Des échecs récompensés?
Migros licencie dans tous les sens, mais ses cadres s'en tirent bien

Chez Migros, ni les emplois, ni les stratégies ne sont stables. Dans un contexte de restructuration et de licenciements, les cadres du géant orange s'en tirent plutôt bien.
Publié: 23.06.2024 à 13:53 heures
Thomas Schlittler

Chez Migros, les licenciements continuent de pleuvoir. Le PDG Mario Irminger a encore taillé dans le groupe à coups de hache ces dernières semaines. Même si le patron du géant orange assure qu'il n'y aura plus de suppressions d'emplois aussi importantes, il a annoncé la réduction de 500 postes mardi.

Après Hotelplan, Melectronics et SportX, dont la vente avait déjà été annoncée en février, Migros vient d'annoncer la séparation de Do it + Garden, Bike World et Micasa.

Et ce n'est pas tout: Mario Irminger et son nouveau chef de l'industrie Matthias Wunderlin ne laissent aucun répit non plus aux entreprises industrielles, qui font partie de l'ADN de Migros depuis l'époque de Gottlieb Duttweiler. Elles devront à l'avenir renoncer en grande partie aux activités d'exportation et de marque et se concentrer sur l'approvisionnement des supermarchés.

Hans-Ruedi Christen, longtemps chef de Chocolat Frey est récemment devenu directeur de Micarna.
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Des conséquences radicales

En Allemagne, Frey International et les marques de café en grains et moulu seront par exemple abandonnées. La vente de Mibelle vient s'y ajouter: Migros cherche de nouveaux propriétaires pour cette filiale de cosmétiques qui emploie 1600 personnes et réalise près de 70% de son chiffre d'affaires à l'étranger.

Ce changement de cap a des conséquences radicales: 255 emplois sont supprimés chez Delica, 45 chez Elsa, une entreprise de transformation du lait, et 65 dans l'administration de l'industrie Migros.

En se détournant de l'étranger, la nouvelle direction de Migros espère obtenir à l'avenir un meilleur prix de ses propres marques – une argumentation qui étonne: pendant des années, le groupe a propagé le mantra selon lequel les exportations servaient notamment à mieux exploiter les usines internes – et à aider ainsi les supermarchés Migros à proposer des produits moins chers.

Les managers s'en tirent bien

La restructuration et le démantèlement sont aussi une critique non formulée de l'œuvre d'anciens managers industriels. Les responsables de la prétendue mauvaise direction de l'industrie ne sont toutefois pas concernés par ce changement de cap. Nombre d'entre eux ont retrouvé des postes de haut rang au sein du groupe Migros, comme le montrent les informations dont Blick dispose.

Walter Huber, chef de l'Industrie Migros de 2008 à 2019, a incarné l'internationalisation comme personne d'autre. «Nous avons la compétence et la taille pour jouer un rôle clé à l'étranger également», avait-il déclaré. Certes, cela ne s'est pas vérifié. Mais cet échec n'a pas nui à Walter Huber: il siège aujourd'hui au conseil de la fondation Gottlieb Duttweiler.

Luigi Pedrocchi, PDG de Mibelle de 2006 à 2022, a orienté la filiale cosmétique vers l'exportation. En 2018, il a racheté l'entreprise de cosmétiques sud-coréenne Gowoonsesang. Après tous ces efforts d'expansion, le groupe coopératif veut désormais se débarrasser de Mibelle. La réputation de Luigi Pedrocchi n'a toutefois pas souffert: l'été dernier, il a été nommé au conseil d'administration de Migros Tessin.

Hans-Ruedi Christen, chef de longue date de Chocolat Frey, a repris en 2014 l'entreprise américaine Sweetworks. Dans ce contexte, il déclarait à «Migros Magazine»: «Rien que par nos activités d'exportation passées, nous avons pu garantir des emplois en Suisse.»

Une sortie qui n'a pas clairement pas bien vieilli. Pourtant, Hans-Ruedi Christen est toujours aux manettes chez Migros: jusqu'à récemment, il dirigeait la nouvelle filiale Fresh Food & Beverage; il y a quelques semaines seulement, on lui a confié la direction de Micarna.

Des décisions contre-productives a posteriori

Comment se fait-il que les managers industriels cités – malgré des critiques fondamentales sur leur travail – obtiennent de nouveaux emplois de haut niveau au sein de l'univers Migros? L'entreprise s'explique: il s'agirait de «conditions de marché qui ont parfois radicalement changé».

Selon le géant orange, les affaires à l'étranger sont de plus en plus difficiles en raison du faible cours de l'euro et de l'inflation élevée. Ce qui rend la vente «de produits à faible marge très difficile», explique un porte-parole. Un autre bilan pourrait alors être tiré: les anciens managers industriels n'ont pas fait un mauvais travail. Leurs décisions se sont simplement avérées contre-productives a posteriori.

Une réorientation risquée

Il reste à espérer que dans quelques années, on ne dira pas la même chose de la réorientation de Mario Irminger. Avec la vente prévue de Mibelle, Migros devra à l'avenir faire produire à l'étranger des marques propres très appréciées comme Candida, Handy et Total.

Un ex-manager met en garde contre les risques potentiels: dans le pire des cas, cela pourrait conduire Migros à devoir payer à long terme – selon sa position de négociation – plus cher qu'aujourd'hui pour certains produits.

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