Réélu il y a un an
Emmanuel Macron, le président qui a tout gagné... et peut-être tout gâché

Il y a pile un an, le 24 avril 2022, Emmanuel Macron remportait son pari: être réélu président de la République, là où Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient échoué avant lui. Mais depuis, tout s'est dégradé. Voici pourquoi.
Publié: 24.04.2023 à 10:36 heures
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Dernière mise à jour: 24.04.2023 à 15:31 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il faut le répéter. Et surtout ne pas l’oublier au moment de juger sa performance politique actuelle. Emmanuel Macron a réussi l’impossible. Le 24 avril 2022, le plus jeune président de l’histoire française contemporaine lève les bras en signe de victoire, au pied de la Tour Eiffel, à Paris. Une volée de lycéens l’accompagne, lorsqu’il monte sur la scène en compagnie de son épouse Brigitte.

Ce jour-là, Emmanuel Macron a 44 ans. Il vient de remporter son second duel présidentiel contre Marine Le Pen, par 58.55% des suffrages, contre 41,45% pour la candidate du Rassemblement national. Chapeau bas! Nicolas Sarkozy avait échoué sur le fil en 2012. François Hollande avait renoncé à se représenter en décembre 2016.

Et depuis? L’actuelle bataille sociale autour de la réforme des retraites fait un peu vite oublier cette prouesse politique: être le premier président réélu à l’issue d’un quinquennat (Jacques Chirac l’avait été en 2002, à l’issue d’un septennat et contre Jean-Marie Le Pen). Faut-il voir dans cette réélection un succès, qui peut encore déboucher sur un mandat présidentiel réussi? Ou au contraire un gâchis? Le résumé, en cinq dates.

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17 mai 2022: le choix ambigu d’Elisabeth Borne

Ce choix-là, Emmanuel Macron semble aujourd’hui le regretter. La preuve? Dans l’entretien accordé aux lecteurs du «Parisien», publié ce 24 avril 2023, le président estime qu’il aurait dû davantage se «mouiller» pour défendre la réforme des retraites. L’affirmation est redoutable.

Le 24 avril 2022, c'est au pied de la Tour Eiffel, à Paris, qu'Emmanuel Macron avait choisi de réunir ses partisans. Un contraste avec l'esplanade du Louvre, en 2017.
Photo: DUKAS
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A l’Hôtel Matignon, où siège le Chef du gouvernement français, l’ex ministre et technocrate Elisabeth Borne (âgée aujourd’hui de 62 ans), issue du Parti socialiste, devait incarner à la fois les réformes et le dialogue. Elle devait surtout permettre à la majorité présidentielle d’être reconduite aux législatives de juin 2022. Patatras. Rien ne s’est passé comme prévu.

La faute à Borne? En partie. Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, qu’Emmanuel Macron a bien failli ne pas la nommer. Son choix initial pour le poste de première ministre était Catherine Vautrin, une élue de droite, présidente de la métropole de Reims. Jusqu’au bout, celle-ci a tenu la corde avec, comme mission, de ratisser le plus large possible au centre et à droite. Puis, Macron a fait volte-face. Adieu Catherine! Bonjour Elisabeth. On connaît la suite.

19 juin 2022: le coup de massue des législatives

Il n’y croyait pas. Tous les familiers du palais présidentiel de l’Élysée le confirment: Emmanuel Macron pensait de nouveau rafler la mise à l’Assemblée nationale, convaincu que les Français lui donneraient les moyens de gouverner. Raté. Avec 244 sièges de députés sur 577, la coalition Ensemble n’obtient qu’une majorité relative.

Mais le choc vient de la droite nationale populiste: 89 élus pour le Rassemblement national, ce qui offre une revanche lourde de conséquences pour Marine Le Pen. Celle-ci devient en effet aussitôt présidente de l’un des premiers groupes de l’Assemblée. Sa normalisation politique est achevée.

Ce coup de massue est personnel. Macron est défié par les électeurs. Il est aussi institutionnel. L’Assemblée nationale est à l’image du pays: divisée en trois blocs. Le premier bloc est celui du centre et de la droite traditionnelle, bien décidée à faire chèrement payer son soutien. Le second est celui de la droite nationale. Le troisième, celui de la gauche radicale-écologiste menée par La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. A partir de là, la France politique devient un champ de mines. Sur lequel le macronisme peut à tout moment exploser.

