Nadine Felix, directrice de la fondation Domicil
Logements abordables: «Nous ne pouvons pas faire face à la demande»

Les personnes touchées par la pauvreté ont toujours plus de peine à trouver un toit. Il y a beaucoup trop peu de logements bon marché pour les bas revenus, explique Nadine Felix. Elle dirige une fondation qui aide les personnes concernées. Interview.
Publié: 01.04.2024 à 17:30 heures
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Martin Schmidt

La recherche d'un logement dans les zones urbaines est un défi pour les ménages de la classe moyenne. Pour les personnes en situation de pauvreté, c'est pratiquement impossible. Les logements abordables sont une denrée rare en de nombreux endroits. Le nombre de logements vacants diminue depuis des années. Dans des cantons comme les Grisons, Zoug ou Zurich, les loyers ont augmenté l'an dernier, passant à plus de 10% dans les lieux les plus prisés. 

Les personnes en situation de pauvreté sans soutien restent donc sur le carreau. Nadine Felix, directrice de Domicil souhaite justement leur venir en aide. La fondation aide les personnes en situation de précarité financière à trouver un logement à Zurich. Pour un nombre croissant de personnes, la fondation est le dernier espoir. Interview. 

Nadine Felix, l'augmentation des coûts de ces dernières années touche particulièrement les personnes en situation de pauvreté et la classe moyenne inférieure. Cela se ressent-il dans la demande d'aide au logement?
Notre offre a toujours été très demandée, mais ces deux dernières années, les demandes ont encore augmenté de 50%. Nous recevons encore plus de demandes par téléphone, les gens viennent également sonner à la porte de notre bureau. Nous ne pouvons même pas faire face à toutes les sollicitations.

Pour les personnes en situation de pauvreté, la recherche d'un logement est un énorme défi. (Image symbolique)
Photo: Keystone
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Vous devez donc souvent refuser de l'aide?
Nous n'avons pas pu élever nos capacités avec l'augmentation des demandes. D'une part, nous recevons en permanence des inscriptions de la part des services sociaux. D'autre part, nous proposons chaque semaine une permanence à laquelle les personnes sans soutien économique peuvent s'inscrire chez nous. Nous ne pouvons pas accepter plus d'inscriptions.

Comment se déroule une telle consultation?
Nous vérifions s'il y a urgence et si le revenu est suffisamment élevé pour le niveau de loyer prévu. De nombreuses familles qui nous contactent gagnent trop peu pour pouvoir se payer un logement adapté. Nous les informons alors qu'elles ont droit à des prestations de soutien et nous les orientons vers les services compétents. Nous ne pouvons pas les soutenir financièrement nous-mêmes.

Nadine Felix, directrice de la fondation Domicil, et son équipe aident les personnes touchées par la pauvreté à trouver un logement.
Photo: Zvg

La fondation se porte-t-elle garante pour les personnes à la recherche d'un logement?
Nous ne possédons pas de logements que nous pourrions proposer. C'est pourquoi, nous cherchons à entrer en contact avec des fournisseurs de logements - propriétaires, administrations, coopératives - qui sont prêts à louer des appartements abordables à des ménages particulièrement tributaires des bas loyers. Les personnes en situation de pauvreté n'ont souvent aucune chance d'obtenir elles-mêmes un logement. À plus forte raison lorsqu'elles ont encore une inscription au registre des poursuites. En tant que locataire solidaire, nous cosignons le contrat de location et sommes responsables si des frais restent impayés après la fin du bail. Actuellement, nous avons 1130 logements, dont un tiers que nous louons et sous-louons nous-mêmes. Pour les autres, nous nous portons garants.

Recevez-vous de plus en plus de demandes de personnes qui, selon la définition, ne sont pas considérées comme des personnes en situation de pauvreté?
Effectivement, nous recevons de plus en plus de demandes de la classe moyenne, que nous devons malheureusement refuser. Notre mission est d'aider les personnes aux revenus vraiment modestes et en situation d'urgence.

Qui vous contacte?
Notre principal groupe cible est constitué de familles. Nous aidons surtout les familles touchées par la pauvreté, ce sont souvent des mères ou des pères célibataires. Mais les retraités ou les jeunes en formation ont également des difficultés à trouver un logement abordable. Nous les orientons vers les services compétents. De nombreuses personnes que nous soutenons sont issues de l'immigration. Pour elles, la recherche d'un logement est encore plus difficile lorsqu'elles ont de faibles revenus, car il leur manque souvent un réseau qui les aiderait à trouver des logements bon marché.

Combien de temps dure généralement un tel placement?
En ville de Zurich et dans l'agglomération où nous sommes actifs, il y a beaucoup trop peu de logements dans la fourchette de prix nécessaire. Pour une famille de 4 personnes, il s'agirait par exemple d'un appartement de 4,5 pièces pour un loyer brut de 1800 francs. C'est pourquoi nous ne pouvons guère faire de pronostics actuellement. Généralement, cela prend neuf ou douze mois. Mais cela peut aussi durer des années. Cela devient particulièrement difficile lors de grandes rénovations ou de la démolition d'anciens immeubles d'habitation. Les nouveaux logements sont beaucoup plus chers. Par la suite, nous recevons de nombreuses demandes de familles enracinées dans le quartier et actives dans des associations. Les enfants ont leurs amis à l'école. Ils ne trouvent plus de logement abordable dans la région.

Combien de fois devez-vous intervenir pour le loyer?
Nous essayons déjà de donner un coup de main en amont pour éviter d'en arriver là. Selon les cas, il existe un droit à l'aide ou des organisations d'aide privées comme Caritas ou le Secours d'hiver qui peuvent apporter un soutien. Si des factures sont impayées à la fin du bail, nous intervenons. Sur la centaine de baux qui sont résiliés chaque année, cela est nécessaire pour une poignée d'entre eux. L'année dernière, dix cas ont été enregistrés, ce qui est supérieur à la moyenne. En revanche, si le bail se déroule sans problème pendant quelques années, nous essayons de libérer les personnes de leur responsabilité solidaire.

Que faudrait-il pour que les personnes en situation de pauvreté aient davantage accès à des logements abordables?
Il faut plus de logements abordables, par exemple via des quotas de logements abordables dans les grands projets. En outre, il est important que les logements abordables soient loués à des personnes qui en ont vraiment besoin.

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