Une nouvelle étude américaine montre
Le cannabis mène à l'addiction

Le cannabis n'est pas inoffensif. Une nouvelle étude suggère qu'il augmente le risque de schizophrénie et de dépression, qu'il rend plus vulnérable à la dépendance aux opiacés comme l'héroïne et qu'il influence à long terme la manière de gérer le stress.
Publié: 08.09.2023 à 22:34 heures
Silvia Tschui

Ce sont des chiffres dont on peut presque sentir l'odeur: environ 18% des jeunes Suisses de 15 ans ont déjà testé le cannabis et 10% en a consommé dans les 30 derniers jours, selon une enquête d'Addiction Suisse réalisée sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en 2022. 

Bien qu'apparaissant diminuer légèrement, cette consommation précoce n'est pas sans conséquence et peut avoir des effets à long terme sur le cerveau, comme le montre une nouvelle étude publiée aux États-Unis. Yasmin Hurd, éminente neuroscientifique américaine et directrice du centre de toxicomanie de l'hôpital universitaire de Mount Sinai à New York, a suivi plusieurs approches pour étudier la nocivité à long terme du cannabis, notamment sur les cerveaux encore en développement des enfants et des adolescents.

Sa méthode? Étudier les effets du THC sur des rats de laboratoire et constituer une banque de données sur le cerveau, composée de tissus humains, provenant de consommateurs d'amphétamines et d'héroïne ainsi que de personnes atteintes de schizophrénie.

Fumer du cannabis n'est pas aussi inoffensif que beaucoup le pensent.
Photo: Getty Images
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La consommation de THC à l'adolescence augmenterait le risque de schizophrénie

Les expériences menées sur les rats ont montré que les animaux exposés au THC tôt, à un stade équivalent à l'adolescence pour l'être humain, étaient par la suite plus susceptibles de consommer de l'héroïne que les rats du groupe de comparaison. Plus sensibles aux hormones du stress, les rats drogués s'isolaient socialement. Le fait que leurs cellules cérébrales aient été exposées tôt au THC a également modifié les réactions dans le centre de récompense du cerveau.

En temps normal, les neurones se connectent entre eux par des prolongements en forme de branches — plus ces connexions sont nombreuses et fortes, mieux le cerveau fonctionne. Lorsque le cerveau est atteint de schizophrénie, la mise en réseau de certains neurones est, de manière très simplifiée, perturbée et atrophiée. La véritable découverte de cette expérience est apparue en comparant le cerveau de ces rats sous THC avec celui de personnes schizophrènes. Dans les deux cas sont apparues des connexions neuronales fortement atrophiées, en particulier dans le cortex préfrontal. Celui-ci contrôle les réactions de peur, la mémoire, le contrôle de soi et la planification. Cela suggère que la consommation de THC à l'adolescence augmente le risque de schizophrénie ultérieure, mais aussi de maladies anxieuses et de dépressions.

Des études effectuées sur l'homme soutiennent également la crainte que la consommation précoce puisse avoir des effets durables. Une étude publiée en 2021 et portant sur 799 jeunes européens a associé la consommation de cannabis à un amincissement du cortex préfrontal et à un niveau plus élevé d'impulsivité.

La concentration de THC n'a pas d'influence

Lorsqu'on observe les effets nocifs de la consommation, la concentration de THC n'a pas d'importance. Que l'on fume du cannabis fort ou moins fort ou que l'on en consomme d'une autre manière, tout est nocif: des doses faiblement concentrées modifient le système de réaction du cerveau aux opioïdes et pourraient donc renforcer les tendances à la dépendance, tandis que des doses fortement concentrées endommagent directement des cellules cérébrales appelées astrocytes, qui alimentent entre autres les neurones du cerveau en énergie.

Les spécialistes disent que les interdictions n'apportent rien

Stephanie Stucki, collaboratrice scientifique d'Infodrog, la Centrale suisse de coordination des addictions, souligne un problème majeur dans l'exposition des jeunes aux produits du marché noir: «L'interdiction des drogues n'a pas réussi à réduire la consommation de cannabis et les marchés noirs, difficilement contrôlables, comportent des risques pour la santé des consommateurs». Les produits du marché noir sont en partie contaminés par des pesticides et des cannabinoïdes synthétiques et ont souvent une teneur élevée en THC.

«De l'avis de nombreux spécialistes, il serait donc préférable de créer un accès légal au cannabis de qualité contrôlée pour les adultes. Mais en même temps, il faut des règles strictes pour le marché», explique la scientifique. Pour les jeunes, les produits seraient ainsi toujours interdits et il faudrait donc des mesures d'accompagnement efficaces en matière de prévention, de conseil et de thérapie ainsi que de réduction des risques.

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