Un expert répond à 5 questions
Faut-il vraiment manger des poudres ou des snacks protéinés quand on fait du sport?

Ils envahissent les rayons des supermarchés et se déclinent en dizaines de saveurs différentes: les aliments enrichis en protéines, comme les poudres ou les barres énergétiques, sont-ils vraiment utiles? Un micronutritionniste nous répond.
Publié: 06.02.2024 à 18:32 heures
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Dernière mise à jour: 07.02.2024 à 09:56 heures
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Triés par couleur, le torse bombé, très élégants dans leur papier brillant, les bataillons de poudres protéinées nous attendent patiemment depuis les rayons. Secondés par leurs fidèles troupiers, les barres chocolatées, chips et autres yaourts enrichis en protéines, ils happent le regard grâce à leur packaging flatteur et envahissent désormais la plupart des magasins. 

Si certains sont ornés de jolis dessins naturels, d'autres se prennent pour des bodybuildeurs, rangés dans de volumineux sacs noirs à l'aspect franchement badass. Sans oublier le redoutable assortiment de saveurs! Vanille, chocolat, cookie, spéculoos, Oreo... on croirait lire le menu d'un marchand de glaces.

Résultat: on se les arrache! Ainsi que le reflètent les réseaux sociaux TikTok et Instagram, où le terme «protéines» rassemble 14 milliards et 29 millions d'occurrences, nous avons développé une sorte d'obsession. D'après une statistique américaine, le business de la protéine pourrait atteindre 47,4 milliards de dollars d'ici l'année 2032, contre 26 milliards en 2021. 

«Le fait d'utiliser une poudre de protéines seule, en tant que complément à une alimentation équilibrée, peut être utile», tempère le micronutritionniste Jean Joyeux. Il faut toutefois veiller à ce que la majorité de nos apports viennent d'aliments bruts.
Photo: Shutterstock

Et cela peu importe le régime alimentaire, sachant que les poudres véganes, dont les protéines sont puisées dans les pois ou de chanvre, n'ont pas tardé à rejoindre leur prédécesseur issu du lait (whey).

Pour y voir plus clair dans cette folle tendance et démêler les constats (parfois sponsorisés) dont nous assènent les réseaux sociaux, un micronutritionniste nous éclaire en 5 questions:

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Quelle quantité de protéines faut-il manger?

Commençons par souligner le principal bienfait du trend: «Le fait que nous prenions conscience de l'importance des protéines est très positif, affirme Jean Joyeux, micronutritionniste spécialisé en nutrition du sport. Le besoin de protéines dépend entre autres du niveau d’activité physique: plus on est actif, plus ce besoin augmente, mais pas autant que pourrait le suggérer le marché actuel des suppléments de protéines.»

Ces molécules sont effectivement indispensables au bon fonctionnement du corps, dans la mesure où elles permettent de structurer et de réparer les muscles, l'épiderme ou la masse osseuse. Or, s'il est possible d'en manquer, la société occidentale tend plutôt à en consommer plus que nécessaire: un article paru dans le média Vox, fin janvier 2023, avançait que 60% de la population américaine dépasse largement les recommandations, alors que leurs assiettes manquent de fibres, de noix et de poisson. 

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«Une personne sédentaire ou modérément sportive devrait viser un apport quotidien de 0,83 gramme de protéines par kilogramme de poids corporel, note le spécialiste. Une personne sportive réalisant un minimum de 5 à 7 heures d’activité physique par semaine devrait plutôt viser un apport quotidien de 1,2 à 1,3 gramme par kilo, en fonction du type d’activité qu’elle pratique.» 

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Quels sont les risques d'un excès de protéines?

Par ailleurs, notre intervenant indique que ces apports devraient être répartis tout au long de la journée: «Les capacités d’absorption du système digestif sont limitées et, si on consomme trop de protéines d’un coup, l’excès aura des effets délétères au niveau intestinal. Il est ainsi déconseillé de consommer plus de 30 à 40 grammes de protéines par prise. Au-delà de cette quantité, on augmente les populations de 'protéobactéries' dans l'intestin, on ralentit le transit, et on cultive ainsi un terrain de constipation favorable aux cystites chez la femme, ou plus rarement, à la prostatite chez l'homme.» 

