Chronique de Nicolas Capt
Chacun est ce qu’il veut être et la légitimité est une notion honnie

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il s'intéresse à une notion qu'il considère comme oubliée dans l'accès au champ médiatique: la légitimité.
Publié: 01.11.2022 à 11:27 heures
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Dernière mise à jour: 01.11.2022 à 11:28 heures

Et vous, vous en pensez quoi?

Soyons honnêtes, cette semaine, il y a l’embarras du choix pour qui cherche à décerner le prix de l’absurde.

Il y a ainsi, dans le désordre, Elon Musk qui rachète Twitter pour 44 milliards et fait son entrée, armé du sourire de l’enfant qui fanfaronne après une bêtise, dans le lobby de l’entreprise avec un lavabo dans les bras. Il y a des jeunes gens qui maculent un Monet de purée de pommes de terre, après que leurs collègues de causes ont fait subir un hommage tomaté similaire à un Van Gogh qui n’en demandait sans doute pas tant. Last but not least, il y a Cyril Hanouna qui vante sur le petit écran les louanges des procès pénaux expéditifs.

Le point commun entre des activistes du climat, Cyril Hanouna et Elon Musk? Notre chroniqueur, Me Nicolas Capt, vous l'explique.

Dans les années de mon enfance, on aurait frotté les oreilles de ces jeunes impertinents en leur disant que l’on ne gâchait pas la nourriture, et qu’il y avait des enfants qui, dans d’autres parties du globe, le fameux tiers-monde, ne mangeaient pas à leur faim. Bref, on aurait mis rapidement fin à ce petit cirque. Mais cela, c’était avant. Désormais, le climat autorise tout, ou presque.

Dans les temps jadis, on aurait aussi suggéré au patron Elon de ne pas faire son entrée dans sa nouvelle entreprise avec un lavabo dans les bras et on lui aurait soufflé qu’en toute chose la modération est bonne.

Autrefois, on aurait dit à ce présentateur - vêtu d’habits que son âge ne lui permet plus raisonnablement de porter - que sa harangue populiste n’était pas digne de la confiance publique qu’il incarnait et que les garanties de procédure pénale, acquises de haute lutte, sont les hautes barrières de la démocratie que rien jamais ne saurait remettre en cause.

Une accoutumance au tonnerre

Dans l’esprit étriqué du boomer que vous lisez, la macule d’une œuvre d’art n’a pas d’effet évident sur le climat, l’entrée en fanfare du nouveau patron d’une entreprise avec un lavabo dans les bras ne convoque que le ridicule et la remise en question des principes fondamentaux de notre droit est, au mieux, le signe d’une profonde méconnaissance de la justice et de ses impératifs.

Ces coups d’éclats font, en revanche, le beurre des médias, qui raffolent de ces incidents mis en scène, dont le lectorat est lui-même friand. Du pain et des jeux. On nous dit que c’est l’attention médiatique qui permettra de faire avancer la cause. Le raisonnement à la vérité se tient: notre époque avance sous les coups de boutoir des passions particulières. Mais il a aussi ses limites: quels effets concrets véritables les interventions dans le champ médiatique des activistes de tous poils ont-elles eus?

Hormis les avancées cosmétiques et les washing en tous genres, l’effet parait bien maigre. Et l’on observera aussi que l’effet médiatique s’épuise dans sa réitération mécanique, entraînant tout à la fois une accoutumance au tonnerre et une insensibilité progressive des masses.

L'égalité absolue comme mécanique de toutes et tous

Mais, au fond, quel est le dénominateur commun de ces actions coup de poing? Elles sont le résultat d’une société qui fait mine de ne plus distinguer les qualités, les expériences et les spécialités. Chacun est ce qu’il veut être et la légitimité est une notion honnie, dès lors qu’elle heurte la valeur suprême qu’est devenue l’égalité absolue et mécanique de toutes et tous.

Tous galvanisés que nous sommes de ce monde nouveau qui donne à chacune et à chacun la parole quand il la désire, n’oublions pas que c’est précisément ce terreau-là qui fait le lit des plantes monstrueuses que sont le racisme, l’ignorance et la haine de l’autre.

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