11 septembre 2022: Poutine ne répond plus

On se souvient de l’image du 8 février 2022. Elle fait désormais la couverture de livres. Face à face, de part et d’autre de l’immense table de réunion au Kremlin, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se toisent. Dans quelques jours, le président russe lancera son armée sur Kiev. Il a déjà décidé les modalités de l’assaut. Il est persuadé d’en finir en quelques jours avec celui qu’il considère comme un «pantin» à la solde des Occidentaux: le président Ukrainien Volodymyr Zelensky.

Macron, alors, a tenté de jouer son va-tout. Il voulait être l’homme qui réussira à sauver la paix. Son tweet, diffusé dès son arrivée à Moscou, était éloquent: «Commençons à bâtir une réponse utile pour la Russie, utile pour toute notre Europe, une réponse qui permette d’éviter la guerre, de construire les éléments de confiance, de stabilité, de visibilité. Ensemble.»

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Problème: le charme du jeune locataire de l’Élysée n’opère pas. Vladimir Poutine reste de marbre. Et lorsque Emmanuel Macron décroche son téléphone pour joindre à nouveau le maître du Kremlin, le 11 septembre 2022, le scénario est encore pire: Poutine l’abandonne pour aller reprendre une partie de hockey.

Les alliés de la France au sein de l’Union européenne s’interrogent: que veut Emmanuel Macron, l’homme qui en 2019 avait déclaré l’OTAN «en état de mort cérébrale». Or l’Alliance Atlantique est le rempart contre la Russie. Ce 11 septembre 2022 est la date de leur dernière conversation téléphonique. Au fil de ses appels, Macron a essuyé plus qu’une gifle diplomatique. Il s’est retrouvé pris au piège d’une stratégie de dialogue sans issue.

10 janvier 2023: Le grand ratage des 64 ans

Ce jour-là, c’est Élisabeth Borne qui parle. La première ministre présente le détail du projet de loi sur la réforme des retraites, adopté après une série de consultations avec les partenaires sociaux. «Consultations»: ce mot coûtera cher à Emmanuel Macron, car il signifie que le gouvernement a bien voulu écouter, mais pas négocier, alors que le sujet des retraites touche toutes les familles françaises.

Ce jour-là surtout, Emmanuel Macron opère, à travers sa première ministre, un virage à 180 degrés. Il fait un demi-tour complet. Lui qui promettait, lors de son premier quinquennat, de réformer le système français de retraite par répartition sans toucher à l’âge de départ… finit par faire le contraire.

Motif avancé? L’équilibre financier du régime général, présenté comme déficitaire en 2023 à hauteur de 13 milliards d’euros. Une partie de la population se cabre. Est-ce le même Emmanuel Macron qui, au plus fort de la pandémie, a débloqué 240 milliards d’euros au nom du «Quoi qu’il en coûte»? Et quid des 17 milliards d’euros lâchés après la crise des gilets jaunes, en 2018-2019? Les 64 ans cabrent le pays. Deux tiers des Français refusent d’abandonner leur retraite à 62 ans. Macron le réformateur ne passe plus.

16 mars 2023: Le 49.3, guillotine politique

Les experts des instituts de sondage sont formels. À partir du recours à l’article 49.3 de la Constitution devant l’Assemblée nationale, pour éviter de soumettre au vote le projet de loi sur la réforme des retraites, la cassure entre Macron et l’opinion devient infranchissable.

«Ce jour-là, la violence politique a été légitimée», estime le sociologue Jean Viard. La première ministre Élisabeth Borne était déjà pointée du doigt pour avoir choisi une loi de programmation budgétaire afin de faire adopter sa réforme. Mais cette fois, le refus d’aller jusqu’au vote sonne comme un désaveu.

La preuve: quelques jours plus tard, le 20 mars, une motion de censure transpartisane manque de peu de renverser la première ministre. À neuf petites voix près, celle-ci-sauve son poste, sa réforme, et par ricochet le président.

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Emmanuel Macron le sait. La cassure est devenue coupure. Le 49.3 a été vécu comme une guillotine politique. C’est sans doute pour cela qu’il veut, désormais, retourner sur le terrain et reprendre coûte que coûte le dialogue avec les Français. Il sait que le défilé syndical du 1er mai sera à très haut risque. Il sait que son invitation à rencontrer l’intersyndicale n’est pas sûre de ramener le calme.

Le recours à l’article 49.3 sonne comme l’aveu d’un président incapable de mettre en œuvre sa promesse d’ouverture et d’écoute faite le jour de sa réélection. Un certain 24 avril 2022.

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