Chronique de Jessica Jaccoud
Loi «swissness»: quel est le prix de la trahison à la Suisse?

La députée socialiste vaudoise Jessica Jaccoud, membre de notre équipe de chroniqueurs, aborde ici la question du «swiss made», dans le cadre du déménagement d'une partie de la production des chocolats Toblerone à l'étranger.
Publié: 17.03.2023 à 12:43 heures
Jessica Jaccoud

Cela ne vous a surement pas échappé, la marque de chocolat Toblerone ne sera bientôt plus produite exclusivement en Suisse. Dès la fin de cette année, les petits triangles en forme de Cervin sortiront d'une fabrique en Slovaquie, où le groupe américain Mondelez a décidé de délocaliser une partie de sa production.

Conséquence directe, et afin de respecter les exigences de la loi «swissness» adoptée en 2017, cette délocalisation partielle oblige la marque à supprimer l’emblématique Cervin de l’emballage du chocolat au nougat. Les mentions «of Switerland» et le drapeau suisse disparaitront dans la foulée. La presse suisse et internationale s’est émue de ces futures modifications marketing sur l’emballage du chocolat. Mais est-ce vraiment cela qui doit nous interpeller?

Effets connus et reconnus du «swiss made»

Un peu d’histoire nous permet de nous rappeler que Toblerone, du nom de son fondateur Theodor Tobler, est un chocolat suisse créé et fabriqué depuis près de 120 ans à Berne. Si la recette a fait beaucoup du succès du chocolat triangulaire, sa «suissitude» a sans doute permis à la marque de s’imposer comme une référence mondiale. L’ours bernois est ainsi apparu déjà en 1920. Le Cervin fait quant à lui son entrée en 1970, soulignant encore un peu plus son identité suisse et permettant au Toblerone de s’imposer indiscutablement parmi les «marques globales du XXe et XXIe siècle». De l’aveu même de la marque elle-même, rares sont les chocolats qui sont devenus synonymes de «chocolat suisse de qualité».

Toblerone a bâti une grande partie de son succès sur son image suisse, avec notamment l'utilisation du Cervin sur ses emballages. Il est inadmissible que la marque délocalise une partie de sa production à l'étranger, selon notre chroniqueuse.
Photo: KEYSTONE

Force est de constater que la marque «Toblerone» n’aurait jamais pu devenir ce qu’elle est actuellement si elle n’avait pas pu capitaliser sur les effets connus et reconnus du «swiss made» et de la symbolique suisse qui lui est associée. On sait même, grâce à plusieurs études, que le «swiss made» fait vendre 20% plus cher pour des produits comparables d’autres origines. Toblerone a donc une responsabilité envers la Suisse qu’elle doit honorer.

Une trahison à la Suisse

La décision du groupe américain qui possède la marque Toblerone de délocaliser en Slovaquie est donc une trahison à la Suisse. Le groupe américain va sans doute encore capitaliser plusieurs années sur l’origine Suisse du chocolat, ancrée dans le subconscient collectif mondial, tout en réduisant ses coûts de production. À cela s’ajoute l’augmentation du volume de production, et vous aurez à la fin une explosion des profits sur le dos des emplois perdus à Berne. La Suisse n’aura que des larmes en chocolat pour pleurer.

Pendant combien de temps, va-t-on encore tolérer que des entreprises fassent leur nid et leur prospérité sur l’image et les symboles de la Suisse, puis, par appât du gain et du profit, délocalisent leur production à l’étranger? On connaît déjà le cas du chocolat Milka, qui utilise largement les images des Alpes suisses pour sa promotion, sans qu’aucun carré violet ne soit plus fabriqué en Suisse. Il en va de même pour les marques Suchard et Sugus, qui n’ont plus aucun site de production chez nous.

Au fond, comme le disait très récemment Arnaud Montebourg lors de son audition devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, il faut se réveiller! Et par se réveiller, on entend qu'il faut sanctionner la trahison à la Suisse.

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