Le référendum sur l'AVS fait un carton
«Les femmes de ce pays sont en colère»

Les Suisses voteront sur la réforme de l'AVS. À mi-parcours du délai référendaire, l'alliance menée par l'Union syndicale a déjà récolté plus de 100'000 signatures, soit deux fois le minimum requis. Pierre-Yves Maillard y voit un signal très fort.
Publié: 15.02.2022 à 00:37 heures
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Dernière mise à jour: 17.02.2022 à 18:15 heures
Ruedi Studer

Et si le droit de timbre marquait le début de la reconquête par la gauche de la fiscalité? Revigorés par le net refus des Suisses (plus de 62% de non dimanche), le Parti socialiste et ses alliés songent déjà aux prochains combats. Et la prochaine bataille est désormais programmée: le référendum sur l'AVS a abouti, confirme en exclusivité à Blick le conseiller national Pierre-Yves Maillard.

L'homme fort des syndicats jubile, et il y a de quoi: «Nous avons récolté plus de 100'000 signatures en moins de deux mois», précise le Vaudois. A mi-parcours du délai légal, le butin de la gauche est donc plus du double que ce qui est nécessaire.

Ce raz-de-marée référendaire montre à quel point le relèvement de l'âge de la retraite des femmes est un point (trop?) sensible du projet. «Les femmes sont en colère», confirme Pierre-Yves Maillard. L'ancien conseiller d'État vaudois rappelle que la grève des femmes de 2019 a fortement mobilisé, avec un demi-million de personnes dans la rue. «Mais au lieu d'apporter des améliorations pour les femmes, les bourgeois ont lancé une attaque directe contre leurs intérêts», s'énerve-t-il.

«Dans le mauvais sens»

Si le référendum a beaucoup trouvé son public auprès de la gent féminine — pas seulement de gauche —, ce n'est pas le seul argument qui a fait mouche. «La population se rend compte que la répartition des richesses ne va pas dans la bonne direction, analyse Pierre-Yves Maillard. D'une main, la droite fait des cadeaux fiscaux aux riches à coups de centaines de millions, pendant qu'elle réduit avec l'autre main les prestations de l'AVS et des caisses de pension.»

Le patron de l'Union syndicale suisse, ici à gauche lors d'une manifestation contre le projet d'AVS (à droite, la conseillère nationale verte Léonore Porchet), est agréablement surpris par la razzia de son camp.
Photo: Keystone
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Le président de l'Union syndicale suisse estime que c'est cet argument phare qui a fait pencher la balance contre la suppression du droit de timbre, ce dimanche. Il ne va donc pas se priver de capitaliser là-dessus en vue du vote sur l'AVS cet automne. «Je suis néanmoins conscient qu'il y aura une forte propagande des associations économiques. Ce sera un combat difficile, mais nous allons tout donner», promet Pierre-Yves Maillard.

Le socialiste s'attend à ce que des voix bourgeoises aident son camp dans cette entreprise: ces dernières années, les prestations liées au 2e pilier ont nettement baissé, rappelle-t-il. «Beaucoup ont peur de ne plus pouvoir payer leurs factures lorsque la retraite arrive. C'est le cas de beaucoup d'indépendants», avance «PYM». L'ancien candidat au Conseil fédéral brandit le spectre d'une hausse à la retraite pour tous à 66 ans, comme le demande une initiative des Jeunes PLR. «Un non cet automne est dans l'intérêt de tous», assure-t-il.

Le «trésor» de la BNS en jeu

Bien, mais comment faire alors que l'AVS va faire face à un déficit de plusieurs milliards au cours des prochaines années? «La génération du baby-boom arrive à la retraite. C'est une vague démographique de 20 à 25 ans que nous devons gérer — l'argent est là pour réussir!» Où exactement, Monsieur Maillard? Le Vaudois n'a qu'un mot à la bouche, ou plutôt un acronyme: BNS, comme Banque nationale suisse. La dite «réserve de distribution» atteint 100 milliards de francs: les liquidités qui doivent tôt ou tard profiter à la Confédération et aux cantons sont donc là, tonne le conseiller national.

«Il est incroyablement paradoxal de réduire les prestations de retraite alors que cette énorme fortune nationale dort dans les coffres de notre banque nationale», souligne Pierre-Yves Maillard. Le syndicaliste voit plusieurs angles d'attaque: le produit des intérêts négatifs, qui atteint presque 12 milliards de francs, et les bénéfices annuels de la BNS, estimés à 2 à 4 milliards de francs par le Vaudois. «Nous pourrons ainsi garantir les rentes sans augmenter l'âge de la retraite», assure-t-il avec conviction. L'Union syndicale veut lancer une initiative populaire dans ce sens dès ce printemps — un coup stratégique clair en vue de la votation sur l'AVS.

Un dimanche fiscal le 25 septembre

Les chances de succès de la gauche dépendent en outre de la réforme à venir de la prévoyance professionnelle (LPP). La majorité bourgeoise a marqué celle-ci de son empreinte au Conseil national. L'écart de rente entre les sexes — les femmes touchent près de la moitié de moins que les hommes — ne parvient guère à le réduire.

Dès cette semaine, la commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) du Conseil des Etats doit se pencher sur la réforme de la LPP. Si les sénateurs maintiennent le cap, ils feront le jeu de la gauche, selon Pierre-Yves Maillard. À entendre le Vaudois, les choses sont claires: le camp bourgeois a rompu sa promesse d'améliorer les rentes des femmes. «Nous combattrons tout démantèlement des rentes», promet-il.

Malgré son pactole de plus de 100'000 signatures récoltées, l'alliance formée par l'USS contre la réforme de l'AVS ne va pas arrêter sa moisson avant l'échéance du délai référendaire, fin mars. Déposer le maximum de paraphes est un signal fort en vue de la bataille dans les urnes, qui aura probablement lieu le 25 septembre. Un dimanche qui devrait contribuer à façonner la politique fiscale de notre pays: le référendum contre l'abolition partielle de l'impôt anticipé devrait être fixé le même jour. Forts de leur succès de ce dimanche, le PS et les Verts partiront à coup sûr la rose et le tournesol au fusil.

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