme un autre. Les prostituées sont donc dans l'obligation d'obtenir un permis de travail et de payer des impôts. Cette approche a conduit à une «augmentation considérable des femmes étrangères» dans la prostitution, explique Reem Alsalem dans son rapport. Elle n'y va pas par quatre chemins: pour elle, des pays comme la Suisse sont des «États proxénètes». Ils profitent des impôts des prostituées, des maisons closes et des entreprises en ligne, dénonce-t-elle. 

Un système de violence

Pour régler cela, une revendication: les États doivent reconnaître la prostitution et la pornographie comme un système d'exploitation et de violence afin de créer le cadre juridique nécessaire à leur abolition. Le modèle suédois semble servir d'exemple: les États doivent criminaliser l'achat de sexe et créer des aides à la sortie pour les prostituées. Les clients doivent être punis ou empêchés d'acheter du sexe. En septembre 2023, le Parlement européen a exigé la même chose de ses Etats membres.

La rapporteuse spéciale des Nations unies, Reem Alsalem, condamne dans son rapport la prostitution en tant que violence contre les femmes et les filles.
Photo: Keystone
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En Suisse, le rapport de l'ONU divise les organisations concernées. Olivia Frei, directrice de l'association Frauenzentrale Zurich, déclare: «Nous sommes positivement surprises.» Il faut dire que le rapport de l'ONU arrive à la conclusion qu'elles défendent depuis des années: la loi suisse fournit la structure pour la violence envers les femmes. Olivia Frei affirme que les réglementations comme celles concernant les zones de prostitution ou les procédures d'autorisation donnent une fausse sécurité.

On estime que 2500 des 3500 prostituées de Zurich ne sont pas déclarées. La plupart d'entre elles viennent de l'étranger, sont touchées par la pauvreté et sont à la merci du marché. C'est pourquoi la Frauenzentrale Zürich s'engage depuis des années pour que le modèle suédois soit suivi. 

Crainte de la stigmatisation des prostituées

Du côté de ProCoRe en revanche, on se montre critique vis-à-vis du rapport. Le réseau national pour les droits des travailleuses du sexe estime qu'en assimilant leur activité à la violence et à la contrainte, il ignore les évaluations de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme et d'autres organes de l'ONU, écrit-il à la demande de Blick. «Pour cette raison, ProCoRe rejette le rapport et les exigences qu'il contient concernant l'interdiction de l'achat de services sexuels, les jugeant non fondés et dangereux.»

Pourquoi dangereux? La Coalition suisse pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe, dont font partie ProCoRe et d'autres organisations comme Amnesty Suisse et l'Aide Suisse contre le Sida, explique: les conditions et la santé des travailleuses du sexe se dégraderaient. La coalition demande notamment un droit de regard des femmes concernées sur les processus de décision politiques et administratifs qui concernent leur vie.

Jusqu'à présent, le modèle suédois n'a pas réussi à s'imposer en Suisse. En 2022, le Conseil national a rejeté une motion qui voulait l'introduire.

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