Shaqiri fait de la pub malgré lui
Le marché des implants capillaires est en plein essor en Suisse

Avoir une chevelure fournie dépourvue de traces de calvitie est d'une importance capitale pour les hommes (et pas seulement pour les footballeurs). Derrière ce souhait se cache une industrie qui en profite au niveau mondial, et qui connaît un essor fulgurant en Suisse.
Publié: 06.07.2021 à 08:56 heures
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Dernière mise à jour: 06.07.2021 à 14:45 heures
Daniel Arnet

On n’aura probablement jamais autant parlé de cheveux que pendant cet Euro de football. Entre les colorations controversées de Granit Xhaqa et Manuel Akanji, et les implants de Xherdan Shaqiri, la santé capillaire des joueurs a été le sujet de nombreuses discussions.

Dans l’histoire et les différentes cultures à travers le monde, les cheveux sont très chargés symboliquement. Vous connaissez sans doute le mythe de Samson, qui tirait sa force prodigieuse de ses cheveux, qu’il n’avait pas coupés depuis sa naissance. C’est Dalila, la femme dont il est épris, qui le trahit et lui coupe ses sept tresses, le privant ainsi de sa puissance surhumaine. Il s’agit d’une des histoires qui illustre le mieux à quel point une chevelure fournie est perçue encore aujourd’hui comme un signe force et de virilité.

Les footballeurs ne sont pas les premiers et les seuls à se préoccuper de la santé de leur tignasse et à tenter par tous les moyens de conjurer la chute de cheveux. Mais ils contribuent sans doute à l’actuelle expansion du marché de l’implant capillaire en Suisse.

Le télétravail a boosté l’envie de greffe capillaire

Le marché de la greffe d’implants capillaires pour les hommes chauves ou avec un début de calvitie est en plein boom. Selon l’International Society of Hair Restoration Surgery (ISHRS) (la Société internationale de chirurgie réparatrice du cheveu, ndlr.), en 2016, 635’189 greffes ont été réalisées dans le monde. En 2019, selon le dernier rapport, il y en a eu 735’312, ce qui représente une croissance de 16% en trois ans. Le secteur a réalisé 4,6 milliards de dollars de recettes en 2019, soit une hausse de 10% par rapport à 2016.

«L’augmentation est mondiale et se produit probablement en Suisse d’une façon comparable à l’Europe», déclare Conradin von Albertini, président de la Société suisse de transplantation capillaire (SSHRS), l’antenne locale de l’ISHRS. Le président ne dispose pas de chiffres exacts pour la Suisse, mais estime que 85 à 90% des clients sont des hommes.

Hair & Skin montre que le secteur est en plein essor en Suisse. L’entreprise, basée à Winterthur (ZH), n’a été lancée qu’au printemps 2020. Membre de la SSHRS, elle a ouvert d’autres succursales à Lucerne, Saint-Gall et Zurich après seulement un an. «La demande est énorme», affirme Stefanie Fritze, la co-directrice. 1625 clients ont été traités jusqu’à présent, et Hair & Skin ne souhaite pas s’arrêter là. D’ici la fin de l’année, six autres sites seront ouverts dans toute la Suisse, notamment à Aarau, Bâle, Berne et Zoug.

Stefanie Fritze ne considère pas la pandémie de Covid-19 comme un frein à l’expansion de Hair & Skin. «Les nombreuses réunions en vidéoconférence ont permis aux gens d’être plus conscients de leur image et leur ont fait réaliser tous leurs moindres défauts», dit-elle. Le télétravail a permis à ces hommes d’économiser de l’argent et de l’investir dans la greffe de cheveux.

«Les footballeurs sont de bons ambassadeurs marketing»

La co-directrice de Hair & Skin estime que l’âge moyen de sa clientèle est de 36 ans, avec une tranche d’âge allant de 25 à 60 ans. L’entreprise s’inscrit dans l’ère du temps, à savoir une époque où notre apparence est scrutée dans les moindres détails notamment sur les réseaux sociaux. Une plateforme comme Instagram a «démocratisé» le recours à la chirurgie esthétique et la course à la perfection de l’apparence. Pour Stefanie Fritze beaucoup de choses se sont passées dans le domaine ces 15 dernières années. «Aujourd’hui, les hommes veulent aussi avoir une meilleure apparence», ajoute la co-directrice.

À l’âge de 30 ans, 30% des hommes d’Europe centrale ont les cheveux clairsemés (on a pu le constater, par exemple, lors du championnat d’Europe de football, avec le footballeur suisse Admir Mehmedi). À 50 ans, la moitié d’entre eux sont touchés et à 70 ans, 80% présentent des plaques de calvitie.

La transplantation capillaire est particulièrement populaire auprès des footballeurs. L’ancien attaquant vedette anglais Wayne Rooney (35 ans), l’entraîneur de Liverpool Jürgen Klopp (54 ans) ou le milieu de terrain suisse Xherdan Shaqiri (29 ans) ont déjà eu recours à ces méthodes pour faire disparaître une calvitie naissante. «Les footballeurs sont de bons ambassadeurs marketings», souligne Stefanie Fritze, «ils contribuent à casser le tabou qui existe sur les greffes de cheveux».

Les hommes blancs sont généralement plus susceptibles de souffrir de calvitie que les hommes asiatiques ou africains. Les hommes petits sont également plus à risque que les hommes grands. Chez 95% des hommes, la perte de cheveux est génétique. Elle est héritée par le chromosome X féminin. Si le père de la mère est chauve, il y a de fortes chances que son petit-fils le soit aussi.

La «perte de cheveux»: un abus de langage

Parler de «perte de cheveux» n’est pas tout à fait correct, car en réalité les cheveux ne tombent pas, ils cessent simplement de pousser. La faute à une réaction métabolique d’une hormone liée à la testostérone: la dihydrotestostérone (DHT). Cette dernière peut stimuler à outrance la production de sébum du cuir chevelu (ce qui finit par «boucher» les racines du cheveu et à les empêcher de pousser) ou bien accélérer le rythme de vie des cheveux jusqu’à les épuiser.

Lors d’une greffe de cheveux, le médecin a recours à une anesthésie locale pour transplanter individuellement des follicules résistants sur le sommet chauve de la tête (cela représente en moyenne 1500 racines). «Il y a toujours l’espoir de pouvoir un jour faire pousser de nouvelles racines de cheveux et de les transplanter», déclare Conradin von Albertini, qui dirige une clinique capillaire à Zurich.

Il faut compter plusieurs heures (et plusieurs milliers de francs) pour une intervention de greffe de cheveux: selon l’ampleur de l’intervention nécessaire et la clinique, il faut parfois débourser jusqu’à 10’000 francs suisses. Un coût que les assurances maladie ne couvrent pas. Beaucoup optent donc pour des cliniques moins chères qui se trouvent en Turquie, où les affaires sont particulièrement florissantes. Des chaînes comme Hair & Skin veulent contrer ce tourisme capillaire.

La calvitie n’a jamais été valorisée comme critère de beauté pour un homme. Pourtant, certaines études et questionnaires administrés à la population montrent que les hommes chauves sont souvent perçus comme plus forts physiquement. Les personnes interrogées pour ces enquêtes indiquaient que selon elles, les hommes chauves pouvaient soulever en moyenne dix kilos de plus que les hommes sans calvitie. Les hommes chauves étaient également perçus comme plus intelligents et dominants. Des qualités toujours appréciables, même pour des footballeurs.

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