Pas de trêve à l'horizon
Poutine joue la montre et l'Occident hésite

La guerre en Ukraine devrait prendre fin avant l'hiver. C'est du moins ce que souhaite Volodymyr Zelensky. Mais les plans de Vladimir Poutine se profilent différemment. L'Occident est pris en étau entre les deux camps.
Publié: 12.07.2022 à 15:31 heures
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Dernière mise à jour: 12.07.2022 à 15:37 heures
Chiara Schlenz

L’offensive russe en Ukraine progresse depuis quatre mois maintenant – lentement, mais de manière destructrice. Mettre fin à la guerre n’est pas au programme de Vladimir Poutine, qui le fait comprendre en jouant la montre. L’armée russe est en «pause opérationnelle». Il ne s’agit pas d’une trêve, mais bien d’un temps exploité pour la préparation de nouvelles attaques.

Cette tactique n’est pas nouvelle. Dès le début, le conflit en Ukraine a été qualifié de «guerre d’usure», puisque l’objectif est de rendre l’armée ukrainienne dépendante des livraisons d’armes occidentales – qui sont limitées.

Dans un entretien avec Blick, Dominik Knill, président de la Société suisse des officiers, confirme lui aussi cette idée: «L’Ukraine est à court de munitions. Elle ne peut presque plus en produire et l’Occident a déjà vidé ses stocks.»

Vladimir Poutine souhaite faire durer la guerre en Ukraine aussi longtemps que possible.
Photo: IMAGO/SNA
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La pénurie d’énergie doit briser l’Occident

Et tandis que Moscou essaie de retarder la fin de la guerre, l’Ukraine tente coûte que coûte pour y mettre un terme avant l’hiver. Et pour cause: l’Europe n’est clairement pas prête à être sevrée d’énergie russe. L'approche de l’hiver et les prix du gaz en constante croissance vont sans doute faire prendre conscience à l’Europe le coût réel du soutien à l’Ukraine. C’est du moins ce que semble espérer le chef du Kremlin.

«Vladimir Poutine s’attend à ce que la pénurie d’énergie en plein hiver brise la solidarité et le soutien apportés à l’Ukraine», explique à Blick Marco Steenbergen, politologue à l’université de Zurich. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, semble lui aussi avoir cela bien à l'esprit.

Dominik Knill ajoute: «L’Ukraine est bien consciente que la grande solidarité à l’ouest du continent va être mise à rude épreuve. Il y a des signes de lassitude en Europe.» Une raison supplémentaire de mettre fin à la guerre le plus vite possible – du moins du point de vue occidental et ukrainien.

«Les stocks des pays occidentaux se font rares»

Malgré une situation délicate, l’Occident peine à prendre des décisions. «L’hésitation est certainement à l’avantage de Poutine. Mais l’Occident doit jouer la carte de la sécurité, car personne ne veut laisser ce conflit s’envenimer inutilement, explique Marco Steenbergen. Que d’anciens généraux discutent à la télévision russe de la possibilité de bombarder Londres ou Rotterdam n’est peut-être qu’une exagération, mais il faut être prudent dans ce genre de choses.»

Dominik Knill explique le rôle plutôt passif de l’Occident: «Il se tient au bord du terrain comme un entraîneur de football, crie sur les joueurs, les motive avec des conseils et espère ainsi pouvoir vaincre l’adversaire sans devoir lui-même courir sur le terrain avec les remplaçants.»

Mais l’Europe doit penser à sa propre sécurité, explique le colonel: «Les stocks d’armes et de munitions des pays occidentaux se raréfient. Et plus la guerre dure, plus on en aura besoin pour la défense de sa propre nation.» Selon lui, cette situation est délicate puisqu’elle renvoie la Suisse au danger de sa posture pacifiste. Dominik Knill n'y va pas par quatre chemins: «Ce serait un suicide politique de ne pas prendre au sérieux la menace qui pèse sur notre propre existence.»

La Russie est toujours une puissance nucléaire

Menaces nucléaires, arrêt des livraisons de céréales ou hiver sans gaz, les menaces qui pèsent sur l’Occident produisent l’effet escompté: les adversaires de Moscou hésitent.

Mais combien de temps le chef du Kremlin pourra-t-il encore jouer ce jeu de la menace? «Je pense que la plupart des décideurs politiques ont depuis longtemps remis en question la crédibilité des menaces», estime le politologue. Mais la Russie reste une puissance nucléaire – et même si la chance d’une escalade est faible, elle existe et ne peut être rejetée.

(Adaptation par Mathilde Jaccard)

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