Chronique de Jessica Jaccoud
Aux urgences, vous préférez une taxe de 50 francs ou payer les soignants?

La députée socialiste vaudoise Jessica Jaccoud, membre de notre équipe de chroniqueurs, aborde ici la crise dans le domaine de la santé. Et particulièrement les approches divergentes que défendent, pour y répondre, la droite et la gauche de l'échiquier politique.
Publié: 19.01.2023 à 13:29 heures
Jessica Jaccoud

«Les urgences suisses sont au bord de la faillite.» Vous avez sûrement été comme moi inquiets, pour ne pas dire choqués, d’apprendre la fermeture des urgences la nuit à Martigny. Sans doute, vous vous êtes demandés quel serait le prochain service hospitalier à devoir prendre cette difficile décision, ou si ce type de décision pourrait avoir un impact sur la santé de vos proches. À force de vanter la prospérité de la Suisse, ce genre de décision fait tache!

Manque de personnel qualifié et de reconnaissance de la profession, absence d’alternative à la médecine de premier recours, plusieurs éléments connus de longue date expliquent cette situation.

Qu’a fait le politique pour anticiper cette crise? Je vous propose une analyse sous le prisme de deux angles distincts: une solution de droite, et une solution de gauche.

Les services d'urgences, et plus généralement de soins, sont particulièrement sous pression en Suisse actuellement. Comment sortir de cette situation? Les approches divergent.
Photo: Keystone

La solution de droite

Commençons par la solution de droite. En 2017, le conseiller national Weibel, vert-libéral zurichois, a déposé une initiative (17.480) très simple: que chaque patient qui se rende aux urgences d'un hôpital doivent payer une taxe de 50 francs. Peu importe les raisons de sa venue ou du degré d’urgence. Peu importe le jour de la semaine, ou le salaire du patient. Peu importe que cette mesure éloigne des patients aux revenus modestes du système de soins. Peu importe que des personnes âgées ne soient pas soignées faute de moyen.

Après plusieurs mois de traitement, en septembre dernier, la majorité PLR, UDC, Vlib et le Centre a refusé d'enterrer cet objet soutenu par… les assureurs! Comme on les comprend! L'affaire est bonne pour eux, car il s'agirait en fait d'un simple transfert des coûts de l'assurance obligatoire des soins aux patients. Mon petit doigt me dit par ailleurs que les primes maladies continueraient quand même d’augmenter.

La solution de gauche

La gauche, elle, ne veut pas de ces taxes. Elle propose autre chose.

En effet, afin de répondre à la problématique du manque de personnel de soins, se pose la question de la manière dont on le rémunère. Il y a peu, on les applaudissait au balcon. Aujourd’hui, on leur refuse une amélioration substantielle de leurs conditions de travail. Alors même que ce point est fondamental!

Dans un article du «Temps», le coprésident de la Société suisse de médecine d’urgence ne dit pas autre chose: «Les jeunes médecins sont attirés par la quête de sens et des valeurs ainsi que par la qualité de vie au travail. Le salaire est important, car il faut reconnaître la valeur de ce travail (…) avec une charge de travail importante l’après-midi et le soir, du travail de nuit et durant les week-ends.» Cette prise de position rejoint par ailleurs celle du secteur infirmier.

Que fait la politique?

À nouveau, que fait le politique? Dans le canton de Vaud, j’ai déposé une motion afin que l’État finance une nouvelle revalorisation salariale du secteur sanitaire. La droite (PLR, UDC et V’Lib) n’en a pas voulu, alors que 65% des Vaudois avaient soutenu l'initiative populaire fédérale demandant des soins infirmiers forts. Dans la même veine, le gouvernement de droite vaudois (majorité PLR et Centre) a refusé, par radinerie, la pleine et entière indexation des employés de l’administration cantonale, qui inclut les 9000 collaboratrices et collaborateurs du CHUV.

Certains d’entre vous me considérerons peut-être naïve de penser qu’il faut « simplement » éviter les taxes, former plus de médecin, d’infirmiers, et mieux payer les acteurs et actrices du secteur sanitaire. Je suis bien consciente qu’il n’existe pas de formule magique. Nous devrons également trouver un moyen d’orienter, de manière plus soutenue, les jeunes médecins vers la médecine de premier recours plutôt que vers des spécialités très (trop) rémunératrices. Le financement de nos hôpitaux, trop axé sur une logique entrepreneuriale, doit aussi être repensé.

À gauche, nous défendons un modèle de société qui ne demande qu’à faire ses preuves. Et vous, électrices et électeurs, vous en êtes les premiers acteurs. En octobre de cette année, vous élirez vos représentants à Berne. Et à ce moment-là, je vous invite à vous souvenir des urgences fermées la nuit à Martigny.

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