Madame Tang Yu la PDG
Le marronnier des robots savants

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il s'intéresse au rôle curieux récemment attribué à un robot.
Publié: 04.10.2022 à 11:03 heures

Un marronnier, en journalisme, c’est un sujet récurrent, un peu facile, qui vient garnir les étals lorsque l’inspiration manque. Il en est ainsi des reportages sur les fournitures scolaires, les premiers abricots dans les marchés ou encore ceux sur les embouteillages de la route des vacances.

Vous n’y échapperez pas cette semaine. Au menu, la petite musique lancinante des robots qui viennent remplacer les humains. Non pas pour emballer un carton ou détecter une maladie. Non. Pour entrer, par la grande porte s’il vous plait, dans le saint des saints de l’entreprise: le conseil d’administration.

Un robot PDG

Après nous avoir joué la fantaisie de Sophia, le premier robot à obtenir une nationalité, en l’occurrence saoudienne, et qui, hormis ses traits élégants inspirés d’Audrey Hepburn, relevait du seul chien savant qui exécute moult tours sans en comprendre aucun, la rumeur publique a l’honneur de vous présenter Madame Tang Yu (il ne vous aura pas échappé que pour améliorer l’attrape, on donne désormais au robot un prénom, mais aussi un patronyme en carton-pâte).

Au menu, la petite musique lancinante des robots qui viennent remplacer les humains.
Photo: AFP

Cette dame, ou plutôt ce grille-pain grimé en femme, n’est devenue en septembre dernier rien moins que PDG d’une société chinoise, leader dans le domaine des jeux vidéo et des services d’éducation en ligne. En réalité, si l’on gratte le vernis des articles racoleurs, on réalise bien vite que la dame n’est, en réalité, que rotating CEO (PDG tournant), ce qui veut tout dire et rien dire.

En clair, l’entreprise ne sera évidemment pas dirigée par elle. Mais peut-être s’adressera-t-on à elle de temps à autre pour lui demander, comme on le ferait avec un automate divinatoire dans une fête foraine, son avis sur un sujet ou un autre.

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Gérer par l'émotion? Vraiment?

Avantage pour la société (et ses actionnaires): elle ne touchera aucune rémunération. Ce qui peut paraître comme un choix éclairé est en réalité une limite évidente: Madame Tang Yu ne va pas au restaurant, elle ne fait pas de shopping et ne fait pas de cadeaux aux amis qu’elle n’a pas. Corvéable à merci, Madame Tang Yu sera disponible 24 heures sur 24 et suivra des formations continues.

Petite cerise (en plastique) sur le gâteau: Madame Tang Yu se fonde sur les émotions pour diriger les salariés. Ce qui pourrait sembler annoncer une douce révolution (la gestion d’entreprise par l’émotion) a en réalité les traits de l’enfer: comment une entité qui ne ressent aucune émotion, et dont celles dont elle fait preuve ne relèvent que de la plus pure imitation, pourrait-elle gouverner par les émotions? Allez, au suivant, Madame Yu!

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