Jean-François Steiert contre l'assurance «low cost» portée par le PLR
«On risque un système de santé où les gens meurent faute d'argent»

Les primes d'assurance maladie vont s'envoler encore cette année. Et l'idée d'une nouvelle formule «low cost», signée PLR, a beaucoup fait parler: le ministre socialiste fribourgeois nous dit pourquoi ce n'est vraiment pas une bonne idée. Interview.
Publié: 11.07.2023 à 16:33 heures
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Dernière mise à jour: 11.07.2023 à 19:49 heures
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Tout le monde déteste les assurances maladie, en Suisse? Il y aurait de quoi: les primes individuelles ont augmenté de 135% de 1997 à nos jours. Cette année, la hausse passe particulièrement mal: la prime moyenne en Suisse va atteindre les 334,70 francs pour un adulte, d'après la Confédération, soit 6,6% de plus que l'année dernière.

À l'aube des élections fédérales d'octobre prochain, la problématique a rapidement fait son petit chemin en politique. Un chemin souvent chaotique. L'initiative du PS pour maîtriser les coûts, chiffrée à 4,5 milliards de francs par an, s'est déjà heurtée à un contre-projet. La proposition de la commission de la santé du Conseil des États qui vise le même but, devisée à 350 millions, a plus de chances d'aboutir. Le PLR propose quant à lui d'instaurer une nouvelle formule d'assurance «low cost» pour les budgets les plus modestes.

Métaphores gastronomiques à l'appui, les libéraux-radicaux appellent à mettre un frein au buffet «all you can eat» que seraient les contrats d'assurance de base: une fois le montant de la prime franchi, le peuple consommerait trop de prestations de santé inutiles — juste parce qu'il le peut. Là serait (presque) tout le problème.

Le conseiller d'État socialiste fribourgeois Jean-François Steiert (DIME) allume le PLR sur son projet d'asurance «low cost». (Image d'archives)
Photo: La Liberté

Cette vision a de quoi filer des migraines aux élus de gauche. À commencer par le conseiller d'État socialiste fribourgeois, ancien conseiller national en charge de la santé Jean-François Steiert (actuellement à la tête de l'aménagement du territoire). L'homme de gauche s'est par ailleurs indigné de la proposition du PLR sur les réseaux sociaux (tweet ci-dessous). Blick l'a contacté pour faire le point.

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L'assurance maladie «low cost», que souhaite introduire le PLR pour parer à la hausse générale des prix, c'est une fausse bonne idée?
C'est une mauvaise idée tout court! À l'heure actuelle, l'assurance maladie obligatoire de base couvre juste les besoins élémentaires — et encore, pas tous, en réalité. Alors que la participation financière de la population au système de santé est bien plus grande en Suisse que dans la plupart des autres pays. Donc oui, mettre en place une assurance «low cost», c'est dire aux gens les plus modestes qu'ils seront moins bien soignés. Il n'y a aucun luxe, dans l'assurance maladie de base.

Mais est-ce que l’homéopathie et l’acupuncture par exemple, accessibles sous conditions avec une assurance de base, ne sont pas des soins de luxe non vitaux?
Encore une fois, il n'y a pas de soins de luxe dans l'assurance de base. Les soins que vous évoquez ne pèsent par ailleurs pas significativement sur les coûts de la santé. Et ils ont été intégrés dans l'assurance de base à la suite d'une votation populaire des plus démocratiques. Revenir sur cet acquis aujourd'hui, c'est remettre en question la volonté de la population.

Donc, selon vous, la droite veut simplement que les pauvres aient encore moins accès aux soins pour alléger le système?
En quelque sorte, oui. Alors que la Suisse est un pays qui peut largement se payer un bon système de santé pour tous et toutes. La vraie question, c'est plutôt de savoir comment répartir les coûts au sein de notre société, selon le principe de solidarité. Aujourd'hui, les classes moyennes paient trop. Et les plus aisés paient très peu, proportionnellement à leurs revenus.

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«Dire que les gens abusent systématiquement de quelque chose juste parce qu'ils y ont droit, c'est un peu de la science-fiction»
Jean-François Steiert, PS
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Et voilà que le PLR veut laisser mourir les pauvres aux portes des hôpitaux, comme cela arrive aux États-Unis, c'est votre avis?
Oui! Leur proposition «low cost» va dans cette direction. Si les prestations de base actuelles ne sont plus garanties, on risque de revenir à un système semblable à celui avant la LAMal: un système où les gens meurent, ou qui subissent des complications graves, car ils n'osent pas aller chez le médecin, faute d'argent. Les praticiens les plus âgés s'en souviennent encore, c'était traumatisant pour tout le monde.

Mais est-ce que le fonctionnement «all you can eat» actuel ne pose pas tout de même problème? Sachant que beaucoup paient pour des soins complémentaires qu’ils ou elles n’utilisent pas…
L'image du buffet est assez mauvaise pour parler de la santé. Les soins, ce n'est pas une mousse au chocolat ou un bon bout de viande: ce n'est pas quelque chose de sympathique qu'on recherche juste pour le plaisir. Je crois que la grande majorité de la population est en réalité plutôt raisonnable à ce niveau. Dire que les gens abusent systématiquement de quelque chose juste parce qu'ils y ont droit, c'est un peu de la science-fiction.

Que proposeriez-vous à la place, pour lutter contre la hausse des prix?
Le PS et t les organisations de patients ont demandé à ce que les primes d'assurance maladie ne dépassent pas 10% du revenu disponible — un contre-projet a été formulé. Je le répète: le problème, aujourd'hui, c'est que le système de santé pèse surtout sur la classe moyenne. Il faut corriger le tir en plafonnant les prix pour cette frange salariale — via des primes différenciées selon le salaire, par exemple.

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