Hausse des tarifs CFF
Monsieur Prix: «On ne doit pas traire les passagers comme des vaches!»

Le surveillant des prix de la Confédération, Stefan Meierhans, a œuvré pour limiter la hausse des tarifs des transports publics. Dans le futur, si la branche demande de nouvelles augmentations, il pourrait user de son droit à fixer un prix. Interview.
Publié: 14.02.2024 à 11:03 heures
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Dernière mise à jour: 14.02.2024 à 15:46 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

La hausse des prix des transports publics fait grogner les voyageurs suisses. Depuis décembre dernier, l'abonnement général (AG) adulte 2e classe coûte 3995 francs par an, et le nombre de resquilleurs n'a jamais été aussi élevé. Alliance SwissPass, qui fixe les tarifs de la branche, et donc des CFF, parle d'une augmentation indispensable pour «assurer la pérennité de tout le système de transports publics suisses».

Stefen Meierhans, le surveillant des prix, a pris part aux négociations. De 4,3% dans sa première mouture, elle a été limitée à 3,7%, notamment grâce à lui. Que pense le docteur en droit de ces augmentations? Interview.

Monsieur Prix, proposer l’abonnement général à quasi 4000 francs, n’est-ce pas en totale contradiction avec les objectifs de la Suisse pour le climat?
Les objectifs et des prix élevés pour le transport public se contredisent, effectivement. C’est pour ça que j’ai veillé à ce que l’AG ne dépasse pas les 4000 francs. C’est extrêmement cher comparé notamment avec l’Autriche et l’Allemagne. Un prix élevé ne va pas dans le sens des décisions politiques qu’a prises la Suisse en signant les accords de Paris, et en participant à toutes conférences pour le climat, notamment les COP.

Stefan Meierhans, «Monsieur Prix», a milité pour maintenir le prix de l'AG sous la barre des 4000 francs.

Vous surveillez les prix, mais avez-vous le droit de commenter ce manque de cohérence?
C’est même écrit dans la loi que je dois prendre en considération les buts politiques de la Suisse quand j’observe ou fixe un prix.

Les Autrichiens payent leur «Klimaticket», un équivalent de l’AG, environ 1000 francs par an. Leur gouvernement investit 500 millions par an pour cela. Que fait la Suisse?
En Autriche, il y a une volonté claire de motiver les gens à utiliser davantage les transports publics. Chez nous, les signaux sont contradictoires. On veut respecter les accords de Paris et nos engagements climatiques, mais le prix est un facteur déterminant. Là, on ignore un élément très important dans la prise de décision des gens.

Stefan Meierhans, surveillant des prix de la Confédération.
Photo: KEYSTONE

On n’investit pas pour des billets «climat», d’accord. Mais était-il nécessaire d’augmenter les tarifs?
La situation n'est pas sans défis, et pas que pour les CFF. Alliance SwissPass rassemble 250 entreprises dans un système tarifaire unifié pour tout le pays. Certaines entreprises peinent à couvrir leurs frais. Quand le diesel est devenu très cher, celles qui n'exploitent que des bus ont vu leurs coûts augmenter, pas les exploitants de trains. Il y en a toujours qui tirent un avantage et d’autres qui souffrent. On doit alors appliquer une moyenne. Deux éléments importants sont pris en compte.

Lesquels?
D’abord, un article de la constitution Suisse, l’article 81a, précise que les usagers des transports publics doivent payer une part «appropriée» des coûts. Cette notion influence les négociations. Moi, j’ai surtout veillé à ce que l’AG ne dépasse pas les 4000 francs. Il fixe le point d’orientation pour toutes les offres. C’est le seuil ultime, et tous les abonnements proposés dans les cantons pour leurs réseaux locaux se définissent par rapport à ce maximum.

Êtes-vous satisfait des négociations?
J’ai signé, j’accepte la hausse de 3,7%. Je reste fidèle à ma parole. Mais en effet, quand je suis entré dans la discussion, j’espérais pouvoir atténuer l’augmentation davantage. L’AG a été fixé à 3995 francs, les billets dégriffés sont maintenus et 50 millions ont été économisés. Ce n’est pas rien, oui – mais je n’aurais pas dit non si ça avait été plus.

Quelque chose de positif est donc ressorti des pourparlers?
Je trouve le lancement de l’AG night (anciennement Voie 7) très louable. Il coûte moins de 100 francs. La branche a été surprise de son succès. Il fidélise la jeune génération à prendre les transports en commun et à prendre de bonnes habitudes.

Mais le nœud du problème, ce sont les pendulaires non? S’ils sont dégoûtés par les prix prohibitifs du train, les bouchons sur les routes s’allongent…
Oui, je suis d’accord que les clients captifs, pendulaires, apprentis ou étudiants, n’ont pas le choix. On profite de leur captivité. Je lutte dans la mesure du possible en faveur des transports publics. Mais on ne sait pas ce qui va se passer dans le futur. Des gens disent que les transports en commun sont trop subventionnés et que leurs prix doivent augmenter encore plus!

Plus personne ne prendra le train, dans ce cas?
J’ai annoncé que lors d’un prochain examen des tarifs, je prendrai une décision, si nécessaire. J’ai le droit de fixer un prix si l’on ne trouve pas d’accord. On ne doit pas traire les passagers comme des vaches!

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