Un grand cirque médiatique
L'envers du décor du sommet de Genève

Presque une semaine après la rencontre, des anecdotes commencent à filtrer sur le grand cirque médiatique qui a entouré le sommet de Genève. Blick vous montre l'envers du décor.
Publié: 22.06.2021 à 12:02 heures
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Dernière mise à jour: 22.06.2021 à 12:15 heures
Tobias Marti (texte) et Philippe Rossier (Photos)

Un sommet comme celui qui a réuni Joe Biden et Vladimir Poutine à Genève, c'est avant tout un immense évènement médiatique. Personne ne s'attendait vraiment à des résultats politiques concrets, mais chacun a avancé ses hypothèses et donné ses projections, relayées par plus de mille journalistes de plus de 40 pays différents.

Pendant une semaine, les chaînes de télévisions et les journaux ont publié les images pittoresques d'une Suisse idyllique, neutre et pacifique, des images d'Épinal que la Confédération a soignées durant ce sommet. On a également vu à l'envi les photos de poignées de main présidentielles devant la noble bâtisse de la Villa La Grange, les expressions indéchiffrables des chefs d'États et leurs beaux discours avec le Léman en arrière-plan.

La foire d'empoignes en coulisses

Ce que le monde n'a pas vu, c'est ce qui se passait de l'autre côté des caméras braquées sur le devant de la scène. C'est la fosse aux lions des journalistes de la presse mondiale agglutinés en coulisses, dans la tente dressée dans le Parc La Grange en face de la Villa. La foire d'empoigne lors des conférences de presse, lorsque, maquillage dégoulinant et chemises humides, les reporters se bousculent vers les meilleures places pour interviewer les deux leaders mondiaux. Le public n'a pu qu'entr'apercevoir cette compétition féroce lorsqu'un photographe s'est fait invectiver alors qu'il refusait crânement de quitter le champ d'une caméra de télévision américaine. Ces scènes en coulisses en disent pourtant long sur le fonctionnement d'un tel événement.

Dans les coulisses.
Photo: Philippe Rossier
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Atmosphère lourde

Il est midi, il fait plus de 30 degrés, l'atmosphère est lourde. Vladimir Poutine vient d'atterrir à Genève, il débarque flanqué de son entourage sur le tarmac de l'aéroport. Alignés comme dans un stand de tir, les équipes de tournage et les correspondants attendent le signal, leur position reflétant la hiérarchie des diffuseurs.

Un journaliste d'Al-Jazeera trône à l'avant, s'agitant sur une boîte. Parmi les stations internationales, le radiodiffuseur qatari est l'étoile montante de ces dernières décennies. Suivent les Allemands de ARD et ZDF, quelques stations privées comme Bloomberg ou Sky et les gens de l'Eurovision, qui ont quand même une vision d'ensemble de la scène. Puis la légion de la télévision suisse, qui joue de son avantage du terrain; pour une fois, elle se déploie vraiment sur la grande scène. Les Britanniques de la BBC ont la Villa dans leur ligne de mire, la vue déjà légèrement grignotée par la cime des arbres. Quant aux Italiens, ils doivent se contenter de demi-mesures. Les autres ont littéralement leur champ de vision bouché par les buissons.

Une véritable partie d'échecs

Un peu plus loin, toujours derrière le présentateur norvégien qui a sa chemise trempée de sueur, il y a un homme d'Al Hurra, une station américaine en langue arabe.

Son siège est minable, mais ce monsieur a manifestement une finesse stratégique. La tactique est désormais de mise, explique-t-il: «Quel président fera attendre l'autre le plus longtemps?» C'est comme une partie d'échecs maintenant, commente-t-il.

À un moment donné, quelqu'un chuchote que le président russe va faire son entrée. En réalité, tout ce beau monde en sait souvent moins que les spectateurs confortablement installés devant leur télévision. Si nous sommes trop près, tout ce que nous avons, c'est une mauvaise vue d'ensemble.

Sueur, coups de coudes et maquillage qui coule

Vladimir Poutine finit par arriver. Ça joue des coudes, tout le monde veut prendre LA photo, quel qu'en soit le prix. Alors que le convoi passe, l'endroit redevient brusquement calme. Ce petit manège se répète avec l'arrivée de Joe Biden.

Les négociations se déroulent désormais à huis clos dans la Villa. Retour du calme dans la tente de presse, on sort les sandwichs, les journalistes se rassemblent devant les distributeurs d'eau comme des dromadaires dans l'oasis de Tombouctou.

Les Allemands, quant à eux, s'assoient stoïquement dehors sous les parasols dans une chaleur indescriptible et commandent de l'eau ou du jus.

L'alcool est peu consommé, le correspondant africain s'autorise une bière. Plus tard, il filmera les écrans avec les images en direct dans la tente, parce qu'il n'y aura rien d'autre à filmer.

Silence radio

Les cameramen chinois sont assis à l'ombre de grands platanes. La journalistes de Bloomberg a enlevé ses chaussures. D'autres s'éventent.

Seul le monsieur d'Al Hurra continue à modérer pendant la pause. Même si rien ne se passe, il doit rester sur place. Ça a l'air épuisant.

Le final approche, les discours présidentiels, l'heure de la guilde de l'écriture. Plus ça avance, plus les scribes à leur bureau se fondent parfaitement dans leur environnement. À un moment donné, leurs robes et leurs coiffures sont aussi chaotiques que les câbles emmêlés dans lesquels travaillent les journalistes.

Mais les journalistes télé se sont détendus, ils ont réussi à tourner leurs images, ils se laissent aller. Certains somnolent et les Ukrainiens vérifient leurs stocks sur leurs téléphones portables. Puis les Allemands se ressaisissent. Les Chinois leur emboîtent le pas.

Dehors, Vladimir Poutine est déjà sur le départ, mais plus personne ne fait attention à lui. Le spectacle est terminé. La caravane médiatique peut plier bagage.

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