Herbert Bolliger veut lutter contre l'alcool
Un ex-patron de Migros s’oppose frontalement à la vente de bière et de vin

Un vote décidera si le géant orange pourra vendre de l'alcool dans le futur. Une épreuve de force pour le groupe Migros, alors que le conflit s'envenime.
Publié: 04.04.2022 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 04.04.2022 à 08:32 heures
Thomas Schlittler

Dans quelques semaines, la Suisse sera confrontée à la votation de l’année. Nous ne parlons pas des prochaines votations fédérales, mais de celle de quelque 2,3 millions de membres des coopératives Migros. Cette votation décidera si de l’alcool pourra être vendu dans les centres commerciaux du géant orange. Le matériel de vote sera distribué début mai, les membres des diverses coopératives régionales auront jusqu’au 4 juin pour voter.

Si au moins deux tiers d’entre eux votent oui, la bière, le vin et les spiritueux seront disponibles dans les supermarchés, les restaurants et les take-aways de Migros à partir de 2023.

Ce serait la fin d’une tradition presque centenaire. Selon l’issue du vote, il est envisageable que des disparités régionales persistent, chaque coopérative étant libre de refuser ou non la vente d’alcool.

Des spiritueux pour tous les goûts bientôt chez Migros?
Photo: Keystone
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Un groupe pour les valeurs M

Une voix de poids s’exprime désormais dans le débat, comme le montre une enquête de Blick: Herbert Bolliger, patron de Migros de 2005 à 2017, fait partie d’une nouvelle association, le «Groupe pour les valeurs M». Ce dernier veut se battre pour le maintien de l’interdiction de l’alcool. Voici comment Herbert Bolliger justifie son engagement: «La vente d’alcool affaiblit les valeurs de Migros. Migros perdrait une partie de son caractère unique. Nous voulons attirer l’attention sur ce point.»

L’ancien patron refuse de nous révéler qui d’autre est impliqué. On serait en train de concevoir une «campagne modeste mais efficace». Des annonces et un site Internet sont en cours d’élaboration.

«Ce n’est pas à moi de juger l’opinion des autres»

Fabrice Zumbrunnen, à la tête de Migros depuis 2018, s’exprime avec réserve sur la soudaine agitation de son prédécesseur: «Ce n’est pas à moi de juger l’opinion des autres», a-t-il déclaré cette semaine à Blick, alors qu’il venait de dévoiler à la presse les chiffres annuels de Migros.

Qu’il y ait des opinions différentes fait partie du processus démocratique. Le débat sera ouvert, les avis divergents invités à s’exprimer, assure Fabrice Zumbrunnen: «C’est ce que nous avons fait dès le début et c’est ce que nous faisons encore maintenant. Sur notre site Internet, par exemple, tous les arguments qui parlent pour ou contre une interdiction de l’alcool sont énumérés.»

En réalité, Migros présente sur Internet exactement le même nombre d’arguments pour et contre la suppression de l’interdiction d’alcool. Il semblerait également qu’une majorité des comités Migros souhaite proposer de l’alcool à l’avenir. Les dix coopératives régionales se sont majoritairement prononcées en faveur de la vente d’alcool. La semaine dernière, la «NZZ am Sonntag» a révélé que le conseil d’administration de la fédération des coopératives s’était entre-temps également prononcé en faveur du oui.

La volonté de Duttweiler

Un argument important en faveur d’une levée de l’interdiction est le fait que Migros vend déjà de l’alcool dans son supermarché en ligne, chez Denner et à Migrolino. Les partisans considèrent donc comme peu crédible le fait que les traditionalistes présentent l’embargo sur l’alcool comme un «argument de vente unique» et se réfèrent à la volonté du fondateur de Migros, Gottlieb Duttweiler, qui avait introduit l’interdiction en 1928.

Herbert Bolliger n’est pas tout à fait innocent dans ce dilemme. L’Argovien a négocié le rachat de Denner en 2007 et a ainsi donné plus de poids à l’alcool au sein de Migros. Il n’y voit toutefois aucune contradiction. Il fait remarquer que le commerce de l’alcool a été amené dans le groupe Migros bien avant le rachat de Denner, depuis l’achat de Globus en 1997. «Nous n’avons pas vendu d’alcool dans les magasins Migros après le rachat de Globus et de Denner. Et c’est très bien ainsi.»

Il se réfère également à Gottlieb Duttweiler, pour qui la santé publique était une préoccupation majeure. «Aujourd’hui encore, Migros investit de manière ciblée dans le domaine de la santé et propose une multitude de produits sains. L’alcool serait donc un revirement sur cette voie de la santé.»

Le conflit de croyances est utilisé pour une campagne de marketing

La décision sur l’alcool met Migros à l’épreuve. La direction du groupe tente entre-temps de faire de cette querelle de foi une campagne marketing. Ainsi, deux bières ont été commandées à une brasserie et seront intégrées à l’assortiment en fonction du résultat de la votation. Si le oui l’emporte, une bière alcoolisée appelée «Oui» sera mise dans les rayons, si le non l’emporte, ce sera sa cousine sans alcool «Non».

(Adaptation par Jocelyn Dalloz)

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