Les ordres d'évacuation créent le chaos à Gaza
«Partez immédiatement, l'armée israélienne va agir avec force»

A Gaza, les ordres d'évacuation israéliens sont presque quotidiens. Ces allers-retours créent chaos et détresse. Les Palestiniens sont épuisés d'être trimballés dans le territoire bombardé de toutes parts. De toute façon, «aucun endroit n'est sûr».
Publié: 23.08.2024 à 13:06 heures
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Dernière mise à jour: 23.08.2024 à 13:17 heures
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AFP Agence France-Presse

Les ordres d'évacuation sont désormais quasi-quotidiens. «Partez immédiatement, l'armée israélienne va agir avec force contre les terroristes.» Dans la bande de Gaza, fatigués de partir et repartir inlassablement, les déplacés palestiniens ne veulent plus bouger. De toute façon, «aucun endroit n'est sûr» répète l'ONU.

Durant les trois premières semaines d'août, l'armée a lancé onze ordres d'évacuation via des tracts largués par avion, des SMS ou les réseaux sociaux, enjoignant 250'000 Gazaouis à partir, soit 12% de la population du petit territoire dévasté par plus de dix mois de guerre entre Israël et le Hamas, selon l'ONU.

Aucun endroit sûr, des bombardements partout

«A chaque fois qu'on arrive quelque part, deux jours après, il y a un nouvel ordre d'évacuation, c'est pas une vie!», s'emporte Haitham Abdelaal, père de famille qui ne compte plus combien de fois il a dû fuir. Amneh Abou Daqqa, elle, ne bougera plus. «Pour aller où?», lâche cette Palestinienne de 45 ans, échouée avec ses cinq enfants dans le sud du territoire assiégé par Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, la population est contrainte d'évacuer des zones bombardées par Israël.
Photo: AFP
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«Je suis à la rue, littéralement. Je ne sais même pas où j'irai»
Amneh Abou Daqqa, Palestinienne de 45 ans
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«Je suis à la rue, littéralement. Je n'ai pas 500 shekels (environ 120 euros) pour louer une carriole tirée par un âne. Et je ne sais même pas où j'irai», poursuit-elle en larmes, au milieu de familles qui essayent de se trouver une place sous une tente ou à même l'asphalte ou le sable du bord de mer. «Il n'y aucun endroit sûr, il y a des bombardements partout», ajoute la mère de famille. Elle qui n'a plus avec elle que ses enfants, les vêtements que tous portent sur le dos et une immense tristesse qui lui creuse le visage.

Des ordres contradictoires

A plusieurs reprises, ces ordres d'évacuation se sont révélés contradictoires ou présentant des zones dangereuses comme sûres. Ils compliquent aussi la tâche des humanitaires alors que l'aide entre au compte-gouttes à Gaza dont tous les terminaux sont tenus par Israël.

Les ordres donnés mercredi, par exemple, visent entre autres «80 camps de fortune et quatre centres d'infrastructures d'accueil dont deux de l'Unrwa», l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, ainsi que «des bureaux et des hangars de stockage de l'ONU et d'ONG», détaille le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).

S'ils sont suivis, poursuit-il, ils priveront les déplacés de «trois puits, qui garantissaient chaque jour deux millions de litres d'eau à des dizaines de milliers de personnes» dans un territoire où, selon l'ONG Oxfam, la quantité d'eau disponible s'est effondrée de 94% à cause des destructions et du siège. Et, surtout, ces ordres barrent la route aux convois d'aides aux quelque 2,4 millions de Gazaouis, quasiment tous déplacés.

«On va où?»

D'un côté, des portions de la route Salaheddine, immense artère qui traverse Gaza du nord au sud, sont incluses dans ces ordres -donc l'armée va y mener bombardements et opérations terrestres. De l'autre, la route côtière, permettant de faire le même trajet et située plus à l'ouest, «n'est pas une alternative viable», affirme Ocha, puisqu'elle est «bondée de camps de déplacés de fortune».

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«Il ne nous reste plus qu'à nous jeter à la mer et à laisser les poissons nous dévorer»
Nirmane al-Bachniti, Gazaouie dans un camp
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Nirmane al-Bachniti vit dans l'un de ces camps. «Quand l'armée a pris la rue où on était, on a foncé vers la mer, on a abandonné notre tente et toutes nos affaires à l'intérieur», raconte-t-elle à l'AFP. «Maintenant on va où? Il ne nous reste plus qu'à nous jeter à la mer et à laisser les poissons nous dévorer.»

Jusqu'à 34'000 Gazaouis au km2

Au début de la guerre, déclenchée par une attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, l'armée avait annoncé avoir un plan pour les déplacés. Alors qu'elle avait ordonné de vider tout le nord du territoire, elle commençait à distribuer ses cartes – un quadrillage de zones numérotées couvrant l'ensemble du territoire – et annonçait une «zone humanitaire» à al-Mawassi.

Cette région du sud, connue pour ses plages de sable fin bordées de palmiers et ses champs luxuriants, n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était avant le 7 octobre. Alors, elle comptait 1200 habitants au kilomètre carré – un chiffre qui entrait déjà dans la catégorie des villes «densément peuplées» selon les critères d'Eurostat.

Aujourd'hui, la «zone humanitaire» d'al-Mawassi compte «entre 30'000 et 34'000 habitants par km2» et sa surface a été réduite par l'armée, passant entre le 22 juillet et le 21 août de 50 à 41 km2, selon l'ONU. Malgré tout, sur la plage noire de monde, de nouvelles carrioles et de nouvelles familles arrivent. Et là aussi, comme partout à Gaza, les gémissements des malades, les cris des déplacés excédés et les pleurs des enfants se mêlent au vrombissement entêtant des drones israéliens.

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