Commentaire d'Amit Juillard
Plus personne ne déteste l'UDC

En marge de l'assemblée des déléguées et délégués de l'UDC aura lieu une manifestation non autorisée ce samedi à Genève. Slogan principal: «Tout le monde déteste l'UDC». C'est faux: plus personne ne déteste l'UDC. Et cette réalité annonce des temps sombres.
Publié: 18.03.2023 à 12:12 heures
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Dernière mise à jour: 18.03.2023 à 18:20 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Ce samedi, les déléguées et délégués de l’Union démocratique du centre (UDC) de toute la Suisse se réunissent à Genève en vue des élections fédérales d’octobre. Ce samedi aura lieu en parallèle une manifestation anti-UDC et non autorisée, organisée par la gauche radicale. Slogan principal: «Tout le monde déteste l’UDC». C’est faux. En réalité, plus personne ne déteste l’UDC.

Le parti conservateur et populiste a réussi un tour de force à faire pâlir Marine Le Pen: celui de la dédiabolisation. Lorsque l’un de ses candidats fribourgeois dit que l’UDC est devenu «un parti gouvernemental et respectable», plus personne ne s’étouffe.

Etouffés, les cris d’orfraie provoqués par l’accession au Conseil fédéral de Christoph Blocher en 2003. Depuis, le discours anti-immigration, anti-féministe, anti-avortement, anti-homo et anti-trans ou le soutien à l’abjecte théorie raciste et complotiste du grand remplacement sont devenus normaux. Tout le monde est anesthésié face à la haine. Plus personne ne veut voir les liaisons sulfureuses entre l’UDC et des néonazis, à Genève ou ailleurs. Plus personne n’a honte de dire: «Je vote UDC».

«Tout le monde déteste l'UDC»: des affiches et des tags appellent à la manifestation ce dimanche à Genève.
Photo: DR

Le discours anti-woke tue

Pire, avec sa campagne anti-woke — entendez, contre les minorités fascisantes qui mettent en péril la démocratie et veulent vous faire taire en vous imposant des toilettes non genrées… — l’UDC arrive à parler à l’unisson avec des humoristes, des dessinateurs, des journalistes et des politiques. Des boomers, qui répètent à qui veut bien l’entendre: «Moi, j’ai toujours été du côté des plus faibles, j’ai toujours été de gauche.»

De gauche, comme le journaliste et essayiste français Edwy Plenel, qui, lui, ose encore dire que c’est de la banalisation de ces «idéologies de l’inégalité naturelle» et des théories du complot que naissent les catastrophes et les régimes autoritaires. En Suisse alémanique, les laïus de l’UDC donnent des ailes d’aigle aux vrais fascistes de Junge Tat, toujours plus présents dans la rue pour soutenir la supériorité de l’homme bien blanc et bien hétéro. Ces logorrhées permettent aussi aux amis sonneurs de cloches et anti-vaccin d’Ueli Maurer, les Freiheitstrychler, de hurler leur sympathie pour le national-socialisme sur la Place fédérale.

Aux Etats-Unis, en Europe et dans la Russie de Vladimir Poutine, le discours anti-woke tue. Transportés par cette panique morale, des terroristes prennent leur voiture-bélier et leurs armes pour buter de l’antifa, du métèque, de la salope, du pédé ou du travelo. A la fin, ce sont toujours les mêmes qui crèvent.

Comment en est-on arrivé là? A qui la faute? A Donald Trump, qui a su faire déferler un tsunami réactionnaire et ravageur dans le monde entier. Au Parti libéral-radical (PLR), au Centre et à la droite traditionnelle, qui tendent si souvent la main à l’UDC par peur de mourir dans les urnes. A la gauche, qui a accepté sa présence dans l’arène politique et abandonné ce combat. A l’extrême gauche, qui ne sait pas être audible sur les thématiques de société. Aux médias, qui ont cessé de dire que l’UDC est d’extrême droite. Et à celles et ceux qui ne détestent plus l’UDC.

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