Peter Maurer en Afghanistan
Le président du CICR s'inquiète de la situation humanitaire et sociale

Le chef du CICR, Peter Maurer, est le premier diplomate suisse de haut rang à se rendre dans l'Afghanistan des talibans. La situation sur place est tendue.
Publié: 06.09.2021 à 12:54 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2021 à 13:36 heures
Daniel Kestenholz, Jessica Chautems (adaptation)

À une semaine du vingtième anniversaire des attentats terroristes du 11 septembre 2001, événement déclencheur de la guerre des Etats-Unis contre l’Afghanistan et de la chute des Talibans, les nouveaux dirigeants s’installent au pouvoir après la reconquête du pays.

Lundi, les talibans ont annoncé avoir pris le contrôle «complet» du Panchir. Le Front national de résistance (FNR), mené par le commandant Massoud, a démenti la fin des combats sur Twitter. Ils luttent depuis la mi-août pour conserver la vallée qui n’était encore jamais tombée aux mains des ennemis. Dimanche déjà, un coup dur avait été porté à la dernière résistance armée. Quatre hauts responsables du FNR – dont son porte-parole – étaient morts dans les combats. Le commandant Massoud avait alors entamé des pourparlers, avant l’annonce des talibans ce lundi.

La violence contre les femmes et les «Américains pris en otage»

Dans le reste du pays, la situation demeure également tendue: de nouvelles atrocités sont signalées quotidiennement. Dans une ville de province, des combattants talibans ont abattu une policière enceinte de huit mois devant sa famille. Ce meurtre est l’une des nombreuses atrocités qui témoignent de l’oppression croissante des femmes en Afghanistan.

Le président du CICR, Peter Maurer, est arrivé en Afghanistan dimanche.
Photo: Philippe Rossier
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Samedi, alors que des femmes étaient descendues dans les rues de Kaboul pour protester, les talibans ont réprimé la manifestation pacifique à coups de matraque et de gaz lacrymogène. Les photos montrent des scènes dramatiques. Selon le journal britannique «The Guardian», les talibans auraient également arrêté quatre hommes accusés de battre des femmes et menacé des journalistes d’une arme. Ce n’est «pas le moment de protester», a déclaré au journal le porte-parole des talibans, Zabiullah Mujahid.

En parallèle, de très timides signes de stabilisation peuvent être remarqués. Au cours du week-end, des vols intérieurs vers Herat et Mazar-i-Sharif ont décollé de Kaboul pour la première fois depuis le retrait américain. À Mazar-i-Sharif, six vols d’évacuation affrétés pour les Américains attendent toutefois depuis des jours l’autorisation de décoller. Les politiciens américains parlent de chantage: «Nous savons que c'est parce que les talibans veulent quelque chose en retour», a déclaré le député républicain Michael McCaul à «Fox News». «Les talibans retiennent actuellement des Américains en otage.»

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Le chef du CICR, Peter Maurer, arrive en Afghanistan

Le diplomate suisse Peter Maurer est arrivé dimanche en Afghanistan, le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Avec une visite de trois jours, il veut se faire une idée de la situation sur le terrain.

Sur Twitter, Peter Maurer a écrit: «Bien arrivé en Afghanistan». Dans un message vidéo, il a commenté: «Aujourd’hui, je vais arriver en Afghanistan, où près de 40 ans de conflit ont causé tant de souffrance et de misère». Au cours de sa visite, il a indiqué qu’il s’entretiendrait également avec les autorités talibanes et rendrait visite aux victimes du conflit. Il a déclaré vouloir s’assurer que le CICR puisse travailler dans des conditions «neutres, impartiales et indépendantes».

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Les talibans invitent Merkel

Dans l’intervalle, les talibans espèrent également un soutien de l’Occident, pendant longtemps «l’ennemi suprême». Les Allemands, par exemple, sont pardonnés pour leur proximité avec les États-Unis, a déclaré le porte-parole des islamistes Zabiullah Mujahid à «Welt am Sonntag». Les nouveaux dirigeants afghans souhaitent notamment obtenir de l’Allemagne et des autres pays un soutien financier, une aide humanitaire et une coopération en matière de santé, d’agriculture et d’éducation.

Les Allemands, en particulier, ont toujours été les bienvenus en Afghanistan, déclare Zabiullah Mujahid. Selon les propos rapportés par Bild. Déjà à l’époque de la royauté, il y a une centaine d’années, les Allemands auraient fait beaucoup de bien en Afghanistan. «Malheureusement, ils ont ensuite rejoint les Américains. Mais c’est pardonné maintenant, explique le porte-parole, nous voulons que personne n’ait peur de l’Afghanistan et des Afghans.» Par surcroît, il a invité la chancelière allemande: «Nous accueillerions chaleureusement Mme Merkel ici.»

Bruxelles a déjà informé d’un rapprochement avec Kaboul, mais sous conditions. La semaine dernière, le commissaire européen aux affaires étrangères Josep Borrell a déclaré que les nouveaux dirigeants afghans obtiendraient la reconnaissance politique exclusivement s’ils agissent conformément aux valeurs de l’UE. À cet égard, les talibans sont très mal engagés, notamment en ce qui concerne les droits des femmes.

Les étudiantes doivent se voiler

Depuis leur coup d’État, les talibans ont imposé des règles strictes pour les femmes dans les universités privées. Dans un long règlement édicté par l’autorité islamiste responsable de l’enseignement supérieur, les femmes ne sont autorisées à fréquenter les universités privées qu’avec un niqab couvrant le visage et dans des espaces séparés des hommes. S’il n’est pas possible de les séparer dans des pièces différentes, un rideau doit être tiré entre les deux genres.

Selon le document, les cours destinés aux femmes ne doivent être dispensés que par des femmes. Si cela est impossible, les cours peuvent être donnés par un «ancien» dont la moralité est attestée.

Les filles peuvent toujours aller à l’école

Pendant le premier règne des talibans dans les années 1990, les femmes et les filles étaient largement exclues du système d’éducation publique. Après l’invasion américaine en 2001, des collèges et des universités privés ont été créés dans de nombreuses villes d’Afghanistan. Ces établissements rouvrent lundi. Au cours des 20 dernières années, le nombre de femmes dans les universités a fortement augmenté.

Le règlement stipule en outre que les femmes doivent quitter les salles de classe avec cinq minutes d’avance afin d’attendre dans des salles spéciales que tous les hommes aient quitté le bâtiment. Les règles sont «difficiles sur le plan pratique, nous n’avons pas assez de personnel enseignant féminin», a déclaré un professeur d’université à l’agence de presse AFP. «Toutefois, le fait qu’ils permettent aux filles de fréquenter les écoles et les universités est un pas dans la bonne direction».

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