Même les conseillers les plus proches sont frustrés
«Zelensky se leurre, nous ne gagnerons pas»

Malgré les pronostics de triomphe et l'optimisme inébranlable du président Volodymyr Zelensky, l'Ukraine n'a pas encore remporté la victoire tant attendue sur la Russie. Le mécontentement interne grandit, mais Zelensky ne renonce pas.
Publié: 03.11.2023 à 17:59 heures
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Dernière mise à jour: 03.11.2023 à 18:01 heures
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Chiara Schlenz

La guerre en Ukraine dure depuis près de deux ans. La Russie contrôle toujours un cinquième du territoire ukrainien, et des dizaines de milliers de personnes ont été tuées des deux côtés.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, l'Ukraine a subi la pire attaque de missiles russes depuis le début de l'année. Le soutien mondial à la guerre s'amenuise. Une preuve de cette décroissance? La Première ministre italienne Giorgia Meloni, qui a déclaré à un plaisantin se faisant passer pour un chef d'Etat africain que de nombreuses personnes étaient «très fatiguées» à cause de la guerre en Ukraine. Le soutien de la Slovaquie diminue également.

Bref, la situation n'est pas bonne pour l'Ukraine, et le président ukrainien Volodymyr Zelensky le ressent. 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est-il trop optimiste quant à la guerre?
Photo: IMAGO/ZUMA Wire

«Nous ne gagnerons pas»

«Le plus effrayant, c'est que le monde s'est habitué à la guerre en Ukraine», déclare-t-il au magazine américain «Time», qui le suit depuis quelques mois. L'interview est parue cette semaine, et fait désormais le tour du monde. «L'épuisement dû à la guerre déferle comme une vague.» Mais il refuse d'abandonner, il ne le peut pas. «Personne ne croit autant que moi à notre victoire. Personne.»

Zelensky y tellement croit qu'aucune autre opinion n'est tolérée, comme le montre le rapport du «Time». «Il se fait des illusions», dit l'un de ses plus proches conseillers, frustré. «Nous n'avons plus d'options. Nous ne gagnerons pas. Mais essayez de lui dire ça.» L'entêtement de Zelensky sabote les efforts de ses propres hommes pour trouver une issue à cette guerre, explique le conseiller au magazine.

Il n'y a qu'une solution

Car pour le président ukrainien, il n'y a qu'une seule solution: se battre jusqu'au bout. Mais cela pourrait bientôt ne plus être possible. L'Ukraine a besoin d'armes, de munitions, d'argent... et l'Occident a du mal à tenir le rythme des livraisons. Un autre proche collaborateur de Zelensky déclare au magazine que même si les Etats-Unis et leurs alliés livrent toutes les armes promises, «nous n'avons pas les hommes pour les utiliser». L'âge de la conscription a déjà été relevé à 43 ans.

Le fait que d'importants conseillers de Zelensky parlent si ouvertement et négativement de lui et de ses projets montre la croissance du mécontentement. Le désespoir s'installe en Ukraine, non seulement dans les cercles du gouvernement, mais aussi au sein de la population. On doute de la victoire, mais aussi du président. Selon l'organisation de recherche non gouvernementale Rating, le soutien global à Zelensky est actuellement de 82%, alors qu'il était encore à 91% lors du dernier sondage. Même si ce chiffre reste très élevé, la perte de 9% d'approbation montre l'incertitude du peuple.

Cette insécurité pourrait encore s'accroître, comme l'écrivent les analystes du magazine «Foreign Affairs». En 2024, un nouveau parlement et un nouveau président seront élus. Et Zelensky aura de la concurrence en la personne de son ancien conseiller Oleksiy Arestovytch. «Le moment est venu pour moi de me présenter», écrit ce dernier sur Facebook mercredi. L'ex-conseiller s'est déjà fait remarquer à plusieurs reprises dans cette guerre par des déclarations douteuses. Mais avec sa candidature, il brise tous les tabous.

Négocier avec la Russie

L'ancier conseiller promet beaucoup de choses susceptibles d'être bien accueillies par la population lasse de la guerre. Une nouvelle stratégie sur le front, moins de mobilisation et une meilleure rotation du personnel militaire. S'il devenait président, explique-t-il, il négocierait avec la Russie. «Nous demandons l'adhésion à l'OTAN avec l'obligation de ne pas reconquérir militairement les territoires occupés au moment de l'adhésion, mais de ne viser leur retour que par des moyens politiques.» Un sujet qui n'aurait jamais pu être abordé il y a quelques mois. 

Zelensky ne s'est pas encore exprimé sur les propositions de son ancien confident, mais pour lui, elles ressemblent à une trahison de la patrie. Car une solution négociée n'entre pas en ligne de compte pour le président ukrainien, qui refuse catégoriquement même un cessez-le-feu temporaire. Il a déclaré au magazine «Time»: «L'idée des négociations rassurent peut-être celles et ceux, dans notre pays et à l'extérieur, qui veulent absolument mettre fin à la guerre.» Zelensky, lui, veut mener son pays à la victoire quel qu'en soit le prix.

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