À très long terme, un surdosage de protéines peut malheureusement augmenter le risque de cancers colorectaux ou certaines pathologies rénales: «Je déconseille aux personnes en bonne santé de se supplémenter, sauf dans certaines situations qui exigent un apport plus élevé, prévient notre intervenant. Le mieux est de suivre les conseils d'une personne réellement compétente.»

Parmi les cas nécessitant une augmentation des apports, le spécialiste évoque les femmes enceintes, les individus qui se remettent d'une chirurgie et les personnes âgées, chez lesquelles un manque de protéines peut provoquer une perte de masse musculaire et osseuse. «Un individu pratiquant le body building peut aussi augmenter cet apport jusqu’à 2,3 grammes de protéines par kilo de poids corporel durant les jours d’entraînement, tandis qu’un sportif de haut niveau peut monter jusqu’à 1,6 gramme par jour et par kilo. Ces taux doivent cependant être limités aux jours d’entraînement et ne seront pas nécessaires durant les périodes de repos.»

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Le contenu de l'assiette ne suffit-il pas?

Si certains produits enrichis en protéines peuvent être très efficaces, Jean Joyeux affirme que nous devrions, en premier lieu, compter sur le contenu de notre assiette: «En mangeant du poisson, de la volaille, des œufs, des produits laitiers, des oléagineux et des légumineuses, on ne devrait pas manquer de protéines, constate-t-il. Et c’est d’autant plus intéressant que chacun de ces aliments apporte beaucoup d’autres nutriments très utiles, voire indispensables.»

Pour notre expert, nous avons tous la possibilité de composer des assiettes contenant suffisamment de protéines, quel que soit le régime adopté: «Même nos encas peuvent être de très bonnes sources, si l'on y ajoute par exemple des amandes, des graines de tournesol ou du skyr.» On peut par exemple imiter Jamie Oliver, avec son simple riz veggie agrémenté d'un œuf et de haricots noirs, pour les protéines. Ces œufs mimosa à l'estragon, ainsi que ce croque-monsieur au fromage à raclette peuvent aussi faire l'affaire! 

«Très peu de personnes ont réellement besoin de poudres ou de snacks enrichis en protéines, résume Jean Joyeux. Il s'agit d'un effet de mode qui entretient l'idée d'un pseudo-besoin et qui profite largement aux industries alimentaires.»

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Peut-on consommer des poudres protéinées?

Il s'avère toutefois que les poudres protéinées remplissent leur mission: «Elles contiennent souvent du lactosérum (le fameux whey), une protéine de bonne qualité que l’organisme assimile sans problème. Les extraits de pois, de chanvre et de soja fonctionnent aussi très bien et posent moins de problèmes écologiques, pointe notre expert. Or, ces produits font partie des aliments transformés, dans la mesure où les substances sont extraites de leur source première.» 

Ainsi que le précise le micronutritionniste, les protéines et les fibres sont donc retirées du produit bruit, avant d’être incorporées dans un aliment «bricolé», ce qui permet à la source initiale, un pois ou une graine, d’être utilisée et vendue plusieurs fois.

«Le fait d'utiliser une poudre de protéines seule, en tant que complément à une alimentation équilibrée, peut être utile, tempère Jean Joyeux. En revanche, il faut être prudent avec les aliments transformés estampillés 'riches en protéines' et lire les ingrédients: on ne doit pas oublier que les aliments ultratransformés sont très pauvres en nutriments essentiels, et régulièrement pointé du doigt par les épidémiologistes comme source de beaucoup de maladies de notre époque.» 

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Quand faut-il manger des protéines?

Bien qu'un excès de protéines puisse s'avérer délétère, il ne s'agit évidemment pas de réduire nos apports de manière drastique: la notion d'équilibre est essentielle! «Les protéines permettent de prolonger la sensation de satiété et réduisent donc les fringales sucrées, rappelle Jean Joyeux. On oublie trop souvent d’en consommer au petit-déjeuner, mais elles peuvent contribuer à stabiliser la glycémie et apportent une excellente source de matières premières pour le cerveau.» En effet, notre expert précise qu'elles permettent de fabriquer des neurotransmetteurs, qui favorisent une meilleure résistance au stress. 

Du côté des athlètes, il existe une fenêtre métabolique idéale pour la consommation de protéines: «Elle se situe dans les 2 à 4 heures après une session sportive visant à augmenter la masse musculaire, conclut le micronutritionniste. Cela peut être intéressant, dans le cadre d’un objectif sportif particulier.» 

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